4.2.2 CATÉGORIE «
TRANSFORMER LA SITUATION»
Quand la situation a clairement été
identifiée et que la personne s'y est favorablement positionnée,
encore faut-il que cette dernière la transforme. Cette opération
correspond à un autre pouvoir de la compétence : la
réalisation optimale d'une tâche, ou dans une perspective
constructiviste, le pouvoir de transformer la situation par la
réalisation d'une tâche.
Le point essentiel à relever ici est que la
réalisation d'une tâche ne relève pas forcément de
l'exercice d'une compétence. Des conditions minimales au niveau de la
configuration de la situation doivent être réunies et la personne
doit effectivement mobiliser les ressources à sa disposition. Nous
référant à Le Boterf (2008), nous dirons que les
possibilités d'exercice d'une compétence sont dépendantes
de l'environnement de travail et de formation de l'apprenant. Dans les
situations de formation qui se fondent sur une approche constructiviste,
l'accomplissement d'activités qualifiantes repose, en premier lieu, sur
une prescription ouverte, qui rappelons-le, s'inscrit en opposition à la
prescription taylorienne et comportementaliste dans laquelle une stricte
concordance entre le prescrit et le réalisé est recherché.
Dans le système de la prescription ouverte, l'apprenant peut faire
preuve d'autonomie et, par une gestion innovante de la complexité, il
peut résoudre une situation d'apprentissage.
Avec cette catégorie apparaît explicitement la
notion de ressources. Celles-ci se réfèrent à la situation
dans laquelle évolue la personne, au contexte de la situation et
à la personne elle-même. « Toutes les ressources de
la situation, du contexte et de la personne sont potentiellement utiles au
développement de l'action et d'une compétence en
situation » (Jonnaert, 2004). Les ressources sont des
potentialités qui sont utilisées ou non par la personne ;
elles sont latentes. « Il s'agit d'un ensemble très vaste
de ressources qu'une personne apprend à utiliser en situation à
travers son expérience » (ibidem).
Les ressources sont découpées ici en ressources
internes et ressources externes. Les ressources internes concernent les
connaissances de la personne, mais aussi ce qui ressort de la conation, comme
l'intérêt, la motivation de la personne, l'image de soi. Les
ressources externes sont d'ordre social (les personnes sollicitées pour
traiter une situation) ou d'ordre matériel (le recours à des
livres, un ordinateur...). Or cette dichotomie, dans la perspective
constructiviste et située, est relative puisque « la
personne travaille toujours à partir de ses propres constructions.
Aussitôt que la personne agit, toutes les ressources convoquées
lui sont nécessairement internes » (ibidem). Les
ressources externes ne peuvent être considérées comme
dissociées de la personne puisque celle-ci « les
reconstruit nécessairement en les adaptant aux exigences de la
situation » (ibidem).
4.2.2.1 L'UTILISATION DES
RESSOURCES INTERNES
L'activation de ressources conatives correspond selon Bourgois
et Nizet à « une mobilisation d'énergie,
finalisée par un désir, une volonté, un besoin de
changement qui lui donne sens, c'est-à-dire, une signification et une
direction » (Bourgeois et Nizet, 1999, p. 36). La mobilisation
de ressources et d'énergie dans un processus de formation suppose de la
part de l'apprenant un besoin, un désir de connaissance et/ou de
reconnaissance, voire un désir d'interaction sociale,
d'autoréalisation ou d' « auto-défi ».
Ce désir de changement sous-tend l'engagement dans la formation, donne
une orientation et une motivation aux choix opérés par le
participant dans la conduite de sa formation. « C'est ce
même désir qui va sous-tendre et motiver la mobilisation
d'énergie et de ressources à l'intérieur de l'action de
formation » (ibidem, p. 37).
L'énergie déployée dans une formation est
aussi reliée à un désir de changement hors du champ direct
de la formation, selon ces deux mêmes auteurs. Pour eux, tout projet de
formation est nécessairement inscrit dans un projet plus vaste qui
dépasse le projet de formation.
Les changements escomptés peuvent ainsi être
psychologiques, sociaux, professionnels... « Comme apprenant, je
mobilise de l'énergie et des ressources diverses dans un projet de
formation si... je pense ... que cette action de formation va produire du
changement dans ma vie personnelle, sociale ou professionnelle, qu'elle va
contribuer à la réalisation d'aspirations dans ces
différents domaines » (ibidem, p. 38)
Une indissociabilité entre la signification
donnée à une activité de formation et la mobilisation de
ressources conatives pour accomplir cette activité peut ici être
posée.
Les données recueillies dans les entretiens attestent
la relation directe entre la signification d'une activité de formation
et les ressources conatives mobilisées. Dans le premier entretien, F3
motive son choix par la facilité d'exécution, alors qu'aucune
mention de ressources conatives n'est notée dans son discours.
Ce contre-exemple confirme la relation signification -
conation.
Les ressources cognitives ont concerné, dans le cadre
de l'enquête, le bagage expérientiel des personnes, leurs
connaissances construites, l'ensemble des processus intellectuels en rapport
avec ces connaissances. Les représentations cognitives,
c'est-à-dire les connaissances préexistant à la formation
reliées à celles se constituant pendant la formation, et les
schémas et théories implicites, sont considérées
comme des ressources uniquement si elles sont adaptées et reconstruites
en situation, et si elles se prêtent à un traitement
« réussi » de la situation.
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