2. LA QUESTION THÉORIQUE
Afin d'interroger la notion de compétence dans le
dispositif de formation de formateur d'adultes de l'institution et de
déterminer en quoi les composantes du dispositif contribuent au
développement des compétences des participants, nous passerons en
revue le concept de compétence d'abord tel que défini par deux
auteurs majeurs dans un contexte d'entreprise, Le Boterf et Zarifian. La
compétence sera ensuite abordée dans le champ de la
formation : dans un premier temps selon l'approche praxéologique
des compétences, dans un second temps selon l'approche située et
énactée des compétences.
2.1 LA COMPÉTENCE EN ENTREPRISE
2.1.1 LE CONCEPT DE
COMPÉTENCE SELON LE BOTERF
2.1.1.1 BRÈVE
HISTOIRE D'UNE NOTION
Emergeant dans les années 1970, le terme de
compétence apparaît dans les débats entre les partenaires
sociaux pour mettre en question les relations de subordinations
hiérarchiques et revendiquer le rehaussement du statut des
salariés, dont les performances ne doivent plus être
considérées comme uniquement dépendantes des prescriptions
mais aussi liées à des compétences personnelles.
Dès les années 1980, la complexification des
situations de travail en lien avec des exigences accrues de
compétitivité produisent de nouvelles organisations du travail
dans lesquelles les compétences individuelles sont valorisées. Si
jusqu'alors tout le monde semble s'entendre sur la notion de compétence,
les nouvelles règles du jeu de la concurrence bousculent ce consensus.
L'évidence sémantique contenue dans la notion éclate.
Cette dernières ne fait plus l'unanimité. Elle est remise sur le
métier.
Le Boterf s'interroge : « les entreprises
et les organisations se sont toujours souciées des compétences
mais ce n'est plus de la même compétence dont elles ont besoin...
De quel concept de compétence les entreprises ont-elles
besoin ? » (Le Boterf, 2008, p. 18), ou selon
l'intitulé d'un chapitre de son ouvrage en référence:
« De quelle représentation de la compétence a-t-on
besoin ? » (ibidem, p. 53).
Ce questionnement témoigne de la polysémie d'une
notion dont Le Boterf veut définir les contours tout en en assumant sa
malléabilité. Il s'agit de trouver « une nouvelle
mise en forme de la compétence pour un faire un objet
d'investissement » (ibidem, p. 49), de se doter d'outils
conceptuels et pratiques qui correspondent aux contingences des entreprises et
des organisations et répondent aux enjeux économiques.
2.1.1.2 DÉFINITION DU
CONCEPT
Le Boterf se dégage volontairement de l'approche
analytique qui revient à définir la compétence par
l'équation décrire=énumérer, qui se
résume à établir des listes, à découper des
activités en sous-activités, elles mêmes subdivisées
en tâches et sous-tâches, mouvement que Le Boterf identifie
à une folie analytique.
Selon l'auteur, la définition de la compétence
dont les entreprises et organisations ont besoin est variable et
dépendante des environnements et situations de travail. Elle
évolue en fonction d'un curseur se déplaçant entre deux
pôles: celui de la prescription fermée et celui de la prescription
ouverte.
Le premier pôle correspond à la conception
taylorienne selon laquelle le salarié est le simple exécutant de
tâches routinières prescrites en amont. Ici point d'initiative de
la part du travailleur mais une stricte concordance entre le prescrit et le
réalisé. Est compétent celui qui applique strictement la
consigne.
L'irruption de l'autre pôle, la prescription ouverte,
dégage la notion de compétence de la conception taylorienne,
puisqu'ici le salarié doit, par la configuration de la situation
professionnelle, faire preuve d'autonomie par une gestion innovante de la
complexité. Est compétent celui qui sait quoi faire et quand.
En sus d'être plastique, la notion de compétence
est l'interface d'une dimension individuelle et collective. Sont
mobilisées, quand on est compétent, non seulement des ressources
personnelles comme les différents savoirs incorporés
(connaissances, savoir-faire technique, méthodologique, relationnel,
capacités cognitives, bagage expérientiel...), mais
également les « ressources environnementales
partagées » (ibidem, p. 62), telles que les outils
d'aide, les réseaux de coopération, la veille externe
(séminaires, salons professionnels...).
Comme la compétence se réfère, pour lui,
à un savoir-agir dans des situations de travail particulières, Le
Boterf propose une définition estimée pertinente, utile et
opérationnelle pour chaque organisation et entreprise. La
compétence, c'est pour la personne, un savoir-mobiliser
« un ensemble de ressources appropriées personnelles... et
de son environnement... pour gérer un ensemble de situations
professionnelles... afin de produire des résultats... satisfaisant
à certains critères de performance pour un
destinataire... » (ibidem, p. 97).
Selon Dolz et Ollagnier, cette définition place la
compétence « au carrefour de la formation professionnelle,
de la situation de formation et de la biographie du sujet »
(Dolz et Ollagnier, 2002, p. 11). Elle nécessite de réinterroger
les dispositifs de formation pour que des espaces de formation
extérieurs aux cadres de référence habituel en formation
soient explorés par les formateurs.
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