3.2. Une porte de sortie : l'enseignement/apprentissage en
langues nationales.
Chaque année, un nombre croissant
d'élèves quitte l'école : atteints par la limite
d'âge ou contraints par des nécessités économiques
ou tout simplement exclus par le système lui-même pour
insuffisance de rendement (le plus souvent lié au médium
d'enseignement/apprentissage). Le `drame de l'échec scolaire' est
fréquent en Afrique.
Or, dans la société contemporaine, plus on fait
des études, plus on a des chances d'avoir un emploi qualifié,
plus on sera intégré au monde `modernisé' où
l'écrit est une nécessité quotidienne. Cette logique est
celle de la reproduction des élites : il est bien évident qu'un
enfant issu de milieux aisés sera automatiquement en contact avec
l'écrit. Aujourd'hui, l'écriture est la condition interne des
nouvelles organisations politiques et économiques. Ceux qui ne
maîtrisent pas l'écrit en seront exclus. Cette importance de
l'écriture48 est fortement ressentie par ceux qui n'ont pas
pu l'intégrer dans leur quotidien et leur incapacité est
vécue comme un manque.49
Pourtant, les débats sur ces sujets tendent le plus
souvent à la démagogie « lorsque la situation
intérieure d'un pays africain nécessite un zeste d'arguments
anticoloniaux, et on les oublie [très vite] ensuite
»50
Des expériences d'utilisation des langues nationales
des pays africains comme médium d'enseignement ont donné des
résultats satisfaisants et ont prouvé la nécessité
d'opter pour ces genres d'options.
3.3. Quelques expériences en matière
d'utilisation des langues nationales à l'école.
Il s'agit pour nous d'analyser quelques expériences
d'introduction des langues nationales à l'école, dans leurs
réussites comme dans leurs échecs.
3.3.1. Les langues nationales comme outils
d'éducation au Bénin51.
Au Bénin, il n'y a pas eu de façon
spécifique une expérimentation de l'enseignement/apprentissage
en langues nationales. Les expériences tentées par les
48 Pas nécessairement en français ou
autre langue étrangère ; cela peut bien être en langues
nationales pourvue que la pratique soit admise par la société et
l'usage attesté.
49 ROLLAND, Dominique, 1993, "Les acquis des exclus"
in Diagonales, n° 25, p. 25.
50 Cf. Niamg M. et Ploquin, F., 1992, "Les langues
nationales à l'école : un débat passionné, un
serpent de mer", in Diagonales n° 21, p. 22.
51 Cf. DNAEA/MCAT, 2001, Déclaration de
Politique Nationale d'Alphabétisation et d'Education des Adultes au
Bénin (DEPOLINA), Cotonou, le 07 mars 2001.
missions catholiques et protestantes dès la
deuxième moitié du 19ème siècle ont
été étouffées par la répression coloniale.
Le colonisateur a imposé l'apprentissage du français au
détriment des langues dites vernaculaires dans le cadre d'un
système scolaire destiné à former un nombre restreint de
commis et d'auxiliaires de l'administration coloniale.
La période post-coloniale a vu cette situation
persister à travers un système scolaire qui a
préservé le caractère élitiste de
l'éducation, et une administration publique marquée par
l'exclusion des langues nationales.
Dès 1966, dans le département du Borgou (actuels
départements Borgou et Alibori), les premières tentatives
d'alphabétisation en français initiées avec l'appui de la
Coopération Suisse, ont connu un échec justifiant le passage
à une alphabétisation en langue nationale baatonum au profit des
producteurs de coton. Le succès de cette expérience a
favorisé son application dans les langues fon et yoruba au profit des
producteurs de palmier dans les régions du centre et du sud du pays au
cours de la même période.
A la faveur des changements politiques intervenus en octobre
1972, la question de l'alphabétisation a retrouvé une place de
choix, avec un `engagement plus résolu' de l'Etat. La Commission
Nationale de Linguistique a demandé et obtenu l'introduction des langues
nationales dans les programmes de formation des enseignants dans les Ecoles
Normales.
En 1980, la création du Ministère de
l'Alphabétisation et de la Culture Populaire a favorisé
l'élaboration et la mise en vigueur d'un programme national de
généralisation de l'alphabétisation avec l'appui de la
Coopération Suisse et de l'Unesco.
La période de 1980 à 1989 a favorisé une
remarquable émergence de la presse rurale avec l'avènement de
nombreux journaux paraissant au niveau départemental et
souspréfectoral en langues nationales (Kparo, Sedonyonmi, Ilemo,
Avaligbè, etc.)
Les expériences accumulées en la matière
et l'émergence de la Société civile dans le secteur ont
permis une évolution qualitative de la perception de la
problématique de l'alphabétisation et de l'éducation des
adultes avec de nouvelles demandes en produits éducatifs de la part des
citoyens, des communautés de base, des groupements coopératifs et
mutualistes de même que des organisations paysannes.
Depuis 1990, avec l'avènement de la démocratie
pluraliste fondée sur le respect des libertés individuelles, on
note des répercussions au niveau des approches d'éducation de
base.
