Les garanties d'impartialité du juge dans le code de procédure pénale( Télécharger le fichier original )par Christian Engo Assoumou Université Yaoundé II - Soa - D E A 2008 |
II- La différence d'objet20* L'objet de chacune des trois phases de la procédure pénale peut également justifier la séparation des fonctions en général et plus précisément la possibilité de réorientation de la précédente phase en vue de minimiser le risque de partialité. En effet, la finalité inhérente à chaque phase permet de comprendre le mécanisme de réorientation. La poursuite a pour but la défense des intérêts de la société et dans le soutien de l'accusation. Cette phase permet de trouver des éléments suffisants pour renvoyer le suspect devant le Juge d'Instruction. L'enquête est donc menée à sens unique, celui de chercher des charges contre le suspect. C'est pourquoi, cette phase se manifeste par d'énormes abus sur les libertés individuelles notamment la violation de la présomption d'innocence89(*). Cependant, la finalité dans la phase d'instruction permet de corriger les erreurs enregistrées dans la phase de poursuites. C'est pourquoi le Juge d'Instruction instruit à charge et à décharge en évaluant si les éléments à charge réunis au dossier par le Procureur de la République sont suffisants pour justifier la continuation du procès. Dès lors, contrairement au Procureur de la république. Le jugement enfin a pour finalité non seulement de trancher le débat mais avant cela d'apprécier les indices et les charges qui pèsent sur l'accusé dans l'optique de voir si ces charges constituent des preuves de culpabilité. Pour ce faire, le Juge pèse chaque pièce de la procédure pour déterminer le camp de la vérité. Au total, l'on se rend compte que la nature inhérente à chaque phase du procès pénal ainsi que leur objet sont différents. Ce qui permet une réorientation de la procédure. C'est donc de cette réorientation de la procédure engagée dans la phase précédente que l'on aboutira à la correction des erreurs ayant entaché l'étape précédente. B- La réorientation de la procédure, instrument de correction de la phase précédenteNous matérialiserons la réorientation comme instrument de correction à travers l'enquête et l'instruction (I) d'une part et l'instruction puis le jugement d'autre part (II). I- De l'enquête à l'instruction21* Le passage d'une phase à une autre de la procédure pénale offre la possibilité au magistrat intervenant dans la phase suivante de donner une nouvelle orientation à l'affaire en corrigeant les éventuels "dérapages" enregistrés dans la précédente étape. C'est pour cette raison que la loi prohibe l'intervention dans plusieurs phases d'un magistrat ayant changé de statut durant la procédure. Ces incompatibilités sont des garanties de l'impartialité de la décision à intervenir. De l'enquête à l'instruction, il est interdit au Procureur de la République de connaître des deux fonctions. En effet, sa qualité de parti pris à l'instance justifie son exclusion (voir Supra). Dans la phase de poursuites, le Procureur recherche les éléments qui peuvent justifier la commission de l'infraction par la personne suspectée. Au terme de la phase de poursuite ayant été menée à sens unique, le Ministère Public peut décider de classer l'affaire sans suite, il peut également décider de la poursuite du suspect lorsqu'il a réussi à retenir contre lui des indices suffisants susceptibles de justifier la poursuite de la procédure (art 141 CPP). Cependant, le pouvoir de qualification dont jouit le Juge d'Instruction dans la phase d'instruction est un élément déterminant permettant de corriger et de réorienter la phase de poursuite. En effet, si le Juge d'Instruction n'estime pas devoir procéder aux actes requis par le Procureur de la République, il doit rendre une ordonnance motivée appelée ordonnance de refus de plus ample informé et notification en est faite au Procureur de la République dans les vingt quatre heures (art 145 al 4).Dans la même logique de correction et de réorientation il est reconnu au Juge d'Instruction le pouvoir de mener des investigations à charge et à décharge c'est-à-dire de s'efforcer à tenir la balance au milieu en cherchant autant les éléments favorables à l'inculpé que ceux qui permettent de le disculper90(*). De même, la qualification donnée aux faits lors de l'enquête de police ne lie pas le Juge d'Instruction91(*). Il en est de même s'il décide à une inculpation complémentaire, il peut modifier l'inculpation92(*). Le but de la réorientation de la procédure et par conséquent de la phase précédente ne serait pas atteint si un couple de magistrats intervenait dans les deux phases c'est-à-dire l'un comme Procureur de la République et l'autre comme Juge d'Instruction. Le code de procédure pénale n'a malheureusement pas prévu une telle hypothèse,. Par contre, le législateur français dans son code de l'organisation judiciaire justifie une telle interdiction par une trop grande proximité entre le Juge d'Instruction et le Procureur dans une affaire donnée93(*). La réorientation de la procédure comme instrument de correction de la phase précédente est également perceptible dans le passage de la phase d'instruction à celle du jugement. * 89 - voir NGONO (S) "La présomption d'innocence" in, Revue africaine des sciences juridiques vol 2, n°2, 2001 P151 * 90 - art 151 al 2 : "les investigations du Juge d'Instruction doivent tendre à la recherche de tous les éléments favorables ou défavorables à l'inculpé" * 91 - art 168 CPP * 92 - art 169 CPP * 93 - Selon l'art 721-1 du code de l'organisation judiciaire, "... en aucun cas(...)des conjoins magistratst (...) ne peuvent exercer dans une même cause..." |
|