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Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)

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par Julien Vinuesa
Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004
  

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2-1 : Un rôle de surveillant dans les affaires internes.

2-1-1 : Impressions et annonces judiciaires : une vue du parquet sur les parutions judiciaires.

A l'image du ministre de la Justice chargé d'assurer, au plan national, la publication des lois, le procureur général de Rouen doit veiller pareillement à rendre compte des décisions et des communiqués judiciaires, pris à l'intérieur de son ressort.

En novembre 1831, le procureur général Thil est missionné par le garde des Sceaux pour superviser une étude de marché entre différents imprimeurs de Rouen : le but de l'opération est d'établir la concurrence entre les imprimeurs et ainsi de faire baisser les prix. Le procureur général fait insérer « dans trois journaux de la ville un avis qui invitait les imprimeurs qui seraient dans l'intention d'entreprendre ces impressions à faire leurs soumissions »152(*). Le procureur général, s'il représente la société, doit garantir la publicité des procès et des décisions judiciaires et les porter à la connaissance de la collectivité : par exemple, en matière pénale, les décisions des cours d'appel et d'assises entraînent parfois la publicité des peines, soit par la voie d'affiches collées dans tout le département, soit par la voie de presse, où les jugements sont insérés dans différents journaux locaux, voire nationaux pour les affaires importantes (voir supra : affaire Barbet). Le marché qu'ouvre la justice, pour l'impression, est vaste : il est à noter d'ailleurs que les discours de rentrée prononcés par les parquetiers généraux sont tous publiés par l'imprimeur de la Cour153(*). A la suite de la prospection dirigée par le procureur général Thil, la Cour décide de retenir l'imprimeur François Marie, ce dernier proposant des prix d'impression inférieurs d'un tiers sur son confrère Frédéric Baudry. La sélection de l'imprimeur Marie n'est pas qu'un choix économique, mais est surtout un choix politique : Frédéric Baudry, « notable maçonnique »154(*), est écarté car il est l'imprimeur du journal de gauche, le Journal de Rouen alors que François Marie est, selon Jean-Pierre Chaline, un imprimeur de droite155(*). Dans son intérêt et dans celui de la continuité de la Justice, la Cour préfère privilégier un conservateur, favorable aux idées du gouvernement, plutôt que cautionner les activités d'un opposant politique.

En 1841, un autre procureur général, Jacques-André Mesnard, va s'attirer les foudres du Journal de Rouen156(*) : le procureur général demande l'application de la loi du 2 juin 1841 qui institue que dorénavant doit être désigné qu'un seul journal par arrondissement pour rendre compte des annonces judiciaires157(*). Les annonces des procès, les comptes rendus des affaires judiciaires, les mises en vente ou en location et, en général, les nouvelles du monde judiciaire (voir infra l'affaire Aroux et Tranchard) occupent une part non négligeable dans les colonnes des journaux, prouvant que nombreux sont les lecteurs intéressés par ce genre d'informations. La suppression des annonces judiciaires signifie pour le Journal de Rouen une fuite possible d'une partie du lectorat vers le journal officiel pour les annonces judiciaires : Le Mémorial de Rouen journal gouvernemental « patronné » par le maire de Rouen Henry Barbet158(*). Pour le Journal de Rouen, l'affaire des annonces judiciaires est « un coup d'état politique »159(*).

Le droit de regard s'exerce jusque dans les rayons de la librairie de la Cour où les parquetiers-bibliothécaires continuent de contrôler les lectures du personnel judiciaire.

* 152 Délibération du 19 décembre 1831, concernant les impressions judiciaires, 2U 103.

* 153 Voir annexe 8.

* 154 Jean-Pierre Chaline, Les bourgeois de Rouen, Une élite urbaine au XIXe siècle, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1982, p. 264.

* 155 Ibid., p. 341.

* 156 Le procureur général Mesnard n'en est pas à son coup d'essai avec le Journal de Rouen. En 1836, il fait condamner son gérant à deux ans de prison et 3300 francs (voir supra : les déboires du Journal de Rouen)

* 157 Délibération du 21 juin 1841, relatif à la loi du 2 juin 1841 et aux annonces judiciaires, 2U 104.

* 158 Jean-Pierre Chaline, Les Bourgeois de Rouen, op. cit., p. 341.

* 159 Journal de Rouen, numéro 311, du dimanche 7 novembre 1841.

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