3.2.1 Les forces du mode usuel
Par ailleurs, un acteur croit que, dans certains cas, le
recours judiciaire est préférable à la médiation
pour valider une question de principe. La jurisprudence qui en découle
deviendra alors une source importante pour parfaire les clauses contractuelles
et les rendre plus étanches aux interprétations subjectives de la
part des fournisseurs. Ainsi, la préférence du mode judiciaire
à la médiation s'explique par le fait que, parfois, le donneur
d'ouvrage use des jugements des tribunaux pour faire avancer le
Droit128 et développer un savoir-faire qui servira dans des
contrats futurs. À cet effet, Hydro-Québec dispose de ressources
importantes en mesure de supporter une poursuite devant les tribunaux où
peu
128 Commission du Droit du Canada (s. d.) La transformation
des rapports humains par la justice participative. ISBN 0-662-89974-1,
Catalogue JL2-22/2003F, page 158.
de fournisseurs sont en mesure de soutenir un long procès
en justice, dont les résultats sont d'ailleurs incertains.
Selon trois acteurs, ce rapport de forces favorable à
la société d'État est utile comme force dissuasive pour
inciter les concernés à trouver une solution au lieu de se lancer
dans un processus périlleux et coûteux. Cet avantage, selon un
interviewé, peut aussi servir à supporter une position de
principe et à faire face à un fournisseur récalcitrant et
de mauvaise foi. Cette position, à savoir « le pouvoir de soumettre
le petit acteur économique au diktat des grands producteurs de contrats
en situation de pouvoir »129 s'explique par les travaux de
Perrault et Beaudry. Ainsi, dans l'ensemble, tous les acteurs sont satisfais de
la pratique actuelle à Hydro-Québec car, selon eux, 95 % des
demandes sont réglées directement au chantier pendant la
réalisation des travaux. Donc, le rapport de forces favorable à
la société d'État est un élément non
négligeable pour assurer cette efficacité.
Les acteurs révèlent également, à
l'unanimité, que la force principale du mode usuel se trouve dans sa
flexibilité où la médiation n'est pas indiquée
comme un passage obligatoire pour régler un différend. Les
gestionnaires préfèrent le libre choix de recourir au mode qu'il
convient selon la situation au lieu de se trouver dans l'obligation de passer
par un quelconque mode pour régler leurs conflits commerciaux avec leurs
fournisseurs.
D'ailleurs, un comité interne de l'entreprise a
déjà étudié une requête des partenaires pour
réviser la clause contractuelle normalisée, concernant le
processus de règlement habituel, afin d'introduire la médiation
commerciale comme mode de règlement des différends. Après
mure réflexion, les décideurs ont opté pour le statu quo
qui a déjà fait ses preuves et qui est jugé satisfaisant
pour répondre aux besoins de la société d'État.
Cette position s'explique par la résistance au changement telle que
décrit dans Approches Stratégiques de John Kotter,
professeur à la Harvard Business School, le mieux connu des
auteurs sur le changement. Ainsi, les décideurs ne sont pas tout
à fait convaincus des changements à apporter au mode usuel et ne
sentent pas qu'il est urgent d'agir130. Selon monsieur Kotter, la
résistance des acteurs au changement est un phénomène
courant dans toute organisation en raison des inquiétudes face à
l'invasion d'un nouveau mode inconnu, et le plus grand
129 Perrault, C. et F. Beaudry (s.d.) Récents
développements en matière d'abus de droit : où
sommes-nous? 3.2 La nouvelle moralité contractuelle.
EYB2005DEV1078. Le pouvoir de soumettre le petit acteur économique au
diktat des grands producteurs de contrats en situation de pouvoir.
130 John Kotter (s. d.) Approches stratégiques,
Harvard, Harvard Business School.
défi pour implanter le changement réside dans
l'atténuation de la peur chez les acteurs concernés.
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