Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)( Télécharger le fichier original )par Julien Vinuesa Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004 |
3-1-3 : Le parquet, défenseur des notables : l'exemple des affaires de L'Indiscret.A-L'intolérable mise en cause du maire de Rouen.Le 13 novembre 1835, la Cour des appels correctionnels examine le pourvoi formé par Léon Laurier, homme de lettres, âgé de 35 ans et gérant du journal L'indiscret Journal du Dimanche, littérature, Beaux-arts, mode, théâtre 274(*). Journal littéraire, L'Indiscret fait la critique de l'activité artistique, surtout théâtrale, de Rouen. Mais à côté des horaires de spectacle, le journal publie régulièrement des articles satiriques sur la vie politique rouennaise : L'Indiscret se fait un plaisir de railler les grandes figures locales, au premier rang desquelles, le maire de Rouen, Henry Barbet. A la tête de la ville depuis août 1830275(*), Henry Barbet représente, pour le journal, le pouvoir qui l'a nommé. Outre ses importantes fonctions municipales, Henry Barbet est un grand industriel du coton, qui possède plusieurs établissements aux alentours de Rouen : une fabrique d'indiennes à Déville-lès-Rouen et une filature au Houlme276(*). Dans les numéros 79 et 80, du 1er et du 4 octobre 1835, L'Indiscret met en cause Henry Barbet dans une affaire d'abus de confiance. Dans un article intitulé « Indiscrétions », L'Indiscret dénonce : « Les propriétaires de la voiture d'indienneurs qui passa samedi dernier à la barrière du Havre avec un panier de Champagne en fraude, voudra t'il se donner la peine d'aller en payer les droits. Il n'est pas bien de se servir de sa position pour flouer la cité de ses droits »277(*). Clairement, le journal soupçonne le maire d'avoir dissimuler des bouteilles de champagne dans une voiture lui appartenant, pour échapper aux droits d'octroi perçus sur les vins. Se reconnaissant, Henry Barbet s'adresse au procureur du Roi de Rouen et motive sa plainte : « Tant que le journal publié en cette ville sous le titre «L'Indiscret» n'a fait que la censure de mes actes, de mes opinions, de mes votes comme maire ou comme député, je n'ai pas cru devoir recourir à la justice pour réprimer les imputations fausses et calomnieuses qui constituent habituellement le fonds des attaques de cette feuille contre moi. Mais aujourd'hui, c'est ma probité qu'on met en suspicion »278(*). Le maire met en relation un second article, du numéro 80, intitulé «De la nécessité de forcer les employés de l'octroi» : « On ajoute que cette voiture est arrivée dans la Cour d'un grand hôtel du boulevard voisin. Si j'avais l'honneur d'être maire, dit le rédacteur, j'ordonnerais que toutes les voitures de maire fussent visitées »279(*). Dans le même numéro, une nouvelle « indiscrétion » scandalise le maire et conseiller général Barbet : les bouteilles de champagne auraient été servies aux membres du Conseil général, lors de dîners organisés à Deville et sans droits d'entrée280(*). Considérant que ces imputations constituent une diffamation, le parquet se joint à la plainte du maire, qui se porte partie civile. * 274 Arrêt de la Cour des appels correctionnels du 13 novembre 1835, 2U 585. * 275 Jean-Pierre Chaline, Les bourgeois de Rouen, op. cit., p. 107. * 276 Ibid., p. 430. * 277 L'Indiscret, numéro 79, du 1er octobre 1835, 2U 585. * 278 Lettre du maire de Rouen, Henry Barbet, à M. le procureur du roi du tribunal civil de 1ère instance de Rouen, en date du 4 octobre 1835, 2U 585. * 279 Ibid. * 280 Ibid. |
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