Dans le domaine de l'alphabétisation, des
réformes d'orientations stratégiques ont
été rendues possibles suite à la tenue des "Etats
Généraux de la culture, de la jeunesse et des sports" de mai
1990. Ces réformes ont marqué une rupture par rapport à la
stratégie
« de l'alphabétisation de masse » pour une
stratégie de recherche de réponses adaptées aux demandes
et autres besoins éducatifs en alphabétisation couplée
avec la formation, dans le cadre plus général de
l'éducation des adultes. L'option est donc pour une
alphabétisation fonctionnelle.
Des innovations méthodologiques nécessaires en
matière de pédagogie et d'andragogie et la mise en place d'une
recherche action afin d'établir des normes de qualité
s'imposent.
Avec les Nouveaux Programmes d'Etudes en vigueur actuellement
au Bénin, les langues nationales sont utilisées à
l'école dans la "Compétence disciplinaire n° 3" : qui prend
en compte le "Module langue et culture" et le Champ de formation Education
sociale (histoire, moral, civisme, etc.)
Cette expérience est généralisée
actuellement dans toutes les classes du primaire (du CI au CM2) comme le montre
le tableau ci-après.
Nivea u
|
Module 3 / Compétences 3
|
Connaissances et techniques
|
Stratégie d'enseignement/
apprentissage/évaluation
|
Cours d'Initiation
(CI)
|
Langue et culture
|
L'essentiel des contenus
notionnels de ce module se rapporte au comptage en langue
maternelle des nombres de 0 à 10 et des pièces de monnaie de 1f
à 100f, aux messages contenus dans un conte ou dans une histoire dite ou
vécue.
|
- Travail individuel,
- Travail de groupes, - Travail collectif
|
Cours préparatoire
(CP)
|
Langue et culture
|
L'essentiel des contenus
notionnels de ce module se rapporte au comptage en langue
maternelle des nombres de 0 à 20 et des pièces de monnaie de 1f
à 200f, aux messages contenus dans un fait ou dans un
événement vécu ou entendu
|
- Travail individuel, - travail de groupes, - travail
collectif.
|
Cours élémentaire
|
Compétence disciplinaire 3 :
|
- Comptage de 0 à 50 en langue maternelle
|
- Travail individuel, - travail de groupes,
|
Niveau
|
Module 3 / Compétences 3
|
Connaissances et techniques
|
Stratégie d'enseignement/
apprentissage/évaluation
|
1ere Année
(CE1)
|
Interpréter le patrimoine culturel de son milieu et de
sa region
|
- Comptage d'argent de 1f à 500f en langue
maternelle
- Narration d'histoires
vécues, de contes, de devinettes.
|
- travail collectif - Enquête
|
Cours élémentaire 2eme
Année (CE 2)
|
Compétence disciplinaire 3 :
Interpréter le patrimoine culturel de son milieu et de sa
region
|
- Comptage de 0 à 100 en langue maternelle.
- Comptage d'argent de 1f à 1000f en langue
maternelle.
- Diction de contes, de
devinettes, de proverbes en langue maternelle.
|
- Travail individuel, - travail de groupes, - travail
collectif.
- Enquête
|
Cours moyen 1ere
Année
(CM1)
|
Compétence disciplinaire 3 :
Interpréter le patrimoine culturel de son milieu et de sa
region
|
- Comptage de 0 à 500 en langue maternelle.
- Comptage d'argent de 1f à 100.000f en langue
maternelle ;
- Diction de contes, de
devinettes, de proverbes en langue maternelle.
- Traduction de textes en langue maternelle.
|
- Travail individuel, - travail de groupes, - travail
collectif
- Jeu de rôles
- Enquête
|
Cours
moyen 2eme Année
(CM2)
|
Compétence disciplinaire 3 :
Interpréter le patrimoine culturel de son milieu et de sa
region
|
- Comptage de 21 à 1000 en langue maternelle.
- Comptage d'argent de 1f à 100000f en langue
maternelle.
- Diction de contes, de
devinettes, de proverbes en langue maternelle.
- Traduction de textes en langue maternelle.
|
- Travail individuel, - travail de groupes, - travail
collectif.
- Jeu de rôles
- Enquête
|
|
Tableau : La pratique des langues maternelles dans
les programmes scolaires a l'enseignement primaire au Bénin (Source :
INFRE/CGNPE/MEPS).
Malheureusement, toutes ces activités ne se
déroulent qu'à l'oral ; l'écrit n'intervient pas. Il n'y a
donc pas de matériels didactiques appropriés en la matière
; juste des indications aux enseignants pour les orienter.
Les enfants sont regroupés par groupes linguistiques.
Les maîtres sont formés en conséquence pour répondre
aux exigences du déroulement de pareilles activités
éducatives.
Ces modules ou champs sont obligatoires et entrent en ligne de
compte dans le calcul des moyennes des élèves. Cela revêt
donc un caractère obligatoire.
Au Bénin donc, les langues nationales n'ont pas
été expérimentées directement dans les
écoles, ni en tant que matière à enseigner/apprendre
à proprement parler, ni en tant qu'outil
d'enseignement/apprentissage.
|