Le parquet général de Rouen sous la monarchie de Juillet (1830-1848)( Télécharger le fichier original )par Julien Vinuesa Université de Rouen - Maîtrise d'histoire 2004 |
B-Originalité et utilité du discours.Certains magistrats vont pourtant innover et introduire des thèmes originaux : par exemple, en 1840, le premier avocat général Gustave Rouland démontre le grand intérêt de la philosophie et de l'histoire dans le travail de la magistrature111(*) ; l'avocat général Chassan, en 1846, introduit le thème de la poésie dans les lois. A ce propos, Elisabeth Ancenay-Chavoutier écrit : « [l'avocat général Chassan] rappelle l'ancienne tradition hellénique représentant Apollon, le dieu de la poésie, comme le premier législateur qui publiait ses lois au son de la cithare, le statut des Egyptiens qui avaient reçu leurs lois de la déesse Isis sous forme de poèmes, les poètes du Moyen-Age qui avaient chanté et conservé le droit de leur époque avant que les légistes n'aient songé à l'écrire. Selon l'orateur, les maximes juridiques qui tiennent une grande place dans la pratique du palais, sont rédigées avec la cadence ou la mesure syllabique, avec la rime ou l'assonance »112(*). Mais derrière l'exposé savant, les discours de rentrée sont d'un contenu très riche car ils révèlent, selon Jean-Claude Farcy, « les conceptions idéologiques, le système de représentation de la magistrature quant à la pratique de son métier, à sa place dans l'appareil d'Etat et à sa position sociale »113(*). De plus, en renouant avec la tradition du discours de rentrée, l'exécutif place les membres du parquet en propagandistes de l'action gouvernementale. La place que les procureurs et avocats généraux occupent, est un promontoire de premier ordre pour élever la parole gouvernementale en une règle instituée et un fondement à défendre. L'affirmation et la publicité des positions officielles sur des sujets politiques sont aussi un moyen efficace de contrecarrer les forces politiques opposantes. Sur dix-sept discours recensés (voir annexe 8) par Jean-Claude Farcy pour la période de la monarchie de Juillet, nous avons retrouvé onze discours (dix discours de rentrée et le discours d'installation du procureur général Thil en 1830, qui est le premier grand discours de rentrée, depuis la Révolution de Juillet (voir annexe 9)), insérés soit dans les dossiers de presse de la Bibliothèque Municipale de Rouen, soit dans les numéros du Journal de Rouen. De leurs lectures, deux axes, regroupant plusieurs thèmes, apparaissent : * 111 Cf. Journal de Rouen, du mercredi 4 novembre 1840. Voir Annexe 6. * 112 Cf. Article d'Elisabeth Ancenay-Chavoutier (avocat au barreau de Rouen), in Nicolas Plantrou (dir.), op. cit., p. 381. * 113 Cf. Jean-Claude Farcy, Magistrats en majesté, op. cit., p. 11. |
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