3.6. Quelles langues pour l'enseignement/apprentissage
?
Comme nous l'avons signalé, les situations
sociolinguistiques africaines ne facilitent pas les choses. A l'instar de la
plupart des pays africains, le Bénin est un pays extrêmement
plurilingue, au point que les élèves d'une
même classe n'ont que très rarement la même langue
maternelle : dès lors, en quelle langue enseigner ?
La réponse n'est pas si simple à donner. Nous
partons du préalable selon lequel : Devant Dieu et pour les linguistes,
toutes les langues sont égales.
Faisons remarquer que partout au Bénin avec le yoruba, le
gun, le fon, le aja, le gen, le
59 CALVET, L.-J., 1992, "Les langues nationales
à l'école : un débat passionné, un serpent de mer",
in Diagonales n° 21, p. 23.
60 Propos recueillis auprès de Marcel
DIKI-KIDIRI, CILDA, République Centrafricaine intitulé
"Bilingues, Réclamez !" in Diagonales n° 21, p. 26.
61 KESTELOOT, L., 1992, "Place, enfin, aux langues
nationales" in Diagonales n° 21, p. 24.
62 NIANG, M., 1992, "L'apprentissage du
français et identité", in Diagonales n° 21, p.
29.
baatonum, le dendi ou le ditammari selon la région, on
peut se faire comprendre, comme c'est le cas ailleurs : « tout le monde ou
presque parle le wolof au Sénégal, tout le monde ou presque parle
le bambara au Mali, on se fait comprendre partout au Niger avec le haussa ou le
zarma, partout au Congo avec le lingala ou le munukutuba, partout en
Centrafrique avec le sango »63.
Cette situation n'empêche pas les blocages ; « si
tout le monde parle telle ou telle langue véhiculaire, tout le monde
n'accepte pas pour autant que cette langue joue un rôle
prépondérant dans la gestion de l'Etat : surgissent alors des
rivalités ethniques, des problèmes tribaux, qui rendent
malaisées sinon impossibles les tentatives d'unification linguistique du
pays. Place au français, donc, c'est-à-dire au statu quo...
»64
Il est donc illusoire de croire que la guerre des langues
oppose seulement les langues des pays colonisateurs aux langues des pays
colonisés ; elle se joue entre toutes les langues et l'on voit
apparaître en Afrique ce que Calvet a appelé des "diglossies
enchâssées". Il y a certes rapports de domination entre le
français d'un côté et les langues locales de l'autre, mais
il y a aussi, entre ces dernières des rapports de domination selon les
régions ou sur le plan national. Et certains sociolinguistes redoutent
même à raison, le remplacement des langues minoritaires au
détriment des langues qui connaissent une expansion rapide et
exponentielle en terme de nombre de locuteurs.
Cela n'est pas spécifique à l'Afrique ;
évoquons en passant les rapports assez conflictuels entre le catalan, le
basque, le galicien et l'espagnol en Europe ou celle concernant une
éventuelle langue que pourrait choisir pour sa gestion l'Union
Européenne ; le statu quo observé à ce niveau n'est certes
pas innocent.
Seulement, il faut oser, dépassionner les débats
de nationalisme et procéder à des options ; selon Calvet, «
à poser les problèmes de cette façon, les choses ne
changeront jamais »65.
Une façon scientifique de résoudre le
problème consiste à évaluer les expériences
déjà appliquées en vue d'en tirer les leçons
convenables pour mieux faire.
Hazoumé (1994 : 83) après avoir exposé
maints développements à propos de la politique linguistique du
Bénin propose le schéma suivant en matière de choix de
langues66 :
63 CALVET, L.-J., 1992, "Les langues nationales
à l'école : un débat passionné, un serpent de mer",
in Diagonales n° 21, p. 22.
64 Idem. Ibid.
65 Idem, ibid.
66 HAZOUME, M-L., 1994 in Politique linguistique
et développement (Cas du Bénin), Cotonou, Les Editions du
Flamboyant.
1. Region meridionale
- Département de l'Ouémé67 : les
langues gun et yoruba ;
- Département de l'Atlantique : la langue fon
- Département du Zou : les langues fon et
yoruba68
- Département du Mono : les langues gen et aja
2. Region septentrionale
- Département du Borgou : les langues baatonum et dendi
;
- Département de l'Atacora : les langues yom, dendi,
ditammari et waama
Ce qui pourrait donner les choix définitifs suivants :
gun, fon, yoruba, gen, aja, yom, baatonum, dendi, ditammari, waama.
Ces choix ne sont que des propositions basées sur des
développements scientifiques ; le débat n'est pas
tranché.
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