L'execution par l' administration des décisions du juge administratif, en droit français et en droit grec.( Télécharger le fichier original )par Antonia HOUHOULIDAKI Université Paris I Sorbonne - DEA de droit public comparé des pays européens 2002 |
B) La mauvaise volonté de l'autorité administrative.La passivité ne constitue pas la seule forme d'inexécution par la personne publique d'un jugement administratif. Cette dernière, semble, parfois résister avec toutes ses forces à la chose jugée et c'est à cet égard là, que le Conseil d'État utilise l'expression « mauvais vouloir manifeste de l'administration ».149(*) L'expérience nous montre que les autorités administratives françaises et surtout helléniques abusent, très souvent, de leur puissance. Cela se fait, soit en refusant, explicitement ou implicitement, d'exécuter la décision du juge administratif (1), soit en édictant un acte contraire à la chose jugée (2). 1) Le refus de l'administration de se soumettre aux décisions de justice. Les personnes publiques semblent être, dans certains cas, de mauvaise foi. En principe, cette attitude se manifeste par des refus de prendre les mesures qui s'imposent.150(*) C'est l'hypothèse, notamment, de la non-réintegration des fonctionnaires dont l'éviction a été annulée, ou le non versement, par les collectivités locales françaises, des sommes auxquelles elles ont été condamnées. Notons, par ailleurs, que selon les rapports de la Commission Spéciale hellénique, les collectivités locales, ainsi que certaines organismes de sécurité sociale - dont IKA- n'ont jamais méconnu les jugements administratifs rendus à leur égard. En effet, on s'aperçoit de cette mauvaise volonté de la personne publique, surtout dans les affaires ayant une dimension politique. Il ne s'agit pas d'un phénomène nouveau, puisque déjà en 1919, G.Jèze évoquait « le spectacle démoralisant d'agents politiciens résolus à ne pas se soumettre à une décision de justice surtout lorsque le bénéficiaire est un adversaire politique ».151(*) Ce sont, surtout, les plus hautes autorités de l'État, qui se rebellent contre les décisions juridictionnelles. On trouve des hypothèses où le gouvernement, dans son ensemble, s'oppose à l'exécution d'un jugement administratif. On pourrait citer, notamment, la fameuse affaire des Automobiles Berliet. Dans ce litige, le Conseil d `État français avait annulé, le 22 juillet 1949, un arrêté ministériel, plaçant les usines Berliet sous le régime de l'administration provisoire ; un nouvel arrêté, pris le 28 juillet 1949, maintenait en fonction l'administrateur provisoire et était signé de tous les ministres. Cette méconnaissance de la chose jugée, fut censurée par le Conseil d'État dans un deuxième arrêt. 152(*) En Grèce, l'attitude du Ministère de l'éducation est très caractéristique à cet égard, car, pendant les années 1980, il avait adopté une position défavorable à l'encontre des écoles privées, laquelle a donné lieu à plusieurs contentieux.153(*) En France, une fameuse affaire a fait état des rapports entre les plus hautes autorités de l'État et le juge administratif. Il s'agit de l'arrêt Canal, Robin et Godot du 19 octobre 1962. « Annulant une ordonnance du Président de la République dans un domaine particulièrement sujet à polémique et ce, quelques jours avant le référendum du 28 octobre 1962, elle fut naturellement considérée comme une prise de position politique et exploitée comme telle dans la campagne électorale ».154(*) La réaction des hautes autorités de l'Etat fut très vite marquée et, dans le but de poursuivre le refus d'exécution de l'arrêt, le gouvernement a sollicité l'intervention du législateur. On constate, par conséquent, que l'administration dispose des moyens nécessaires afin de s'opposer à la chose jugée. Cela s'est manifesté, notamment, dans l'avis n° 690/1971 du Conseil juridique de l'État hellénique, par lequel, l'administration est conseillée de ne pas se conformer à une décision du Conseil d'État. De plus, il est important de noter, qu'en Grèce, l'organisme qui refuse, assez fréquemment de se conformer aux décisions du juge administratif, c' est « le Centre de reconnaissance des diplômes universitaires de l'étranger » , appelé D.I.K.A.T.S.A. Par ailleurs, ce refus, explicite ou implicite d'exécuter les décisions juridictionnelles, est plus présent dans certains contentieux que dans d'autres. Il s'agit, évidemment, du domaine de la fonction publique et plus particulièrement, en ce qui concerne les réintégrations ou reconstitutions de carrière. En France, cette méconnaissance de la chose jugée, n'est pas uniquement, le fait de l'État, mais aussi des collectivités locales, qui refusent souvent la réintégration des agents évincés155(*), ainsi que des établissements publics.156(*) En somme, l'administration, lorsqu'elle a décidé de ne pas se soumettre aux décisions juridictionnelles, elle utilise tous les moyens possibles. * 149 CE 2 mai 1962, Caucheteux et Desmonts, RDP 1963, p.279, note Waline. * 150 ÓÅ 3015/1967 et CEH 1806/1990. * 151 CE 8 août 1919, Toesca, RDP 1919,p.506 * 152 CE 22 juillet 1949 Société Automobiles Berliet Rec.p.368 ; CE 28 décembre 1949, Société Automobiles Berliet, D.1950, note Weil.p.384 * 153 Rapports de la Commission Spéciale : 36/86 et 13/87. * 154 G.A.J.A 1978 p.519 et s.CE 19octobre 1962 Canal Robin et Godot, Rec.p .552 * 155 CE 27 octobre 1967 Dame Stromboni, RDP 1968. * 156 Commission du rapport- Rapport 1977-1978, p.109. |
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