2.1.2 LE MODÈLE DE LA
COMPÉTENCE DE PHILIPPE ZARIFIAN
2.1.2.1 DÉFINITION
DE LA COMPÉTENCE
Zarifian définit la compétence comme
« la prise d'initiative et de responsabilité de l'individu
sur des situations professionnelles auxquelles il est confronté... La
compétence est une intelligence pratique des situations qui s'appuie sur
des connaissances,... la faculté à mobiliser des réseaux
d'acteurs autour des mêmes situations, à partager des enjeux,
à assumer des domaines de responsabilité» (Zarifian,
1999, p. 70). La prise d'initiative vient d'une personne capable d'imagination
et d'inventivité, en vue d'une réponse adaptée à un
événement. Elle est couplée à la
responsabilité de domaines à assumer.
Zarifian explicite la définition en la
référent à la question de la responsabilité qu'il
rattache à une éthique professionnelle versus une
question purement morale. Il reformule ainsi la définition de la
compétence : c'est « la prise d'initiative et
l'assumer des responsabilités de l'individu sur des problèmes et
événements auxquels il s'affronte au sein de situations
professionnelles » (ibidem, p. 82). « L'assumer de
responsabilité » signifie : - aller jusqu'au bout
des initiatives prises - répondre de la portée de son action - se
soucier du destinataire dans la production du service - exercer son
activité professionnelle dans un champ de responsabilité
La compétence est ainsi vue comme une médaille
à deux versants : la responsabilité, attribuée
à un individu acteur, et l'initiative, attribuée à un
individu sujet.
2.1.2.2 LE MODÈLE DE
LA COMPÉTENCE
Le modèle de la compétence,
référé à un mode de management et de
développement des ressources humaines, se substitue à une logique
de métier et de poste de travail inhérente au taylorisme lequel,
selon une sociologie critique, renvoie à un individu
dépossédé de sa force de travail puisque le processus de
production est fractionné et que par conséquent l'individu n'a
plus la maîtrise du produit fini. Dans le modèle de la
compétence, tel que défini par Zarifian, le travail redevient
l'expression directe de la compétence possédée et mise en
oeuvre par le sujet agissant. Être compétent répond
à la question: « que dois-je faire quand on ne me dit pas
comment faire? » Le salarié est détenteur d'une
marge de manoeuvre - ou de prescription ouverte - que la prescription
taylorienne fermée ne couvre plus. Ici l'initiative et l'autonomie sont
valorisées.
L'organisation est ainsi vue comme un
« assemblage souple de sujets pris dans les filets... de leurs
initiatives et rôles respectifs» (ibidem, p. 61).
Comment donc appliquer ce modèle dans l'organisation?
Zarifian propose une démarche de mise en oeuvre de ce
modèle, documentée par des exemples issus de son
expérience. Plusieurs conditions doivent être réunies.
La première est de s'entendre sur une définition
consensuelle et unifiante de la compétence au sein de l'organisation,
qui est assimilée à une philosophie contextualisée d'une
démarche compétence, devant servir de guide et de boussole dans
les phases ultérieures du projet. Zarifian exemplifie cette condition
par le cas d'une entreprise ayant consacrés plusieurs mois de travail
pour produire une définition dans laquelle « le
salarié... est affirmé comme sujet de ses actions et acteur de
son propre développement des compétences »
(ibidem, p. 99), et dans laquelle la responsabilité des managers est
également engagée. Sont déclinés ensuite des
objectifs issus de cette définition générale sur une
politique de management des compétences équivalent à une
véritable « économie de connaissance »
(ibidem, p. 99) impliquant l'organisation et tous ses acteurs, à tous
les niveaux hiérarchiques.
La deuxième condition se rattache à
l'explicitation de cette stratégie compétence à tous les
acteurs de l'organisation. Ici sont exprimées les compétences
sollicitées dans l'exercice des métiers.
La troisième condition revient à analyser les
situations de travail, avec les salariés et leur hiérarchie, afin
d'identifier les compétences mobilisées et mobilisables. Il
s'agit de décrire l'existant et d'anticiper ce qui va émerger en
matière d'évolution des compétences, en vue de produire,
quatrième condition, des référentiels de métiers,
métier étant pris au sens sociologique - et non corporatiste - de
communautés d'action.
Zarifian précise que l'application de son modèle
dépasse le cadre strict d'une entreprise si l'on considère le
développement des compétences comme des séquences
organisées en une chaîne d'apprentissages. Celle-ci commence par
l'acquisition de routines professionnelles, se poursuit avec la mise en
question de ces routines par une réponse actualisée aux
événements, puis par une inventivité décalée
d'avec le travail ordinaire et la découverte de champs nouveaux, suivie
par une démarche de réflexivité sur l'action produite avec
au final une situation formative caractérisée par la mise en
forme d'un savoir acquis transmissible.
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