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L'enseignement/apprentissage en langues nationales: une alternative au renforcement des compétences intellectuelles pour un développement durable

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par Aristide Adébayo ADJIBODOU
Université d'Abomey-Calavi (BENIN) - DEA en Sociolinguistique 2006
  

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2.6. Tendances actuelles et développement.

Les chercheurs en psychopédagogie s'orientent actuellement vers l'étude du traitement de l'information ; ils analysent les techniques d'acquisition de l'information, son interprétation et son encodage, son classement et sa restitution. Des découvertes récentes sur les processus cognitifs ont amélioré la compréhension des mécanismes de la mémoire, de la créativité et de la résolution de problèmes. Par ailleurs, chaque

nouvelle théorie d'évaluation des capacités et des aptitudes conduit les psychopédagogues à développer de nouveaux tests.

Les psychologues de l'éducation s'occupent des processus d'éducation et d'apprentissage. Ainsi peuvent-ils, par exemple, concevoir de nouvelles méthodes d'enseignement de la lecture ou des mathématiques afin d'améliorer l'efficacité de l'enseignement dans les classes.

De nos jours, la psychologie est une discipline de plus en plus spécialisée et soumise à des influences issues de champs théoriques très divers. La psychologie de l'enfant a été considérablement influencée par les observations et les «expériences cliniques» de Jean Piaget. Les psychologues qui s'intéressent au langage et à la communication ont, quant à eux, été marqués par la révolution inaugurée par le linguiste américain Noam Chomsky dans la pensée linguistique. Les progrès réalisés dans le domaine du comportement animal et de la sociobiologie ont contribué à élargir sensiblement le champ et les techniques de recherche de la psychologie. Les travaux éthologiques de Konrad Lorenz et de Nikolaas Tinbergen, qui étudiaient les animaux dans leur habitat naturel et non en laboratoire, ont attiré l'attention sur l'unicité de l'espèce et de son développement comportemental.

L'évaluation fait partie intégrante du métier d'enseignant ; c'est un des actes pédagogiques majeurs. On ne peut, en effet, imaginer de projet d'enseignement sans projet d'apprentissage et, par là même, sans projet d'évaluation de cet apprentissage. Cet ensemble complexe amène les spécialistes en éducation à adopter le concept global d'enseignement/apprentissage/evaluation.

Chapitre 3. L'enseignement / apprentissage en langues nationales.

3.1. Les limites de l'école classique actuelle.

En Afrique en général, l'enseignement/apprentissage est assuré en langues étrangères, langues des puissances colonisatrices ; langues que l'écolier africain ne parle généralement pas dans son milieu familial et qu'il n'a, quelquefois, jamais entendues. La langue d'enseignement n'est donc pas la langue maternelle de l'enfant.

L'enfant africain, entrant à l'école est de ce fait immédiatement confronté au problème du code linguistique d'apprentissage et d'acquisition du savoir. Les premières gymnastiques intellectuelles difficiles et délicates sont la compréhension, l'expression et la lecture qui soutiennent les autres disciplines d'acquisition du savoir comme le calcul, les différentes sciences etc.

Selon NIANG (1993), « Si la lecture pose des problèmes partout mélangés et complexes, et particulièrement les premiers apprentissages, les réalités africaines ne manquent pas d'ajouter les leurs, spécifiques à l'école francophone »37 « Ce que l'on a coutume d'appeler les préalables, indispensables au départ pour de bons apprentissages scolaires, peuvent être négligés, ou sous-estimés »38, sans oublier que « les difficultés d'adaptation au système de socialisation scolaire ne sont pas toujours prises en compte »39.

Il faudra aussi tenir compte du fait qu'en Afrique, même avant l'école « l'enfant est presque toujours confronté à une situation linguistique complexe, jamais simple en tout cas. Il est toujours en situation de diglossie ou de multilinguisme. Et le seul cas de figure qui ne soit pas représenté dans sa vie quotidienne est celui du monolinguisme »40

N'occultons toutefois pas le fait que l'enfant peut bien surmonter ces difficultés liées à la barrière linguistique par la motivation et le désir d'apprendre émanant des aspirations de son entourage dont les perspectives de promotion sociale passent par l'école.

« Dans cet inconnu, un découpage du réel différent de celui de sa langue n'est pas non
plus, (...) la moindre difficulté. L'élève aura à se débattre, à se `débrouiller', entre
`système linguistique' et `système de pensée' dont les rapports de déterminations ne sont

37 Niang, Gilbert, 1993, "Lire en Afrique. Réalités Africaines", in Diagonales, n° 25, p. 22.

38 Idem, ibid.

39 Idem, ibid.

40 Calvet L.-J., 1987, La guerre des Langues, cité par Niang, G., 1993.

pas faciles à démontrer mais ne sont pas inexistants »41.

Dans toute cette entreprise éducative sans cesse modifiée et réadaptée, la situation psychologique de l'enfant africain est presque toujours occultée ou minimisée.

