2.2.2 La perception du mode de règlement des
différends
2.2.2.1 Les modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à Hydro-Québec
Pour l'acteur D-02, les modes usuels de règlement des
différends, qui sont mis souvent de l'avant pour régler les
conflits commerciaux avec les fournisseurs, sont similaires que ce soit dans le
domaine des contrats de construction ou dans le domaine des ententes de
partenariat avec les fabricants fournisseurs d'équipements
stratégiques. À cet effet, il existe une clause normalisée
de procédures en cas de différends insérée dans les
clauses générales de chaque contrat d'approvisionnement où
le recourt à la médiation n'est pas spécifié d'une
façon formelle : << Les clauses générales ne
préconisent pas une médiation automatique ou l'arbitrage. »
(Acteur-D-02)
Il est en faveur de régler les litiges commerciaux au
fur et à mesure par des négociations directes entre les
administrateurs des contrats et les représentants des fournisseurs :
<< Selon moi, je trouve qu'on a intérêt à
régler au fur et à mesure. » (Acteur D-02) Cette
volonté de régler promptement les conflits existe aussi pour les
chantiers de construction afin de ne pas laisser les dossiers s'accumuler :
<< Il y a une volonté, en mode chantier, de régler les cas
au fur et à mesure, pas trop pelleter en avant les problèmes pour
se retrouver avec des gros affaires finalement. » (Acteur D-02)
Démarche quasi-judiciaire
Toutefois, selon l'interviewé, dans la plupart des cas,
on a fini par s'entendre et par trouver une solution sans qu'il soit
nécessaire de se rendre devant les tribunaux. Selon les
procédures, s'il n'y a pas d'entente après avoir fait appel au
Directeur, usuellement le dossier sera transmis au contentieux afin de se
préparer de le débattre devant les tribunaux de droit commun.
Mais, selon lui, la poursuite d'un dossier en justice est très rare car
ils préfèrent trouver une solution avant d'en arriver à
s'adresser à la cour pour des raisons de confidentialité et pour
n'a pas établir une jurisprudence défavorable pour
Hydro-Québec :
<< On ne préfère pas aller devant le
tribunal pour des raisons de confidentialité. [...] Moi, je dis toujours
: le plus mauvais règlement vaut mieux qu'un bon jugement;
d'après mon expérience, après avoir fait des litiges
pendant plus de 10 ans. C'est vrai pour beaucoup des cas mais pas pour des cas
de principe. >> (Acteur D-02)
Les forces des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
Selon l'acteur D-02, les forces du mode usuel réside
dans la liberté de choisir le mode qui convient le mieux à une
situation donnée, au lieu de se trouver dans l'obligation de passer par
un quelconque mode pour régler leurs conflits commerciaux avec leurs
fournisseurs :
<< Les forces du mode usuel actuel permettent d'adapter
le mode de résolution des problèmes aux dossiers. Des fois quand
on pense qu'il faut aller en arbitrage pour des raisons de
confidentialité on va avoir la liberté d'y aller. Et on ne
préfère pas aller devant le tribunal pour des raisons de
confidentialité on est prêt à vivre avec la décision
de l'arbitre. Il y a des dossiers où on juge qu'il est avantageux
d'aller en médiation. Pour d'autre dossier on dit l'écart est
très grand on veut aller devant les tribunaux pour des questions de
principes. >> (Acteur D-02)
Un comité interne de l'entreprise s'est
déjà penché sur la question à savoir s'il faut
changer le processus de règlement habituel par un nouveau qui inclut la
médiation commerciale. Après mure réflexion, les
décideurs ont préféré préserver le statu quo
qui a déjà fait ses preuves et a été jugé
adéquat pour répondre aux besoins de la société
d'État :
<< C'est la recommandation qu'on avait faite à
l'époque. Ils ont dit non. Nous en aimerait garder le statu quo. D'y
aller avec une approche où on se réserve la possibilité de
le faire au moment opportun selon la nature du dossier. >> (Acteur
D-02)
Rapport de forces favorable
Selon l'acteur D-02, il existe un rapport des forces favorable
à la société d'État qui peut servir comme force
dissuasive pour inciter les belligérants à se rapprocher et
trouver une solution au lieu de se lancer dans un processus périlleux et
coûteux :
« Comme on est une entreprise publique dans certain cas
on doit se tenir debout et faire établir des principes. On a les moyens
de le faire. Oui pour la médiation pour l'entreprise privé. Mais
pour l'entreprise publique qui a les moyens de se tenir debout et au point de
vu financier elle est capable de supporter une position de principe. Moi, je
pense dans certain cas la médiation ce n'est pas la solution. »
(Acteur D-02)
Cet avantage par rapport au fournisseur peut servir à
supporter une position de principe ou faire face à un fournisseur de
mauvaise foi lors des négociations. À cet effet,
HydroQuébec dispose des ressources financières et humaines
importantes en mesure de supporter les coûts et le délai d'une
poursuite devant les tribunaux où peu des fournisseurs peuvent le
faire.
Validation des clauses contractuelles
Les forces des modes usuelles de règlements, selon ce
gestionnaire, réside dans la possibilité de tester certaines
décisions devant les tribunaux afin d'établir une jurisprudence
sur une question de principe. Lesquelles jurisprudences sont
considérées comme une source précieuse de droit pour faire
évoluer les clauses contractuelles :
« Il y a des dossiers où on préfère
aller en cour où l'opinion juridique est tellement tranchée pour
établir à la limite de la jurisprudence. Dans certain cas on va
aller devant les tribunaux pour trancher. On est convaincu que nous ne sommes
pas responsables et le fournisseur dit oui. Il faut trancher oui ou non. C'est
un point de principe pour l'entreprise. » (Acteur D-02)
Les faiblesses des modes usuels de règlement des
différends civils et commerciaux à
Hydro-Québec.
Malgré certaines satisfactions du processus usuel, il
en demeure pas moins que ce gestionnaire est d'avis que la façon de
faire actuelle en matière de règlement des différends est
longue, surtout lorsque la valeur de la réclamation provenant d'un
fournisseur est importante : « Je trouve que le processus actuel est quand
même un peu long. Il y a des réclamations où c'est long
avant que cela se règle. » (Acteur D-02)
L'interviewé mentionne aussi que le mode judiciaire est
coûteux en frais de contentieux et d'experts engagés pour
préparer et défendre les dossiers en litige devant les tribunaux
de droit commun :
« Quand tu sais qu'il s'agit d'un enjeu
essentiellement monétaire et tu sais que cela coûte cher pour
aller devant les tribunaux et trainer des litiges pendant des années de
temps. Moi, je dis toujours le plus mauvais règlement vaut mieux qu'un
bon jugement d'après mon expérience après avoir fait des
litiges pendant plus de 10 ans. C'est vrai pour beaucoup des cas. »
(Acteur D-02)
Selon lui, dans certains cas, surtout pour une petite et
moyenne entreprise, l'accumulation des réclamations non
réglées peut affecter la capacité financière du
fournisseur à poursuivre les travaux ce qui peut provoquer une rupture
dans la relation d'affaires : << Si les réclamations s'accumulent,
dépendamment de la capacité financière du fournisseur cela
peut lui mettre en difficulté. » (Acteur D-02)
Il explique que lors de l'exécution des travaux en
chantier, l'échéancier des travaux est très important car
le projet s'inscrit souvent à l'intérieur d'un grand projet ou un
programme stratégique d'une importance capitale pour
Hydro-Québec. Ce qui fait que les priorités et les efforts des
gestionnaires en chantier sont consacrés pour réaliser les
travaux selon les dates clefs prévues dans le programme global du
projet. Ainsi, on demande souvent à l'entrepreneur d'exécuter les
travaux avant même d'avoir une entente sur les incidences de ces travaux
sur les activités contractuelles de l'entrepreneur. Pour cette raison,
on arrive à la fin du chantier avec un cumul de changements non
réglés où il faut redoubler d'efforts pour trouver les
informations manquantes afin de compléter les dossiers et
négocier les règlements. Une telle situation, est une source
importante des conflits dont la négociation d'un règlement
devient plus ardue et plus difficile : << Dans la plupart des cas, on
veut que le chantier avance et on dit "on réglera cela après..."
Tu as un cumul de changements et le dossier grossit [...] Je pense que c'est
ça la difficulté. » (Acteur D-02)
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