Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)( Télécharger le fichier original )par Julien Vinuesa Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004 |
3-3 : Les grandes menées du parquet général contre les républicains.3-3-1 : Les poursuites contre Le National de 1834 : les prémices de la réaction dans la presse.A-Le renvoi de Carrel à Rouen : la surprenante décision de la Cour de cassation.Par un arrêt de la Cour de cassation du 4 avril 1834, le journaliste Armand Carrel et M. Conseil, son associé, tous les deux gérants du journal Le National de 1834 sont renvoyés devant la Cour d'Assises de la Seine-Inférieure et doivent comparaître devant ladite Cour, le 17 juin 1834. L'affaire remonte au 10 août 1833 où un arrêt de la Cour d'assises de Seine- et-Oise condamne M. Paulin, gérant-responsable du journal Le National, pour « raison d'un compte [rendu] infidèle de mauvaise foi et injurieux d'une des séances de la Cour d'assises de la Seine »333(*) : Le National est interdit de rendre compte des débats judiciaires pendant deux années. Comme le rappelle Pascal Vielfaure, « Carrel, l'un des principaux dirigeants du National décide de mettre fin à son existence officielle et le remplacer par un journal titré : Le National de 1834, avec une société composée de nouveaux gérants. Rapidement, se pose la question de savoir si la condamnation encourue par Le National doit ou non s'appliquer au «nouveau» journal »334(*). Le 14 février 1834, la Cour d'assises de la Seine, (avec à la tête du parquet, le substitut Ponce-François dit Franck-Carré : futur premier président de la Cour de Rouen en 1841335(*)) au regard de nouveaux comptes rendus publiés dans trois numéros du mois de janvier 1834336(*), condamne Armand Carrel et ses associés à deux mois de prison et deux mille francs d'amende337(*). « Estimant que rien n'interdit au propriétaire d'un journal condamné d'en fonder un nouveau, sans que celui-ci ait à subir les condamnations de celui-là »338(*), Carrel et Conseil forment donc un pourvoi devant la Cour de cassation. Le 4 avril 1834, après avoir entendu le rapport du conseiller Thil (l'ancien procureur général de Rouen) et les plaidoiries de Me Adolphe Crémieux (ministre de la Justice du gouvernement provisoire en 1848), avocat de Carrel et Conseil, la Cour de cassation rend un arrêt favorable aux deux journalistes. La Cour de cassation considère, en effet, que l'interdiction, de rendre compte des débats judiciaires pendant deux années prononcée contre Le National, ne s'applique pas au journal Le National de 1834 : « attendu que la société en nom collectif, seulement fondée en 1831, sous la raison Paulin et Cie, pour l'exploitation du National a été dissoute en 1833, et qu'à la même époque, une autre société en nom collectif et en commandite a été établie sous la raison Armand Carrel, Scheffer, Conseil et Cie pour la création et l'exploitation du journal quotidien politique et littéraire intitulé : Le National de 1834 [...]. Le National de 1834 est un nouveau journal sur lequel ne frappe pas l'interdiction de rendre compte des débats judiciaires »339(*). Cassant l'arrêt du 14 février, la Cour de cassation renvoie Carrel et Conseil devant la Cour d'assises de la Seine-Inférieure. * 333 Arrêt de la Cour de cassation, du 4 avril 1834, annulant la décision de la Cour d'assises de la Seine du 14 février 1834, 2U 1735. * 334 Pascal Vielfaure, op. cit., p. 55. * 335 Dans La justice au XIXe siècle «Les magistrats», Jean-Louis Debré évoque, de nouveau, le destin croisé de Franck-Carré avec Le National : « Le 23 septembre 1841, le gérant du journal Le National, traduit devant la Cour d'assises de la Seine pour injure au roi, est acquitté. Cette décision courageuse ne convient pas du tout au pouvoir. Le ministère public, rendu responsable de cette indulgence, est immédiatement sanctionné. Le procureur général près la Cour de Paris, Franck-Carré, se retrouve à la Cour de Rouen » : op. cit., p. 104. * 336 Lettre du parquet de Rouen informant du renvoi de MM. Carrel et Conseil, gérants du National de 1834, devant la Cour d'assises de la Seine-Inférieure, le 17 juin 1834, 2U 1735. * 337 Arrêt de la Cour d'assises de la Seine du 14 février 1834, 2U 1735. * 338 Pascal Vielfaure, op. cit., p. 55. * 339 Arrêt de la Cour de cassation, du 4 avril 1834, annulant la décision de la Cour d'assises de la Seine du 14 février 1834, 2U 1735. |
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