Certes, toute une floraison de méthodes `mixtes' d'apprentissage de la lecture, tenues pour `global', à caractère local, est apparue ces dernières années ; chaque pays élaborant la ou les siennes. Elles ont le mérite de traduire le milieu de vie dans sa plus stricte définition42

« En dehors des réalités du milieu qui, on l'a vu, ne sont pas sans problème, toute considération sur la lecture en particulier et l'éducation scolaire dans son ensemble ramène toujours à la question linguistique. L'effort de réflexion, de créativité, d'imagination, indispensable en toutes disciplines est en grande partie annihilé par la concentration tout entière mobilisée en vue de la simple compréhension de la langue étrangère, jamais totalement apprivoisée à l'école élémentaire. C'est un obstacle difficile à franchir sur le dur chemin du développement et qui court le risque d'entraver la bonne progression »43

Dans un article intitulé "La lecture du berger peul"44, Baudoin, 1993, en affirmant que « lire, c'est reconnaître des signes et leur donner un sens, c'est construire une signification », relate et démontre que « le berger peul qui n'est jamais à l'école sait lire »

Cette anecdote du « berger peul » est un exemple très patent et éloquent qui montre que
l'habileté à lire, l'acquisition de la compétence et le développement de la performance ne

sont pas le fait de la langue elle-même, sa capacité à véhiculer ou non le savoir et moins

encore le savoir scientifique ; cela dépend de l'habileté et de l'acceptation psychique et psychologique, de la disponibilité et de l'éducation.

De 1985 à 1991, la CONFEMEN (Conférence des Ministres de l'Education Nationale
ayant en commun l'usage du français) a mené une étude visant à mieux connaître les

besoins langagiers et les centres d'intérêt en français et en langues nationales des
élèves de l'école primaire en Afrique francophone, en vue de définir une pédagogie du
bilinguisme45. « L'idée de cette enquête est née au terme d'un séminaire tenu à Han-sur-

Lesse (Belgique) en 1985, posant un diagnostic severe sur l'enseignement du

frangais dans les ecoles primaires d'Afrique francophone et faisant apparaitre notamment l'inadequation des contenus, des methodes et des supports pedagogiques ».

41 Lévis-Strauss, C., 1962, La pensée sauvage, cité par Niang, G., 1993.

42 Niang, Gilbert, 1993, "Lire en Afrique. Réalités Africaines", in Diagonales, n° 25, p. 23.

43 Idem, ibid.

44 BAUDIN, André, 1993, "La lecture du berger peul" in

45 cf. Prévost, P., 1993, "L'enquête de la CONFEMEN", in Diagonales, n° 25, pp. 41-43.

Une étude réalisée en 1988 par la Banque Mondiale a dressé un bilan catastrophique des perspectives de l'enseignement africain46. Elle « passe en revue de nombreux facteurs explicites mais ignore superbement le facteur linguistique. Et pourtant... Et pourtant les langues sont au centre du problème : si l'urgence est aujourd'hui de transmettre aux populations africaines des savoir-faire adaptés à leurs situations, comment dès lors ne pas s'interroger sur le vecteur de cette transmission ? Comment ne pas se demander s'il n'y a pas soit mauvais usage des langues d'enseignement (anglais, français, portugais...) soit erreur dans le choix de ces langues ? »47

Calvet conclut en disant que dans le premier cas il faudrait reconstituer les formes de la scolarisation, les améliorer, dans le second cas la francophonie (ou l'anglophonie, la lusophonie) serait la mère de tous les maux africains.

Le fait même que ces genres de diagnostics sévères soient posés prouve le risque que court en permanence l'écolier africain, francophone, anglophone, lusophone, à d'abord nécessairement s'approprier le français, l'anglais ou le portugais en tant que langue d'apprentissage avant tout préalable.

Cela ne signifie toutefois pas qu'avec les langues nationales, la solution est d'office trouvée. Seulement, avec ces langues qui constituent la première langue de la plupart des enfants, le problème de médium est moins un risque d'arriération scolaire ou source d'abandon.

Qu'on ne s'y méprenne donc pas ; aucune enquête ne sera suffisante pour régler à elle seule dans son entièreté, tout problème lié aux contenus, aux méthodes, aux supports pédagogiques tant qu'il sera question de chercher absolument à `imposer' à l'enfant une dualité linguistique systématique dès les premiers contacts scolaires où l'enfant beigne dans l'environnement langues nationales (maison, quartiers, parents, amis etc.) et doit se surpasser pour s'imaginer vivre dans un milieu où le code linguistique lui est étranger.

Malgré les nombreuses questions qu'elle soulève (politiques, sociales, économiques, etc.) l'introduction des langues nationales dans les premiers apprentissages avec intervention progressive d'une langue à grande diffusion, en l'occurrence le français ou l'anglais selon les cas, est toujours d'actualité et plus pertinente.

46 Cf. Banque Mondiale, 1988, L'Education en Afrique sub-saharienne.

47 CALVET, L.-J., 1992, "Les langues nationales à l'école : un débat passionné, un serpent de mer", in Diagonales n° 21, p. 23.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon