WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La liberté de se vêtir à sa guise au lieu et au temps du travail

( Télécharger le fichier original )
par Marine Gin
ESC Lille - Université du Littoral Côte d'Opale - Master Droit des Affaires 0000
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2. Le monde du travail comme miroir de la société,

Le monde du travail, parce qu'il n'est pas détaché de la société, ne peut donc suivre que la même tendance.

Il semble en effet loin le temps où les différences hiérarchiques rimaient nécessairement avec différences vestimentaires.

Nous n'irions pas jusqu'à dire qu'aujourd'hui le chef d'entreprise porte la même tenue que les ouvriers, cependant, il est évident que les codes vestimentaires au travail se sont également, à l'instar des codes vestimentaires de notre société, peu à peu effacés.

Certains croient même pouvoir évoquer aujourd'hui une disparition progressive des repères vestimentaires au travail à l'aune de la nouvelle économie.

Il suffit de citer l'émergence des start-up à la fin des années 1990 pour s'en convaincre : ces jeunes sociétés ayant profité de la « bulle internet » étaient créées et composées par des jeunes diplômés qui recherchaient à se distinguer par le vêtement au détriment du costume-cravate traditionnel9.

Néanmoins, les start-up ne sont plus le seul exemple de décrochage du costume-cravate en entreprise.

En effet, d'après une enquête réalisée auprès de 1 000 actifs européens, le costume ne serait
plus porté que par 28% des Français sur leur lieu de travail et serait remplacé par le jean

8 J-F. Amadieu, Le poids des apparences, Paris, Éd. Odile Jacob, 2005.

9 L.Gimalac, « La tenue vestimentaire, l'identité et le lien social dans le cadre des rapports professionnels »,

(32%) et les autres pantalons en toile ou en velours (40%). La décontraction serait plus visible en Allemagne ou en Suède10

L'émergence progressive de la pratique du Friday Wear dans les entreprises françaises traduit, de la même manière, cette idée de disparition des repères vestimentaires dans l'entreprise.

Porter une tenue plus décontractée avant le week-end marque ainsi, à la fois, un certain attachement aux codes vestimentaires propres à l'entreprise - puisqu'il souligne aussi le fait que le reste de la semaine le costume-cravate reste de vigueur - mais également une certaine reconnaissance du fait que le port du costume-cravate est une contrainte imposée aux salariés et restrictive de leur liberté vestimentaire.

La liberté de se vêtir à sa guise au lieu et au temps du travail est ainsi, en creux, reconnue aux salariés.

D'ailleurs, celle-ci est de plus en plus revendiquée par ces mêmes salariés.

Depuis les années 1980, ceux-ci n'hésitent plus à revendiquer une certaine liberté de se vêtir à sa guise au travail, voire à l'ériger au rang de liberté fondamentale afin de contester une sanction prise par l'employeur, souvent un licenciement.

D'abord, les salariés se sont peu à peu insurgés contre l'obligation de porter une tenue de travail imposée et/ou fournie par l'employeur.

Un arrêt de la Cour de cassation du 19 mai 1998 en est l'illustration : un salarié s'est opposée contre une sanction prononcée à son encontre relative à une clause du règlement intérieur de l'entreprise disposant que le port de « jeans » et de « baskets » était interdit11.

De la même manière, un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 7 juin 199012nous expose le cas
de deux salariées qui se sont opposées à une mise à pied et à un licenciement consécutifs au
non-respect d'une note de service imposant le port d'une nouvelle tenue de travail qui

10 S.S.G, « le costard décroche », L'Entreprise, n°201, 21 juin 2002

11 Cass.soc.19 mai 1998, n°96-41.123

12 Ca Paris 7 juin 1990 n°90-30904,21e ch.B, SA Superest Carrefour c/ Bouchez et a.

interdisait aux femmes le port du pantalon sauf si celui-ci était recouvert par des bottes arrivant à hauteur du bas de la robe.

Progressivement, les salariés se sont également opposés à la tenue « modèle » imposée, cette fois- ci, de manière implicite par l'entreprise.

On peut citer, à ce sujet, un arrêt célèbre de la Cour de cassation du 22 juillet 1986 13dans lequel le refus d'une salariée de changer de tenue, jugée inconvenante, par l'employeur est en question. En l'espèce, la salariée avait été licenciée au motif qu'elle portait un chemisier qui laissait entrevoir sa poitrine.

Dans le même ordre d'idées, et plus récemment, la Cour d'appel de Metz a eu à se prononcer sur le licenciement d'une salariée, vendeuse dans un magasin de prêt-à-porter, qui refusait d'avoir à porter des tenues de la marque de vêtement pour laquelle elle travaillait14.

Certains salariés ont même été jusqu'à demander l'annulation du licenciement dont ils ont été victimes au motif que leur liberté fondamentale de se vêtir à leur guise avait été violée15.

On le voit, les revendications des salariés quant à leur liberté de se vêtir comme bon leur semble au travail se sont multipliées ces dernières décennies.

Ainsi, à l'image de la tendance de la société de revendiquer une certaine liberté d'habillement, les individus, en tant que salariés, refusent aujourd'hui de se plier sagement aux préconisations, voire aux obligations vestimentaires de l'entreprise.

Il faut dire, comme le souligne Jean-François Amadieu, que la vie professionnelle n'échappe pas à l'influence croissante et insidieuse de l'apparence16.

Par exemple, dans la banque, l'assurance ou l'expertise comptable, l'apparence des salariés,
surtout s'ils sont en contact avec la clientèle, doit être austère, inspirant le sérieux, voire le

13 Cass.soc.22 juillet 1986

14 CA Metz 3 mars 2009 n°06-2417, ch.soc., SA Maurice Gladek c/ Becker : RJS 8-9/09 n°683

15 Cass.soc.28 mai 2003, °1507 FS-BPRI, Monribot c/ Sagem, JurisData n°2003-019205.

16 J-F. Amadieu, Le poids des apparences, « Vie professionnelle, l'inavouable réalité », « Déguisements de circonstance », p.121.

souci de l'économie, car il s'agit de rassurer la clientèle. Les costumes et les tailleurs seront donc de coupe droite et stricte et de coloris foncés.

Dans les métiers du conseil, les tenues seront volontairement adaptées aux types de clients. Chez Ernst et Young, par exemple, on adopte un style « low profile » (costume non coordonné et chemise à col boutonné) pour un client de la grande distribution et un look « high chuch »(costume de marque et chemise blanche) si le client audité travaille dans les métiers du luxe.

A contrario, dans les secteurs à forte créativité, où l'originalité, l'ouverture d'esprit et l'intellectualisme sont valorisés, les tenues seront plus décontractées : la cravate n'est pas indispensable, les matières sont plus sensuelles, les coupes sont amples ou très moulantes, les couleurs diversifiées et sensibles à la mode.

Dans les entreprises high-tech, le fait de porter une veste et une cravate ne s'impose pas pour un développeur et peut même ne pas être bien perçu par l'entreprise17. En revanche, cette décontraction n'est plus de mise s'il y a relation commerciale avec des clients habitués à d'autres normes vestimentaires.

Enfin, Dans les métiers commerciaux, des tenues plus colorées ou fantaisie sont fréquentes même si on constate des différences fortes en fonction du type d'activité commerciale.

Il faut, de surcroît, reconnaître que les choix vestimentaires des salariés sont parfois de plus en plus restreints, les entreprises imposant toujours un peu plus aux salariés une tenue de travail portant le logo ou la marque de l'entreprise.

Le cas du secteur du nettoyage industriel est ici intéressant : les entreprises les plus performantes cherchent aujourd'hui à se donner une apparence « respectable » et technique. Du coup, elles imposent à leurs agents de propreté le port d'uniformes impeccables, généralement de couleurs vives, pour symboliser le professionnalisme accru du secteur.

L'entreprise Eurodisney, de son côté, prévoyait un « code des apparences » imposant de
manière très précise une tenue, jusque dans le choix des bijoux et des sous-vêtements.

17 On peut « avoir l'air un peu décalé » si l'on en croit le DRH de BVRP Software. Interview paru dans Le Figaro Economiedu 15 novembre 1999.

Evidemment, ce « code des apparences », venu tout droit des Etats- Unis, n'a pas pu être adopté en France, néanmoins, on peut tout à fait envisager que celui-ci produit toujours ses effets dans l'entreprise, du moins d'une manière informelle.

Enfin, il est vrai que plusieurs études ont montré l'importance du physique pour le client et permettent donc d'expliquer la raison de l'emprise importante de l'entreprise sur la liberté vestimentaire des salariés.

On a ainsi constaté que, de leur côté, les clients préféraient également avoir affaire à des individus au physique agréable18.

Une autre étude a montré que les avocats américains les plus séduisants étaient d'ailleurs ceux qui réalisaient le meilleur chiffre d'affaires19.

D'autre part, si l'on en croit les études menées par certains psychologues américains, le vêtement aurait parfois plus d'impact sur la décision des recruteurs que la beauté physique20.

Il est intéressant de noter, par ailleurs, le rapprochement fait par Jean-François Amadieu entre l'importance que revêtent les codes vestimentaires dans l'entreprise et le chômage de longue durée : « un des problèmes du chômage de longue durée réside dans la difficulté qu'éprouvent les chômeurs à tenir compte des considérations physiques attendues avec l'emploi visé. Garder le contact avec le monde professionnel passe notamment par le souci de son apparence et le respect des codes vestimentaires en vigueur »21

On comprend mieux, dès lors, le succès et l'essor des sociétés spécialisées dans le conseil en
image personnelle et d'entreprises qui revendiquent un véritable art de s'habiller juste au
travail en reconnaissant ainsi implicitement les contraintes vestimentaires imposées aux

18 O.DeSchields et alii, « Source effects in purchase decisions : The impact of physical attractiveness and accent of salesperson », International Journal of Research in Marketing, 13, 1996, p.89-101.

19 D.Hamermesh et J.Biddle, « Beauty, productivity and discrimination : Lawyers'looks and lucre », Journal of Labors Economics, 16, 1, 1998, P.172-201.

20 R.E.Riggio et B.Throckmorton, « The relative effects of verbal and non verbal behavior, appearance, and social skills on evaluations made in hiring interviews », Journal of Applied Social Psychology, 18, 1988, p.331- 348.

21 Voir J-F. Amadieu, Le poids des apparences, Paris, éd. Odile Jacob, p.121.

salariés comme nous le souligne les propos d'un créateur d'une telle société : « on ne travaille pas que sur l'image type « costume-cravate » : cela va bien au-delà car il faut travailler sur l'image que l'on attend de la personne par rapport au métier qu'elle fait et à ce qu'elle fait. Cette personne doit ainsi représenter les valeurs de l'entreprise, exprimer ses compétences dans son métier tout en respectant sa personnalité. (...). Une personne qui présente bien et a un fort potentiel peut donc tout à fait être choisi par rapport à un autre qui a les compétences mais qui passe moins bien... (...) L'idée n'est pas d'imposer un look particulier mais d'expliquer quels sont les objectifs de l'entreprise en terme d'image et en quoi les vêtements, le style, l'attitude de chacun peuvent contribuer à la construction de cette image22 ».

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo