5. Liberté de se vêtir et droit au respect de
la dignité de la personne ;
Il est aussi possible d'effectuer un rapprochement entre la
liberté de se vêtir à sa guise et le respect de la
dignité de la personne du salarié défendu par la Cour de
cassation.
La haute juridiction a clairement affirmé comme
étant une valeur majeure l'obligation de respecter la dignité du
salarié.
Il est, à cet égard, intéressant de se
pencher sur un arrêt rendu le 25 février 200347 par la
chambre sociale.
Le droit à la dignité y connaît une
application nouvelle en étant rattaché pour la première
fois à l'article L.1121-1 du Code du travail.
En l'espèce, la salariée réclamait le
versement de dommages-intérêts en réparation du
préjudice qui lui avait été causé par la diffusion,
lors de réunion de service, des motifs pour lesquels l'employeur
engageait une procédure disciplinaire à son encontre.
La Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel
qui avait débouté la plaignante de ses demandes, en
décidant, au visa des articles 9 et 1147 du Code civil et L.1121-1 du
Code du travail, que " le fait de porter à la connaissance du
personnel, sans motif légitime, les agissements d'un salarié
nommément désigné constitue une atteinte à la
dignité de celui-ci de nature à lui causer un préjudice
distinct de celui résultant de la perte de son emploi ".
Cet arrêt est particulièrement intéressant
puisqu'il souligne la consécration du droit à la dignité,
même si celle-ci n'est pas nouvelle48.
47 Cass.soc., 25 février 2003, n°00-42.031.
48 Voir la décision du Conseil constitutionnel du 27
juillet 1994 n°94-343/344, ainsi que plusieurs textes comme l'article 31
de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7
décembre 2000 proclamant le droit à la dignité au travail
: " Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui
respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité
".
Le Conseil Constitutionnel a en effet déjà
élevé la dignité au rang de « principe à
valeur constitutionnelle », dans une décision de 1994 au sujet
de la loi dite de bioéthique.
Dans ce cadre, la dignité est considérée
comme partie intégrante des droits de la personnalité, qui sont
inaliénables.
Certains considèrent que le la liberté de se
vêtir ne serait une composante de la dignité que dans la mesure
où l'employeur imposerait au salarié des vêtements
ridicules, dégradants ou indécents.
Cependant, on pourrait également soutenir le fait
qu'imposer une tenue de travail ou sanctionner un salarié en raison
d'une tenue jugée inconvenante par l'employeur peuvent également
constituer une atteinte à la dignité de la personne du
salarié.
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On le voit, la liberté de se vêtir à sa
guise au travail pourrait être légitimement rapprochée
d'autres libertés, fondamentales ou pas, mais tout du moins reconnues et
consacrées par la jurisprudence ou par d'autres sources juridiques, ce
qui, nous l'avons vu, n'est actuellement pas le cas de la liberté de se
vêtir à sa guise.
Cependant, certains salariés soucieux de
défendre leur liberté d'habillement sur leur lieu de travail ont
déjà tenté en vain d'effectuer un tel rapprochement. Nous
vous renvoyons sur ce point au cas du salarié défendant son droit
de venir travailler en bermuda sur le fondement de sa liberté de se
vêtir à sa guise rapprochée , successivement, de son droit
à ne pas être discriminé en raison de son sexe, et de sa
liberté d'expression.
En tout état de cause, c'est sans doute car la
liberté de se vêtir à sa guise est une composante, une
petite partie de chacune des libertés et droits du salarié
exposés précédemment qu'elle peine à être
consacrée comme une liberté à part entière
La liberté de se vêtir à sa guise au lieu et
au temps du travail a bien du mal à se faire une place de choix dans le
droit du travail.
Pourtant, et comme le suggère le décalage
exposé entre une poussée de cette liberté comme une
liberté individuelle à part entière dans notre
société, voire comme une liberté fondamentale, et son
absence d'existence et de reconnaissance juridique, le contentieux en la
matière ne peut que se développer : le dernier arrêt de la
chambre sociale en la matière date d'ailleurs du 3 juillet 2009.
Cependant, irions-nous jusqu'à dire que le droit est en
retard sur les libertés revendiquées par la société
?
Ne peut-on pas plutôt penser que la liberté de se
vêtir au travail est confondue dans l'ensemble des libertés
individuelles protégées par le Code du travail, et plus
particulièrement par l'article L.11211 du Code du travail, et que,
même si cela ne reconnaît pas cette liberté comme une
liberté individuelle du salarié à part entière,
protège du moins efficacement le salarié ?
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