Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)( Télécharger le fichier original )par Julien Vinuesa Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004 |
B-La condamnation de la démagogie.Une force d'opposition mobilisatrice, comme la gazette de Normandie se veut être, est une menace réelle pour le gouvernement en place : « Mais le ministère a été odieusement menteur lorsqu'il a eu l'imprudente audace d'afficher à la bourse que ce mouvement était complètement étranger à la politique ; qu'il n'était dirigé que conte l'industrie et la propriété. Est-ce que toute la politique, tout le système du gouvernement n'est pas dans ce mot horrible : J'ai faim [...]. Il est accusateur pour nous, ministres de Louis-Philippe ! [...]. Disons mieux, il est votre condamnation [...]. Et ce drapeau noir qui s'élève au milieu d'une population affamée ? Ce drapeau sur lequel est écrit en grandes lettres blanches « Vivons en travaillant ou mourrons en combattant » n'est-il pas un monument pour l'histoire du ministère du 13 mars ? ». Les légitimistes, nostalgiques du drapeau blanc des bourbons, se reconnaissent presque dans le drapeau noir brandi par les canuts lyonnais. A grands renforts de propos démagogiques, les légitimistes se posent en une force presque révolutionnaire et socialisante. Le souci des plus faibles est, semble-t-il, devenu le coeur du programme légitimiste. Tout ce qui est fait contre le gouvernement de Louis-Philippe, est bon pour poser Henri V en alternative évidente. La gazette condamne ouvertement le gouvernement de Casimir Perier du 13 mars 1831, qui installe durablement le parti de la « résistance », au détriment des libéraux de gauche du « mouvement ». Les légitimistes ne veulent plus être une force d'opposition mais s'affirment comme un courant de démolition du régime louis-philippard. Par conséquent, le parquet ne peut pas laisser passer des propos qui font l'apologie de la fin d'un gouvernement dont il est l'émanation et le porte-parole judiciaire. L'avocat général Félix Boucly, membre du parquet général de Rouen depuis la naissance de la monarchie de Juillet, requiert donc, le 27 décembre, une peine exemplaire contre le journal. Il s'agit de condamner lourdement, pour saper durablement les bases de ce légitimisme de presse de plus en plus offensif. Ainsi, Boucly demande que le prévenu Walsh soit condamné à l'emprisonnement, à l'amende et au remboursement des frais du procès pour, premièrement, excitation à la haine et au mépris du gouvernement, et secondement, d'attaque contre les droits que le roi tient du voeu de la nation française. C'est un succès pour le parquet. Le jury reconnaît que Edouard Walsh a bien offensé le gouvernement (le deuxième chef d'accusation n'est pas reconnu recevable par le jury et le gérant est acquitté sur ce point) : le gérant Walsh est condamné à un mois de prison, à trois mille francs d'amende et au remboursement du procès294(*). La décision judiciaire du jury est conforme à la volonté politique et judiciaire du gouvernement qui veut mettre un terme au débordements de la presse d'opposition de plus en plus envahissante295(*). Cette affaire ouvre une période, moins libérale pour les organes de presse politiquement irrévérencieux, et marquée par des poursuites plus vives du parquet. * 294 Procès d'Edouard Walsh, gérant de la gazette de Normandie, devant la Cour d'assises, le 27 décembre 1831, 2U 1708. * 295 Cf. Vielfaure, op. cit., p. 52. |
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