Les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale( Télécharger le fichier original )par Christian Engo Assoumou Université Yaoundé II - Soa - D E A 2008 |
II- Le renvoi pour cause de sûreté publique, garantie de l'ordre public46* La finalité principale de ce renvoi est la garantie de l'ordre public, de la tranquillité et de la stabilité. Il est évident qu'à elle seule, la notion de sûreté publique exprime la finalité visée par le législateur. C'est pour cette raison que seul le Ministère Public est habilité à demander ce type de renvoi. En effet selon l'al 2 de l'art 604 CPP "seul le Ministère Public peut invoquer les nécessités de l'ordre public". 47* En ce qui concerne l'historique du Ministère Public, il est une institution française définit par l'ancien conseiller à la cour de cassation Francisque GOYET comme "une magistrature spéciale établie auprès de certaines juridictions à l'effet de représenter la société et, en son nom, de faire observer dans le jugement à rendre les lois qui intéressent l'ordre général, de faire exécuter les jugements rendus et d'exercer l'action publique177(*). Dès lors, le renvoi pour cause de sûreté publique est prioritairement effectué à des fins de maintien de l'ordre dans la cité. En France par exemple, la chambre criminelle, dans une jurisprudence très ancienne a eu à ordonner le renvoi pour cause de sûreté publique parce que le jugement de l'affaire dans la région de la commission de l'infraction était de nature à provoquer de nouvelles scènes de désordre portant atteinte à la paix publique178(*). Il est évident que la Cour Suprême abordera dans le même sens si elle est appelé a se prononcer sur une requête de renvoi pour cause de sûreté publique comprennent tous les faits qui menacent l'indépendance de la juridiction saisie ou l'ordre et la tranquillité de la cité. En tout état de cause, au-delà de leur spécificités, les renvois pour suspicion légitime et pour sûreté publique ont une valeur commune bien qu'elle soit perceptible à des degrés différents : il s'agit de garantir une décision indépendante et impartiale. B- La garantie de l'impartialité de la décision, but commun visé par les renvois48* La garantie d'impartialité de la décision est la finalité du le renvoi pour suspicion légitime alors qu'elle est une garantie secondaire dans le renvoi pour cause de sûreté publique. Selon madame JOSSERAND, le renvoi pour cause de sûreté a pour principale finalité la persévération de la paix et de la sécurité dans la cité179(*). Plusieurs arguments permettent de soutenir cette position. D'abord, la dénomination de la sûreté publique exprime la priorité du renvoi. Car le législateur a prévu cette procédure particulière toutes les fois que l'ambiance géo judiciaire n'est pas idoine à la bonne administration de la justice. C'est dans ce sens que la haute juridiction française180(*) a, dans une espèce admis la crainte de scènes de désordre à l'occasion du jugement d'un meurtre qui, commis au cours d'une réunion électorale, avait suscité en ville une vive effervescence. Ce fut également le cas en 1988, où elle avait dessaisi la juridiction normalement compétente du jugement de crimes de rébellion, assassinat et séquestration commis lors d'une émeute en Nouvelle Calédonie. 49* D'autre part, le fait de réserver une compétence exclusive au Ministère Public dans ce domaine témoigne davantage la finalité première assignée à ce renvoi. En effet, le Ministère Public représente les intérêts de la société et est également mieux placé pour apprécier si l'ordre public est mis en cause. Certains auteurs relèvent de façon pertinente le rôle du Ministère Public. il est chargé de deux missions principales : d'une part, sur le plan général, l'application de la politique criminelle menée par le gouvernement et d'autre part sur le plan des affaires elles-mêmes, la direction de la police judiciaire lors de l'enquête et la conduite de l'action publique181(*). Toutefois, ce serait une erreur de penser que l'ordre public est la seule finalité que vise le renvoi pour cause de sûreté publique. En effet, aucune décision ne peut être prise de façon objective quand des troubles agitent une localité. Les juges chargés de rendre justice selon la loi et leur intime conviction seront sous la pression des différents camps en conflit. Pour ce faire, ils hésiteront de trancher en défaveur du camp majoritaire bien que tous les éléments à charge permettent de prononcer leur culpabilité. Il y aura donc un procès bâclé teinté aux couleurs du plan fort afin d'apaiser les passions. Il ressort que dans un tel contexte, certes le renvoi aura pour but d'assurer l'ordre et la sécurité mais la finalité cachée ou lointaine est le souci pour le législateur de permettre que la justice soit rendue de façon indépendante et impartiale. C'est à cette finalité cachée ou lointaine que le renvoi pour cause de sûreté publique a des liens communs avec le renvoi pour cause de suspicion légitime. Toutefois, il faut remarquer que la jurisprudence assimile parfois le renvoi pour sûreté publique au privilège de juridiction dans la jurisprudence Camerounaise. Ce fut le cas de l'arrêt du 12 février 1976 où la Cour Suprême ordonna le renvoi pour cause de sûreté publique parce que les parties en cause étaient des hauts responsables. Avec la venue du code de procédure pénale, la haute juridiction se basera certainement sur le privilège de juridiction pour ordonner de tels renvois182(*). En tout état de cause, au-delà des spécificités inhérentes à chaque renvoi, il ressort que la valeur commune à tous est de garantir une décision impartiale c'est certainement à ce titre qu'un auteur estime que "le dessaisissement d'une juridiction s'avère nécessaire lorsque l'indépendance ou l'impartialité des magistrats qui la composent est gravement menacée". La loi a ainsi prévu à titre principal deux hypothèses de renvoi fondés sur la notion d'indépendance des juges183(*). Au-delà de la nature ambivalente des deux types de renvoi qui visent par ailleurs un même but, il faut noter que cette procédure particulière consacrée par le code de procédure pénale prévient contre tout risque de pré- jugement. * 177 - GOYET (F), Le Ministère Public en matière civile et répressive et l'exercice de l'action publique, Paris 3e ed 1953 passim * 178 - Crim 6 Décembre 1907 BULL 491 et Crim 14 Octobre 1851 Bull 459 cités par JOSSERAND op cit P120 * 179 - JOSSERAND op cit P119 * 180 - Crim 6 Décembre 1907 et un autre arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation en 1979 cité par JOSSERAND * 181 - PRADEL (J) et LABORDE (J.P), "Du Ministère Public en matière pénale a l'heure d'une éventuelle autonomie ?" in, Recueil DALLOZ 1997, 19e cahier chronique P142 * 182 - Pour le privilège de juridiction voir articles 629 à 634 CPP. Il y a lieu de noter qu'en France le privilège de juridiction a disparu au profit du renvoi pour bonne administration de la justice. Car, le privilège de juridiction entraînait une inégalité entre les citoyens devant la loi voir ROETS (D), Impartialité et justice pénale, Paris éd Cujas 1997 P234 * 183 - NERAC (PH), "les garanties d'impartialité du juge répressif" in, JCP 1978, 2890 |
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