3.4.3. Autres aspects.
L'école africaine en général est en
crise. Les systèmes éducatifs partout en Afrique ont des
difficultés de tous ordres. En effet, bien que la plupart des Etats
africains consacrent entre 20 et 40% de leur budget national à leur
système éducatif, le taux de scolarisation ne dépasse pas
20% de la population dans de nombreux pays.
Il faudra libéraliser l'enseignement,
l'éducation classique ; c'est une question de développement et en
mettant de côté la politique pour considérer de
façon plus pratique et plus objective l'éducation, la question de
langue d'enseignement/apprentissage a trouvé sa réponse depuis
lors. Il suffit de l'appliquer.
57 ALBERIC, Gérard, & HAÏTSE,
Véronique, 1992, "Le français et le plurilinguisme en Afrique" in
Diagonales n° 24, p. 6.
3.5. Quelles options pour les langues nationales à
l'école ?
Une question importante mérite d'être
posée : « de quels savoirs le français est-il le
véhicule ? » et BAUDIN (1992) de répondre «
jusqu'à maintenant, certainement pas des savoirs dont l'enfant des pays
du Sahel a eu l'expérience dans son entourage avant d'entrer à
l'école ; ni les savoirs du berger guidant et soignant ses animaux, ni
les techniques artisanales du vannier et du teinturier, ni les
compétences du guérisseur choisissant ses simples, ni les milles
et une inventions des petits métiers de la ville. En arrivant en classe,
l'écolier abandonne avec sa langue maternelle toute l'identité
culturelle qu'elle a permis de mettre en place et de transmettre ; la langue
française et la connaissance ne font alors qu'un seul bloc, tout le
savoir passe par la parole du maître et tout ce qui n'est pas parole du
maître n'est pas savoir »58.
En menant le débat sur l'utilisation des langues
nationales dans le système éducatif formel, une des principales
interrogations consisteraient à se demander s'il faut utiliser les
langues africaines à l'école comme objet
d'enseignementlapprentissage ou comme moyen
d'enseignementlapprentissage ; ensuite, de chercher à savoir la
ou les langues à choisir.
Introduire les langues nationales à l'école
comme objet d'enseignement / apprentissage, consisterait par
exemple à prévoir dans le programme des écoliers et
élèves des heures de cours de langues nationales pour les
découvrir, pour s'exprimer, pour savoir mieux lire, écrire,
compter dans ces langues ; bref, pour mieux les parler. Utiliser les langues
nationales comme objet, c'est leur réserver un crédit horaire
comme aux autres enseignements ou matières : mathématiques,
sciences physiques, sciences de la vie et de la terre, sciences sociales, etc.
Un début d'application de cette option a commencé avec les
Nouveaux Programmes d'Etudes au Bénin. En effet, dans le programme des
écoliers, il est prévu un module langue et culture où les
écoliers s'expriment en langues nationales.
On peut aussi faire l'option d'utiliser les langues
nationales a l'ecole comme moyen d'enseignementlapprentissage. Dans ce
cas, il ne s'agit pas de réserver un crédit horaire aux langues
nationales mais de les utiliser pour tout faire ; pour enseigner la
mathématique, les sciences physiques, les sciences de la vie et de la
terre, les sciences sociales, et toutes les autres disciplines à
enseigner à l'école. Ces langues servent dans le cas
d'espèce de support linguistique de travail.
Dans l'esprit du présent travail, il est question
d'utiliser les langues nationales comme
58 BAUDIN, André, 1992, "Le laboratoire des
jeunes années. La langue de la construction des savoirs", in
Diagonales n° 21, p. 36.
moyen d'enseignement / apprentissage /
evaluation.
En effet, on voit très mal comment améliorer la
situation linguistique en accordant des crédits horaires pour
l'enseignement/apprentissage en langues nationales ; ce serait du saupoudrage,
rien de plus ; et de telles expériences n'ont de mérite que de
permettre de citer leurs initiateurs en tant que promoteurs des langues
nationales pour leurs audaces et leurs investissements.
Ce point de vue est partagé par Calvé, 1992 qui
affirme en substance : «la situation de l'Afrique n'est pas bonne, la
situation scolaire en particulier, et l'on voit mal comment régler le
problème par une injection de crédits supplémentaires
»59. Cette affirmation est soutenue par DIKI-KIDIRI qui a
déclaré que « si l'on se contente d'envisager l'enseignement
des langues nationales comme une aide fournie aux élèves dans les
premières années de scolarité, on transforme ces langues
en un tabouret fait pour accéder au français, autant dire qu'on
nie leur existence propre »60
De plus, « les maîtres, les psychologues
s'accordent pour affirmer que le développement de l'enfant s'effectue
plus harmonieusement lorsqu'il n'y a pas de coupure brutale entre la langue
maternelle et la langue d'enseignement »61
« Même si aujourd'hui, l'école s'inspire
beaucoup plus qu'autrefois du contexte culturel de l'enfant il n'en demeure pas
moins que le message oral et écrit en langue seconde implique, selon
Joseph Roth, trois difficultés : la difficulte due au
decodage du graphisme, celle de l'incomprehension du sens des mots qu'il doit
dechiffrer et enfin celle due au medium lui-meme : la
communication écrite étant vécue comme impersonnelle,
distante, alors que la communication orale implique un interlocuteur
physiquement présent qui précise et renforce le sens du message
par son comportement »62
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