WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)

( Télécharger le fichier original )
par Julien Vinuesa
Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B-La protection du notable Barbet par le parquet général.

En appel, l'avocat général Pierre-Aubin Paillart, toujours partie jointe, au nom du procureur général, suit les conclusions du substitut du procureur du roi de Rouen Justin (futur substitut du procureur général de Rouen en 1837) et amène, sans surprise, les juges à confirmer le premier jugement : Extrêmement sévère, ce dernier condamne le gérant Laurier à un mois de prison et dix mille francs d'amende au titre de dommages et intérêts, l'avocat Alfred Daviel en avait demandé vingt mille281(*). Dans le numéro du 22 octobre, L'Indiscret persiste et signe : « parce que condamné ou non, il restera établi qu'un homme s'est servi de sa position, position sociale et de fortune, pour faire ou laisser faire la fraude, et que tous les jugements du monde ne le laveront pas de cette tâche [...]. Le journaliste est condamné mais il avait raison »282(*). Ce que le journal critique dans cette affaire, c'est l'entremêlement malsain des fonctions politiques, économiques et sociales entre les mains de quelques-uns uns. L'Indiscret, même s'il a peut être tort sur cette affaire, remet en cause le système de la monarchie orléaniste, fondé sur le monde des notables. Il est donc normal que le parquet, se soit engagé du côté du maire Henry Barbet : le ministère public représente la société mais surtout défend avant tout la société des notables. D'ailleurs, L'Indiscret n'est pas tendre non plus avec la magistrature, qu'il met dans le même panier que le maire de Rouen. Dans un article du mois de septembre conservé dans le dossier judiciaire, L'Indiscret parodie le monde de la magistrature et des notables en une société de chiens, assemblés dans un endroit comparable au palais de justice et tous porteurs de l'Ordre du grelot, ressemblant fort à l'Ordre de la Légion d'honneur283(*). Dans le numéro du 1er octobre 1835, les journalistes de L'Indiscret rappelaient déjà le conflit ouvert entre le parquet et le journal, à propos d'un procès284(*) contre des porteurs de L'Indiscret, qui auraient vendu des exemplaires du journal, sans l'autorisation requise depuis janvier 1834285(*). Le journal publie un poème de soutien dédié à Léon Laurier avec cet avant-propos : « Le public y verra la preuve, si nous succombons dans la lutte engagée entre le parquet et L'Indiscret, qu'à côté du réquisitoire, les consolations, au moins, ne lui auront pas manqué »286(*).

C-Puis, L'indiscret « envoie la farce ».

Le nouveau procès qui frappe Léon Laurier, le 20 novembre 1835, n'est pas une surprise : depuis la fin de l'été 1835 et aux alentours des lois de septembre, le parquet général et les parquetiers de première instance semblent tout faire pour éliminer L'Indiscret. Le substitut du procureur général de Rouen, Gustave Rouland, dans un réquisitoire du 24 août 1835, renvoie Léon Laurier devant la Cour d'assises (le 20 novembre 1835). Le tort de L'Indiscret est d'avoir tourner en dérision le roi et le maire de Rouen, « transformés en animaux cupides et voraces à classifier dans une nouvelle oeuvre de Buffon »287(*) :

« L'auguste personnage daigna prendre du beurre avec son royal couteau et dorer ce royal beurre de sa royale main sur le pain de gruau [...] puis il s'écria -garçon ! absolument du ton d'un honnête bourgeois qui dîne à quarante sous [...] portez de ma part cette tartine de beurre à M. Don Quichotte Henry du Grelot, député et maire de son endroit [...] -Oh !sire oh ! mon roâ s'écria Don Quichotte. Bref, ce jour là, il mangea six tartines, et vota le lendemain pour les vingt-cinq millions »288(*).

Gustave Rouland reproche au journal d'avoir représenter « le roi avec l'un de ses ministres [un certain Foutriquet] comme se livrant à corrompre une partie des membres de la chambre des députés et prenant part à une séance tout à la fois odieuse et ridicule »289(*) ; l'avocat retient donc trois délits : l'offense envers la personne du roi, l'attaque contre la dignité royale et l'excitation à la haine ou au mépris du gouvernement. En réalité, celui que vise L'Indiscret, c'est le maire de Rouen, qui est décrit comme voulant démissionner et obtenir un siège à la pairie. D'ailleurs, L'Indiscret sait que ces attaques vont lui attirer des problèmes et termine son article par : « Ce que c'est que d'avoir le courage de son opinion ! »290(*). Contrairement à la rigueur mécanique des juges de la Cour des appels correctionnels, le jury acquitte Léon Laurier291(*). Les affaires de L'Indiscret présentent les limites du ministère public : la clémence de la Cour d'assises brouillant trop souvent la stratégie pénale, le parquet général trouve dans la voie correctionnelle une justice plus prompte et plus efficace, à défendre les intérêts de l'ordre établi, notamment en éliminant les oppositions politiques.

* 281 Jugement du tribunal civil de 1ère instance de Rouen du 24 octobre 1835, 2U 585.

* 282 L'Indiscret, numéro 85, du jeudi 22 octobre 1835, 2U 585.

* 283 « Une séance solennelle des membres de l'Ordre du Grelot dans la commune des chiens : [...] Une immense niche, placée dans une voûte souterraine [...]. Dans le fond se détache, en forme de fauteuils, des embrasures d'une architecture gothique, dentelées comme les mille aiguilles de nos cathédrales [...]. Bientôt, les portes s'ouvrent et deux autres boule dogues annoncent, par trois aboiements successifs, l'arrivée des membres du grelot. Alors arrivent processionnellement, lentement et majestueusement des chevaliers de toutes les espèces de la gente canine : Barbet, chiens-couchants, boules-dogues, bassets, chiens courants, caniches, épagneuls, etc. et vont se ranger dans l'enceinte, à la suite les uns des autres, selon leur grade et leurs attributions dans l'Ordre du grelot, dont ils sont tous indistinctement porteurs » : L'Indiscret, numéro du 27 septembre 1835, 2U 585.

* 284 A en croire le journal : procès du 29 septembre 1835 devant le tribunal de police correctionnelle.

* 285 L'Indiscret, numéro 79, du 1er octobre 1835.

* 286 Ibid.

* 287 Réquisitoire prononcé par Gustave Rouland, le 24 août 1835, 2U 584.

* 288 Ibid.

* 289 Ibid.

* 290 L'Indiscret, numéro 64, du dimanche 9 août 1835 : « De cette indigestion là, nous en sommes toujours nous autres, pour un maire de moins ; car d'après arrêt de la Faculté, Don Quichotte est venu, nous dire : «Par raison de santé, je donne ma démission» Pourquoi diable, aussi, a-t-il mangé ces six tartines ? Au fait, il s'en moque bien ; s'il a gagné à cela une gastrite, il sait qu'on lui fera cadeau d'un manteau de pair, pour se tenir les pieds chauds cet hiver. Manger six tartines, voter les cinq millions, en avoir une indigestion et la pairie, ça vaut mieux que d'être maire de son endroit. Ce que c'est que d'avoir le courage de son opinion ! »

* 291 Procès de la Cour d'assises du 20 novembre 1835, 2U 584.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote