Le CICR et les conflits étatiques internes( Télécharger le fichier original )par Ibrahima NGOM Gaston Berger de Saint Louis - Maà®trise 2009 |
Paragraphe 1: Les fondements juridiques du mandat du CICR dans les conflits étatiques internesLes fondements juridiques de l'intervention du CICR, dans les conflits étatiques internes reposent, pour l'essentiel, sur le droit conventionnel (A) et des résolutions des Conférences internationales de la Croix-Rouge (B). L'art. 3, alinéa 2, commun aux Conventions de Genève de 1949 précise qu'«un organisme humanitaire impartial, tel que le Comité International de la Croix-Rouge, pourra offrir ses services aux Parties au conflit ». Cet alinéa a une grande valeur, à la fois morale et pratique. En effet, c'est l'adaptation de l'art. 9 commun aux Conventions de Genève. Aux termes de celui-ci « les dispositions de la présente convention ne font pas obstacles aux activités humanitaires du Comité International de la Croix-Rouge (...) entreprendra pour la protection des blessés, malades et naufragés, ainsi que des membres du personnel sanitaire et religieux, et pour des secours à leur apporter, moyennant l'agrément des Parties au conflit intéressées ». Cette disposition montre ainsi que le CICR dispose d'un droit d'initiative s'analysant comme le droit pour lui de proposer aux Parties des activités humanitaires au profit des victimes. Ce droit d'initiative reste conditionné par le consentement de l'Etat. Cependant l'acceptation du rôle accordé au CICR par les Conventions de Genève emporte l'obligation pour l'Etat d'examiner de bonne foi l'action proposée8(*). Il n'en reste pas moins que sans consentement de l'Etat, le CICR ne pourra intervenir. Si dans certains conflits internes, le CICR a pu exercer une action humanitaire importante, en d'autres, au contraire, les portes lui ont été fermées, ses offres de service ayant été qualifiées de tentatives d'ingérence dans les affaires intérieures de l'Etat. Pour que ses offres de service soient légitimes et puissent être acceptées, elles doivent émaner d'un organisme « humanitaire » et « impartial ». Et il faut que les services offerts et rendus aient ce même caractère d'«humanité » et d'« impartialité ». Si toutes ces conditions sont réunies, l'intervention du CICR, dans l'exercice du droit général d'initiative reconnu aux termes de l'alinéa 2 de l'art. 3, sera déterminante. Elle ne sera pas considérée comme une immixtion dans les affaires internes de l'Etat déchiré par la lutte armée ; elle amènera, très souvent, le Gouvernement concerné à reconnaître l'existence d'un conflit, et donc, à admettre l'application de l'art. 3. L'art. 5, alinéa 2 d) des Statuts du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, quant à lui, confirme le mandat du CICR découlant du DIH. Il a une force de convention internationale et consacre à la fois le droit général d'initiative du Comité et le droit particulier d'aider à la mise en oeuvre des Conventions de Genève. En effet, selon cette disposition, le CICR a notamment pour rôle « de s'efforcer en tout temps, en sa qualité d'institution neutre dont l'activité humanitaire s'exerce spécialement en cas de conflits armés -internationaux ou autres - ou de troubles intérieurs, d'assurer protection et assistance aux victimes militaires et civiles desdits évènements et de leurs suites directes ». Cette disposition permet au Gouvernement régulier de consentir au déploiement de l'action humanitaire générale, tout en contestant l'existence d'un conflit interne et l'applicabilité de l'art. 3 commun aux Conventions de Genève. Une telle attitude n'est pas contradictoire9(*). Elle marque la répugnance du pouvoir établi à conférer, dès ce stade de l'insurrection, par la mise en oeuvre de l'art. 3, une certaine personnalité au parti insurgé10(*). En plus du droit conventionnel, les résolutions adoptées lors des Conférences internationales de la Croix-Rouge constituent un fondement juridique non négligeable du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes. B. Les résolutions des Conférences de la Croix-Rouge Les résolutions de Conférences internationales de la Croix-Rouge constituent également une base d'intervention pour le CICR dans les conflits étatiques internes11(*). Elles complètent ou réaffirment les dispositions du droit conventionnel. Nous pouvons prendre l'exemple de la protection du personnel sanitaire. Elle n'est pas expressément édictée par l'art. 3. Ce dernier précise que « les blessés et les malades sont recueillis et soignés ». Mais les rédacteurs de la Convention semblent surtout avoir eu en vue ici une prise en charge sanitaire officielle par le camp gouvernemental, voire par l'organisation rebelle dans la mesure où elle dispose de l'infrastructure nécessaire. L'effort des commentateurs et des experts a tendu, depuis, à ménager des facilités aux insurgés, dans le domaine de l'assistance sanitaire privée, et dans le cadre exigu de la guerre civile révolutionnaire. C'est la XIXe Conférence internationale de la Croix-Rouge, réunie en 1957 à New Delhi, qui émet le voeu que les médecins ne soient en aucune manière inquiétés à l'occasion de soins qu'ils sont appelés à donner et que le principe du secret médical soit respecté. Nous pouvons aussi prendre l'exemple du respect de l'unité familiale et plus particulièrement de la séparation des enfants de leurs géniteurs. Cette disposition n'a pas été expressément prévue par le droit conventionnel. Cependant, deux résolutions adoptées par consensus par les Conférences internationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge évoquent cette question. Dans une résolution sur la protection des enfants dans les conflits armés, la XXVe Conférence internationale, se référant aux Conventions de Genève et aux deux Protocoles additionnels, a recommandé que « toutes les mesures nécessaires soient prises pour préserver l'unité de la famille et faciliter le regroupement des familles »12(*). Dans une résolution sur la protection de la population civile en période de conflit armé, la XXVIe Conférence internationale a exigé que « toutes les parties à un conflit évitent toute action destinée à - ou ayant pour effet de - provoquer la séparation des familles de manière contraire au Droit International Humanitaire »13(*) Comme l'art. 3 commun aux Conventions de Genève et le Protocole Additionnel II de 1977, les résolutions des Conférences internationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge jouent un rôle primordial en matière d'intervention du CICR dans les conflits armés. Elles participent à l'extension de son champ de compétence et complètent en même temps le droit conventionnel conférant au CICR son mandat juridique international. Les fondements juridiques du mandat du CICR dans les conflits étatiques internes permettent au CICR de bénéficier de certains privilèges et immunités reconnus par l'ensemble de la Communauté internationale. * 8 TORELLI, M., le Droit International Humanitaire, Paris, PUF, collection Que sais-je ? p. 126 * 9 Attitude de la Grande-Bretagne aux prises avec la rébellion mau-mau au Kenya en 1957. * 10 ZORGBIBE, C., le droit d'ingérence, Paris, PUF, collection Que sais-je ? p. 80 * 11 Il s'agit, en particulier, des résolutions XIV de la Xe Conférence internationale de la Croix-Rouge (Genève, 1921) ; XIV de la XVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge (Londres, 1938) ; XX de la XVIIe de la Conférence internationale de la Croix-Rouge (Stockholm, 1948) ; XIX de la XIX Conférence internationale de la Croix-Rouge (Nouvelle Delhi, 1957) ; XXXI de la XXe Conférence internationale de la Croix-Rouge (Vienne, 1965) et VI de la XXIVe Conférence internationale de la Croix-Rouge (Manille, 1981). * 12 XXVe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, résolution IX, paragraphe 576. * 13 XXVIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, résolution II, paragraphe 577. |
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