Les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale( Télécharger le fichier original )par Christian Engo Assoumou Université Yaoundé II - Soa - D E A 2008 |
C- L'interdiction du cumul de l'instruction et du jugementLe code de procédure pénale n'interdit pas expressément le cumul de fonctions d'instruction et de jugement. Mais il traite séparément de ces deux fonctions. C'est la loi du 29 décembre 2006 sur l'organisation judiciaire qui vient combler cette lacune. Selon l'article 24 de ladite loi, « le Juge d'Instruction ne peut participer au jugement des affaires dont il a eu à connaître à l'information judiciaire ». En effet, la nature ambivalente (I) des missions du Juge d'Instruction permet de relativiser cette prohibition. De même, la procédure pénale mettant en cause le mineur suscite des interrogations (II). I- Nature ambivalente des missions du Juge d'InstructionLa séparation de l'instruction du jugement peut être source de difficultés dues principalement à l'ambivalence des missions du Juge d'Instruction. Malgré l'interdiction de l'article 24 de la loi du 29 décembre, il convient de distinguer les actes du Juge d'Instruction inoffensifs de pré-jugement c'est à dire qui ne l'empêchent pas de participer au jugement et ceux des actes qui sont des obstacles au jugement. Comme missions inoffensives de pré-jugement, on peut citer des actes purement matériels et les actes d'administration judiciaire qui, lorsqu'ils sont accomplis par le Juge d'Instruction ne constituent pas un obstacle pour que ce dernier participe au jugement. C'est le cas de la demande de renseignements adressée au commissaire de police relatif à l'état de santé d'un témoin qui devrait être entendu au cours de l'instruction préparatoire. Il en est de même de la remise à l'expert des pièces à conviction et la réception de leurs serments, le tout, en exécution d'une commission rogatoire (articles 191 et sq Cpp). C'est aussi le cas de la demande de casier judiciaire, l'acte de désignation du Juge d'Instruction.53(*) Au total, ces types d'actes laissent leur auteur dans l'ignorance complète du dossier, raison pour laquelle la jurisprudence admet qu'un Juge d'Instruction ayant accompli de tels actes puisse participer au jugement de l'affaire.54(*) Par contre, il existe des actes accomplis par le Juge d'Instruction qui constituent des obstacles au jugement .Ces actes sont dits source de pré-jugement exclusif de partialité. Madame JOSSERAND classe ces actes en deux catégories : il s'agit des actes d'instruction et les actes de juridiction. . En France par exemple, l'art 49 al 2 du CPP dispose que "le Juge d'Instruction ne peut participer au jugement des affaires pénales dont il a connu en sa qualité de Juge d'Instruction". Il en est de même de l'art 253 du même code qui énonce que "les magistrats qui, dans la même affaire soumise à la Cour d'Assise ont fait acte d'instruction" ne peuvent pas faire partie de la juridiction criminelle. Il ressort que tout acte d'instruction, en dehors des actes qui ne préjudicient pas au fond de l'affaire55(*) constitue, pour le Juge d'Instruction qui l'a posé un obstacle pour connaître de la suite de la procédure. L'acte d'instruction n'est pas défini par la loi, mais il a pour objet de constater l'infraction, d'en découvrir ou d'en connaître les auteurs. Tout acte d'instruction est incompatible avec la mission de jugement car, il implique l'examen préalable au fond. Ce qui fait qu'un acte d'instruction est de nature à initier le magistrat à la connaissance des faits incriminés. En tout état de cause, l'impartialité objective condamne le cumul de fonctions d'instruction et de jugement. Car, le juge dans la phase de l'instruction se fait une idée arrêtée sur la culpabilité et n'offre plus les garanties d'impartialité requise. Par contre la jurisprudence de la CEDH semble admettre dans l'affaire DE CUBBER la participation du Juge d'Instruction qui n'a connu que d'un seul ou de quelques actes d'instruction dans la phase de jugement56(*). Nous ne partageons pas ce point de vu pour deux principales raisons : premièrement, là où la loi ne distingue, il ne faut pas distinguer. Ainsi, l'art 24 relatif à l'organisation judiciaire ne distingue pas que l'acte d'instruction ait été accomplit entièrement pas le Juge d'Instruction ou non. Deuxièmement, à la suite du professeur PRADEL nous pensons que tout acte d'instruction est incompatible avec la mission du jugement. Car, il implique l'examen préalable du fond57(*). En clair, il ne s'agit pas de faire une différence entre investigation approfondie et investigation moins approfondie il s'agit plutôt d'une question de principe , car dès que le magistrat a investigué, il ne peut plus participer au jugement. Quant aux actes de juridiction, le Juge d'Instruction est en effet non seulement un enquêteur qui instruit à charge et à décharge, mais aussi un juge. Au fur et à mesure de l'avancée des investigations, il prend des ordonnances qui, susceptibles d'appel sont destinées à attacher des conséquences juridictionnelles au contenu du dossier. Il peut ainsi décider de la liberté du mis en examen et du règlement de l'information. Selon l'art 222 al 1er, le Juge d'Instruction peut, à tout moment jusqu'à la clôture de l'information judiciaire (art 256 CPP) d'office, donner main levée du mandat de détention provisoire58(*). Au total, on se rend compte que l'incompatibilité de l'instruction et du jugement non seulement n'est pas aisée, mais en plus n'est pas absolue. Il faut opérer une distinction selon la nature de l'acte accomplis par le Juge d'Instruction. S'il s'agit d'un acte matériel ou d'administration judiciaire, le Juge d'Instruction peut encore participer au jugement de la même affaire. Mais s'il s'agit d'un acte de juridiction ou d'instruction, il doit être disqualifié dans la suite de la procédure. Qu'en est-il à présent de la procédure mettant en cause le mineur ? * 53 BRETAUDEAU (PH), "La désignation du Juge d'Instruction", Les petites affiches n°97 et 98, 1ère, 2ème, 3ème partie 14 août 1992 Passim * 54 crim. 16 juin 1989 Bull. 274 * 55 - Voir notamment CEDH Bulut contre Autriche art 22 février 1996 RSC 1997 P473 ; CEDH Fey contre Autriche 24 février 1993, voir sur l'ensemble de la question relative à la jurisprudence européenne des droits de l'homme Berger (V), Jurisprudence européenne des droits de l'homme, Sirey, 5e ed 1996 P160 * 56 - Crim, 7 Janvier et 6 Novembre 1986. D 1987, P237 notes PRADEL * 57 - Crim, 7 janvier et 6 novembre 1986 op cit à 56 * 58 -Pour les ordonnances rendues par le Juge d'Instruction, voir YAWAGA op. cit. P19 et sq. voir également NDJERE (E), Du Juge d'Instruction au Juge d'Instruction PUCAC, 2006 Passim |
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