WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)

( Télécharger le fichier original )
par Julien Vinuesa
Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2-1-3 : Le Conseil de discipline ou le ministère public converti en accusateur interne.

A-L'affaire D'Avannes et Avril : la traque des légitimistes infiltrés.

Quand un officier ministériel ou un magistrat commet une faute professionnelle, il peut être poursuivi devant la chambre de discipline. L'action disciplinaire, peut être aussi décidée contre celui qui s `est rendu coupable d'actes en contradiction avec la dignité ou l'honneur. Les 6 et 7 février 1833 est cité, devant la chambre du conseil, le vice-président du tribunal civil d'Evreux D'Avannes. Le premier avocat général Alfred Daviel (en présence également de l'avocat général Gesbert et du substitut Mary) prononce un réquisitoire et retient deux chefs d'inculpation contre D'Avannes : le premier reproche est que le fonctionnaire public, lié par le serment du 31 août 1830, a en tant que magistrat, participé à une souscription ouverte par la gazette de Normandie pour couvrir l'amende de son gérant Edouard Joseph Walsh (voir supra : deuxième affaire de la gazette de Normandie). Rendu coupable, par la Cour d'assises de la Seine-Inférieure, d'excitation à la haine et au mépris du gouvernement du roi, le gérant est condamné à six mois de prison et 5000 francs d'amende (voir supra). Le second chef d'inculpation est plus traditionnel : D'Avannes s'est emballé devant une assemblée du tribunal civil d'Evreux contre son chef de compagnie, après avoir été averti par ce dernier.

« Le procureur général conclut, pour le roi, à ce qu'il plaise à la Cour [...] ordonne que M. D'Avannes sera et demeurera suspendu, pendant six mois, de ses fonctions de vice-président du tribunal civil d'Evreux, avec privation de traitement et le condamner aux dépens »166(*).

La raison principale de l'accusation est une raison politique : ce qui est reproché à D'Avannes, ce sont ses attaches avec un journal d'opposition légitimiste qui a été poursuivi par le même membre du parquet, Alfred Daviel, le 19 novembre 1832. Il est singulier de voir que le procureur général Moyne n'intervient pas lui-même au conseil de discipline dans une affaire qui va pourtant occuper la Cour pendant une semaine. Alfred Daviel poursuit les légitimistes et le procureur général Moyne préfère s'en prendre aux républicains. Le partage des tâches est loin d'être un compromis mais plutôt un duel entre deux hommes sur le champ du ministère public avec pour armes, le droit de poursuites.

La décision de la Cour du 9 février 1833 précise que D'Avannes est un « affilié » de la gazette de Normandie, et qu'il a apporté sa souscription de 5 francs, après que soient publiées les listes de souscription déjà presque remplies. Si D'Avannes a souscrit, ce n'est « qu'à titre d'amitié et de bienfaisance, envers la partie condamnée »167(*). Cette souscription est un procédé qui n'est pas « admissible ». D'Avannes aurait « dû voir dans la souscription proposée, ce que tout le monde y a vu, l'oeuvre d'un parti qui protège ouvertement les actes de ses adhérents, tendant au renversement du trône et des lois constitutives de l'Etat »168(*). La Cour tempère cependant la peine requise par le premier avocat général : Alfred Daviel avait demandé la peine maximum : la suspension provisoire. Finalement, la Cour choisit une peine intermédiaire : la censure avec réprimande, c'est à dire la suspension d'un mois de traitement169(*) (aucune sanction n'a été retenue contre D'Avannes, quant au deuxième chef d'inculpation, au sujet des débordements au tribunal civil d'Evreux). Le 12 février 1833, la chasse aux sorcières continue : le juge suppléant au tribunal d'Evreux, M. Avril, est mis en cause par le doyen des présidents Eude pour les mêmes raisons que D'Avannes, sur un réquisitoire du parquet du 7 janvier 1833 (dont la paternité et le contenu ne sont pas vérifiables170(*)). La souscription pour le gérant de la gazette de Normandie est considérée comme « un acte évidemment conçu et exécuté dans la vue d'amortir l'effet des dites condamnations et de les détourner de leur but morale et politique »171(*). Mais le 22 février 1833, M. Avril échappe finalement à l'avertissement normalement prévu. Le président Eude ne lui adresse qu'une lettre de rappel.

Les comparutions de D'Avannes et Avril devant le conseil de discipline traduisent bien l'étendue des affaires de presse qui sont aussi des affaires politiques, impliquant les sensibilités d'opinion des magistrats. En 1835, l'événement disciplinaire concernant les avocats de Rouen revêt, elle aussi, une dimension politique républicaine cette fois mais avec une résonance nationale sans commune mesure.

* 166 Réquisitoire du premier avocat général Alfred Daviel du 7 février 1833, 2U 103.

* 167 Décision de la Cour du 9 février 1833, 2U 103.

* 168 Ibid.

* 169 Cf. Ibid. : Dispositions des articles 49 et 50 de la loi du 20 avril 1810 : l'article 49 prévoit que « Les présidents des cours impériales et des tribunaux de première instance avertiront d'office ou sur réquisitoire du ministère public, tout juge qui compromettra la dignité de son caractère » ; l'article 50 précise que le juge sera soumis à l'une des peines suivantes : la censure simple, la censure avec réprimande ou la suspension provisoire. La censure avec réprimande implique une privation de traitement d'un mois. Quant à la suspension provisoire, elle implique une privation de traitement pour la durée de la suspension : en l'occurrence, le parquet général aurait souhaité une privation de traitement de six mois.

* 170 Avertissement à M. Avril du 12 février 1833, 2U 103.

* 171 Ibid.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo