3.4. Pourquoi opter pour l'enseignement/apprentissage en
langues nationales ?
Une réponse à cette interrogation nécessite
une synthèse analytique des différentes expériences faites
ça et là en Afrique en la matière.
3.4.1. Les erreurs commises lors des expériences
faites.
Certaines expériences se sont déroulées sans
résultats positifs parce que souvent menées dans de mauvaises
conditions.
Le principal échec dont nous avons fait cas dans les
expériences présentées est celui de la Guinée. Cet
échec est dû essentiellement à la précipitation et
au manque de préparation technique conséquente.
- Tout le primaire et la premiere annee du
secondaire, se sont déroulés en poular
;
- Le passage du poular au frangais en
deuxième année du secondaire s'est fait sans
transition,
Il est en effet très hasardeux de dispenser toute la
formation en langue nationale uniquement du primaire jusqu'à la
première année du secondaire si l'on envisage le passage à
une langue étrangère. Or, on s'imagine mal comment une formation
peut être faite dans le but de fermer toute ouverture au monde
extérieur.
On ne peut pas passer des langues nationales au français
sans transition, sans les
56 Cf. DIALLO, Tafsir, 1992, dans "Les lecteurs
écrivent. Les langues nationales à l'école.
Témoignage d'un rescapé" in Diagonales n° 24, p.
11.
notions élémentaires de la lecture et de
l'écriture en français. Le passage des langues nationales au
français doit être progressif et commencer dès les
premières années de la formation afin de bénéficier
de la fraîcheur de l'intelligence de l'écolier. En effet, à
un âge avancé, l'acquisition de langue se fait de plus en plus
difficile pour la plupart des personnes.
Toutes ces improvisations expliquent aisément
l'échec lamentable qu'a connu cette expérience et dont beaucoup
ont gardé un souvenir amer.
Cet échec ne dépend pas de
l'expérimentation elle-même, mais de la méthode et de la
démarche pour la mise en oeuvre. Il ne met donc pas en cause l'option
pour l'enseignement/apprentissage en langues nationales.
3.4.2. Les enseignements utiles à tirer des
différentes expériences.
Les enseignements utiles à tirer des différentes
expériences constituent la synthèse des données obtenues
sur le terrain. Elles permettent de tirer les conclusions suivantes :
- La difficulté ne réside pas pour l'enfant dans
les opérations mathématiques (soustraction, addition, division ou
multiplication) mais dans son énoncé en une langue qu'il ne
comprend pas.
- L'enfant a plus de facilité à mieux comprendre
les problèmes quand il est enseigné dans une langue qu'il
connaissait déjà.
L'utilisation pour la scolarisation des enfants d'une
langue qu'ils connaissaient dOjà semble amOliorer les rOsultats de cette
scolarisation tandis qu'a l'inverse on multiplie les difficultOs en
introduisant a la fois l'Ocriture, le calcul et un code inconnu, la langue
officielle.
- Les études primaires en langues africaines n'ont jamais
empêché un excellent apprentissage du français ou de
l'anglais.
- Les enfants ayant fait deux ans de moins de français ont
les mêmes performances que ceux qui en font deux de plus.
L'utilisation d'une langue africaine dans les premidres
annOes du primaire amOliore les rOsultats et n'oblitOre pas l'apprentissage
ultOrieur du frangais (ou de n'importe qu'ele langue
Otrangdre).
- La déperdition scolaire est plus faible chez les enfants
ayant commencé leurs premières années en langues
nationales ;
- La réussite scolaire est nettement supérieure
chez les enfants ayant commencé les études en langues nationales
(63% à 83% de préscolarisés parmi les dix premiers des
classes de CM2) ;
- La moyenne de redoublement est deux fois plus faible chez
les préscolarisés (0,80 année) que chez les autres (1,50
année) et en conséquence l'âge moyen de sortie des CM2 se
situe vers douze ans pour les uns et quatorze ans pour les autres.
Les resultats scolaires des enfants prescolarises en
langue nationale semblent plus lies au fait que ces derniers n'utilisent que la
langue nationale pour leurs premieres acquisitions scolaires sans etre
confrontes aux difficultes d'apprentissage d'une langue seconde comme le sont
les enfants entrant directement au CI.
- La période de 3 à 6 ans est cruciale pour le
devenir de l'enfant, à travers la socialisation, la structuration de la
personnalité et la maîtrise définitive du langage.
Avec ces principaux enseignements, « l'objection
classique selon laquelle les langues nationales ne sont pas assez
outillés pour l'usage scolaire est unanimement rejetée. Les
problèmes d'aménagement linguistique résultent bien
plutôt des situations politiques que des problèmes de codification
langagière »57.
Pour éviter un saut dans l'inconnu linguistique
après les débuts en langues nationales, il faudra une sorte
d'articulation langues nationales/langues étrangères ayant le
statut de langues officielles. Il faut prévoir un pont, une passerelle
pour éviter les brusques ruptures préjudiciables à
l'apprenant.
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