2.2.3 La perception de la relation entre le partenariat et
le mode de règlement des différends
Pour l'interviewé D-02, il n'y a pas une << plus
value » évidente pour Hydro-Québec d'inclure dans les
contrats avec les fournisseurs, une clause de règlement des
différends incorporant le processus de la médiation. Inclure une
telle clause dans les contrats devient contraignant pour la
société d'État qui préfère garder sa
liberté d'action et l'utiliser cas par cas.
<< Il y a eu déjà des hauts gestionnaires,
à Hydro-Québec, qui ont évoqué d'inclure une clause
de médiation dans nos contrats. Donc, il y a beaucoup d'ouverture de la
part de la haute direction pour la médiation. Mais on ne veut pas
être pris avec une clause obligatoire dans nos contrats. On va s'en
servir comme outil potentiel comme une façon de résoudre la
problématique qui peut être intéressante on ne va pas
être obligé à la regarder dans toutes les causes. »
Acteur D-02)
Selon l'acteur de la première ligne D-02, la question
à savoir s'il faut inclure une clause de médiation dans les
contrats d'Hydro-Québec a déjà été
débattue par un comité de la haute direction il y a quelques
années. Après une mure réflexion, la réponse
était non en raison, que dans la plupart des cas, l'écart qui
sépare la demande de l'entrepreneur et l'offre de la
société d'État est très important. Il y a une
crainte que le médiateur coupe la poire en deux. Dans ce cas,
Hydro-Québec se trouve dans l'obligation d'accepter un règlement
défavorisé :
<< Est-ce que oui ou non on devra inclure une clause de
médiation dans nos contrats ? À l'époque la position
d'équipement, il n'en voulait pas. Parce qu'ils estimaient que dans les
réclamations, avec les entrepreneurs, les écarts sont souvent
très importants. Car des réclamations sont faites pour 40
millions $ qui valent selon nous 4 millions $ : dix fois moins à titre
exemple. L'écart entre la réclamation et le bien fondé est
énorme. Dans ce cas, on ne veut pas se lancer dans un processus de
médiation, qui va finir par couter cher. [...] Pour d'autres dossiers on
dit l'écart est très grand on veut aller devant les tribunaux
pour des questions de principes. Une fois on est allé en
médiation et je me suis dit par après on n'aurait pas dû
aller en médiation. Par définition, la médiation il faut
que tu acceptes de mettre un peu d'eau dans ton vin et l'autre aussi, afin
d'arriver à une solution mitoyenne. Il faut que tu sois prêt
à concéder. » (Acteur D-02)
Toutefois, selon le gestionnaire, l'entreprise est tout
à fait ouverte pour l'utilisation de la médiation lorsqu'elle
juge que l'enjeu du conflit est discutable. Lorsque le bien fondé n'est
pas évident ou l'écart n'est pas très
éloigné Hydro-Québec accepte de participer à un
processus de médiation sur une base volontaire selon le cas :
<< Quand on jugera qu'il faut aller en médiation
on y ira. Ils en font de temps en temps. On a fait de la médiation dans
le passé dans les gros litiges où on a
préféré de ne pas aller en cours avec cela. [...] Oui, la
médiation est un outil intéressant mais pas pour tous les cas. On
a pris la décision à l'époque de ne pas l'introduire
systématique dans la clause générale. » (Acteur
D-02)
L'acteur D-02 explique qu'il préfère avoir la
liberté d'aller en médiation ou non. Car il y a des cas où
il n'est pas avantageux d'aller en médiation surtout lorsqu'il s'agit
d'une affaire de principe où on est sûr d'avoir gain de cause.
Selon lui, il faut adapter le processus de règlement au conflit et non
l'inverse :
<< Il faut adapter le mode de résolution des
problèmes aux dossiers. Des fois quand on pense qu'il faut aller en
arbitrage pour des raisons de confidentialité on va avoir la
liberté d'y aller. On ne préfère pas aller devant le
tribunal pour des raisons de confidentialité on est prêt à
vivre avec la décision. Il y a des dossiers où on juge qu'il est
avantageux d'aller en médiation. [...] Quand tu vas en
médiation
tu es obligé de faire la concession. On a fini par
régler ce dossier en médiation. Mais, moi, je n'étais pas
à l'aise. C'est une question de principe. Moi j'aurai aimé mieux
aller en cour que concéder. [...] En médiation il faut aller avec
un dossier ou tu pense qu'il y a quelque chose à concéder ou ce
n'est pas une question de principe pour toi. » (Acteur D-02)
L'acteur D-02 est d'avis que la décision de la
société d'État relative au refus d'introduire une clause
de médiation dans ses contrats avec les fournisseurs, qui date depuis
quelques années peut être reconsidérée et voir une
possibilité de le faire à titre expérimental dans quelques
contrats. Ensuite on pourra évaluer la pertinence de poursuivre ou de
revenir à la position du départ. Ainsi on peut apprécier
le plus valu qui sera apporté par une telle clause à la gestion
des différends issus des contrats d'Hydro-Québec avec ses
fournisseurs :
<< Ca ne veut pas dire que cette position qui date il y
trois ans ne peut pas évoluer dans le futur. [...] Cela étant
dit, on s'est déjà posé la question pourquoi on le test
pas ? On pourra peut être la tester dans un marché au lieu (at
large). Puis, voir qu'est ce que ça donne? Puis, faire un poste
mortem dans trois, quatre ou cinq ans. Là, on pourra dire on l'a
testée. C'est la recommandation qu'on avait faite à
l'époque. [...] Moi j'aurai aimé la tester, pour avoir vu
quelques articles la dessus et quelque expériences ailleurs dans
d'autres entreprise. [...] Pourrons-nous l'essayer pour un secteur? Justement
pour faire une idée qu'est-ce que ça représente? Pour
justement faire un business case et pour dire c'est rentable ou pas rentable.
Pour cela J'ai de la difficulté à se positionner. L'essayer pour
pouvoir quantifier les inconvénients et les avantages, rentable ou pas.
J'ai un penchant favorable pour l'essayer. » (Acteur D-02)
Selon l'opinion de l'acteur D-02, une clause de
médiation incluse dans les contrats risque de se trouver très
souvent en médiation. Ainsi, il y aura moins de réclamations qui
seront réglées pour négociation entre les administrateurs
directement concernés sur le terrain en chantier. Selon lui, l'inclusion
d'une telle clause dans les contrats va augmenter les coûts et peut
même entraver le règlement hors cour des différends :
<< C'est la faisabilité d'être toujours en
médiation. On a des grosses réclamations où très
peu d'entreprises au Québec se trouvent dans une telle situation, on a
des gros contrats qui amènent potentiellement des grosses
réclamations. On a des conditions de réalisation qui sont
particulières. Ce ne sont pas des conditions usuelle ni des
réclamations usuelles. On a des réclamations dont l'envergure et
la complexité sont importantes. Si on était en médiation
dans toutes nos réclamations, on as-tu la capacité de supporter
les coûts de tout ça? Comment cela coûterait par rapport
à notre façon de faire habituelle? Je pense qu'il faudrait faire
cette analyse en profondeur car ça n'a jamais été fait.
» (Acteur D-02)
Selon ce gestionnaire, d'autre acteurs résistent
même à essayer d'introduire une clause de médiation
à titre expérimental. Car ils sont convaincus que l'introduction
d'une telle clause nuira à la bonne gestion des différends
à Hydro-Québec où il y aura une forte augmentation des
réclamations qui vont se trouver en processus de médiation.
HydroQuébec perdra l'élément dissuasif qui presse les
administrateurs directement impliqués dans le conflit à trouver
un règlement :
« Ils ont dit non, nous, on aimerait garder le statu quo.
D'y aller avec une approche où on se réserve la
possibilité de le faire au moment opportun selon la nature du dossier.
C'est un peu l'historique à Hydro-Québec concernant la
médiation. On le saurait jamais si c'était la meilleure solution
ou pas. On n'a pas fait le test. Pour cela, moi, je ne sais pas. Comme on ne
l'a pas testé, je ne peux pas dire si c'est une bonne chose. »
(Acteur D-02)
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