Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)( Télécharger le fichier original )par Julien Vinuesa Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004 |
C-Une représentation supérieure et idéale de la Justice.En 1843, l'avocat général Blanche commence par cet exorde solennel : « Messieurs, la Justice est le besoin le plus impérieux de l'Humanité »119(*). Pour Blanche, la justice « protège et resserre les saintes affections de la famille, organise la propriété, assure l'inviolabilité des transactions [...]. C'est elle enfin qui, sage et modératrice, élève la barrière de la loi entre les émotions populaires et les envahissements du pouvoir ». S'il est une chose dont les magistrats sont farouchement jaloux, c'est bien leur indépendance vis-à-vis de l'exécutif. En 1830, Alfred Daviel insiste longuement sur cette nécessité d'indépendance : « L'indépendance est une qualité de l'âme que la loi ne communique pas : elle vient de plus haut et réside dans un sanctuaire inviolable. L'homme sûr de sa conscience aime à suivre la voie du devoir à ses risques et périls ». Plus loin, Daviel rend hommage, sans le nommer, au ministre de la Justice, Dupont de l'Eure, dont la seule présence est une garantie de liberté et d'impartialité pour la magistrature : « il a connu tout le prix de l'indépendance, il saura respecter l'indépendance des magistrats, ses subordonnés ; et désormais nos devoirs seront faciles ». Une fois l'indépendance garantie, il reste aux magistrats d'être à la hauteur de leur devoir, voire de leur mission : le procureur général Frédéric Salveton, en 1844, attribue aux magistrats, et notamment ceux du ministère public, une dimension divine. A la fin de son discours intitulé les dangers de l'indifférence120(*), Salveton prononce un véritable sermon qui compare la fonction des parquetiers à un quasi-sacerdoce. Les membres du ministère public sont, en quelque sorte, les ministres du culte judiciaire : « Sachons donc, Messieurs, honorer notre ministère autrement que par des paroles, en accomplissant tous les actes dont il se compose avec cette énergie de volonté qui se puise aux sources de l'amour et de la foi, et que l'indifférence tue. Aimons nos graves et saintes occupations ; aimons-les à cause d'elles-mêmes, à cause du bien qu'elles répandent, à cause de la justice qui triomphe par elles »121(*). Se référant à l'Ancien Testament et aux paroles de Moïse, le sermonnaire Salveton considère que les magistrats dispensent la justice de Dieu : « Rien n'est changé de nos jours, Messieurs, excepté la forme. Si un goût plus délicat ne permet plus de vous dire, en style biblique, que vous êtes les dieux de la terre, la justice n'en est pas moins restée pour tous un bienfait céleste dont vous êtes ici-bas les uniques dispensateurs »122(*). Le procureur général Salveton, en faisant une comparaison aussi flatteuse, responsabilise d'autant plus les magistrats dans leur mission. Les magistrats doivent être juste et en aucun cas laisser triompher l'injustice : « un mot de lui peut changer toute une existence et porter au sein d'une famille ou le bonheur ou la désolation ! »123(*). Sur les épaules du magistrat repose donc un poids considérable. Le magistrat doit être tout entier à remplir sa tâche et ne saurait être partial. * 119 Antoine-Georges Blanche, Discours prononcé par M. Blanche, avocat général, à l'audience solennelle de rentrée de la Cour royale de Rouen, le 6 novembre 1843, Rouen, Impr. de F. Marie, n. d., 15 p. * 120 Cf. Frédéric Salveton, Discours prononcé par M. Salveton, procureur général du Roi, à l'audience solennelle de rentrée de la cour royale de Rouen, le 6 novembre 1844, Rouen, Impr. F. Marie, n. d., 16 p. * 121 Ibid. * 122 Ibid. * 123 Ibid. |
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