La protection du preneur dans un contrat de location-gérance( Télécharger le fichier original )par Gervais MUBERANKIKO G. Université d'Abomey-Calavi (Bénin) - Maitrîse en Droit privé 2004 |
LA PROTECTION DU PRENEUR TENANT AUX CONDITIONSPARTICULIÈRES AU CONTRAT DE LOCATION-GÉRANCELe contrat de location-gérance met en présence, le bailleur et le preneur (le locataire-gérant). En plus, ce contrat demande le consensus entre les deux parties et l'existence d'un fonds de commerce qui existait avant la conclusion de ce contrat. La location-gérance en tant que contrat, sa formation doit répondre aux conditions de validité de droit commun, aussi bien qu'à celles qui lui sont particulières. L'appréciation de la protection du preneur tenant aux conditions particulières exige qu'on examine d'un côté, les conditions de location-gérance pour le bailleur et ses dispenses (section 1) et de l'autre côté, les conditions de location-gérance pour le locataire-gérant et la forme de ce contrat (section 2). Section I: Les conditions de location-gérance pour le bailleur et ses dispensesDans cette section, nous allons examiner la protection du preneur par rapport aux conditions exigées au bailleur (paragraphe 1) ainsi qu'aux dispenses à ces conditions.(paragraphe 2) Paragraphe 1: Les conditions exigées au bailleur lors de la formation du contrat de location-gérance.Dans le but d'éviter les locations de fonds de commerce par les spéculateurs qui achètent pour louer sans exploiter eux- mêmes, la loi a exigé au bailleur certaines conditions. C'est l'Art.109 de l'Acte Uniforme portant droit commercial général qui constitue le siège de la question. Il dispose que: «les personnes physiques ou morales qui concèdent une location-gérance doivent: - avoir été commerçant pendant deux années ou avoir exercé pendant une durée équivalente des fonctions de gérant ou de directeur commercial ou technique d'une société. - Avoir exploité, pendant une année au moins en qualité de commerçant, le fonds mis en gérance. Toute fois, ne peuvent consentir une location-gérance les personnes interdites ou déchues de l'exercice d'une profession commerciale ». Le principe est donc qu'il y a deux conditions d'antériorité qui pèsent sur le bailleur (A) et la condition de moralité (B). A- Les deux conditions d'antériorité.Comme protection du locataire-gérant, deux conditions d'antériorité doivent être réalisées en la personne du loueur, pour empêcher la location-gérance de fonds crées artificiellement. Le bailleur, avant de mettre son fonds de commerce en location-gérance, doit respecter une double condition de délai. L'Acte Uniforme portant droit commercial général impose les deux conditions dont l'une exige l'activité professionnelle et l'autre l'exploitation personnelle préalable36(*). Selon ce texte, d'abord le bailleur doit avoir été commerçant pendant deux années ou avoir exercé pendant une durée équivalente des fonctions de gérant ou de directeur commercial ou technique d'une société. A titre de rappel, la loi du 20 mars 1956 relative à la location-gérance de fonds de commerce et des établissements artisanaux qui était applicable avant l'entrée en vigueur de l'Acte Uniforme portant droit commercial, exigeait 7ans37(*) . Quant aux bailleurs personnes morales, ils doivent aussi avoir exercé une activité commerciale pendant 7ans. Cette exigence exclut alors les associations38(*). Ensuite, pour protéger le locataire contre un spéculateur qui achète pour louer sans exploiter lui-même, le bailleur doit avoir exploité, pendant une année au moins en qualité de commerçant, le fonds mis en gérance. Pour cette loi du 20 mars 1956, c'est 2 ans. Le juge a décidé que, en cas de transfert du fonds, l'exploitation de 2 ans n'est pas exigée, dès lors que ce transfert n'a pas eu pour effet de créer une nouvelle clientèle39(*) . Enfin, quelques jours plus tard la Cour de cassation française accepte que ces deux années ne soient pas immédiatement antérieures à la mise en location-gérance40(*). Lorsque deux époux sont copropriétaires du fonds, les conditions visées en haut (être commerçant pendant deux ans et avoir exploité pendant un) an, ces conditions doivent être remplies par chacun des deux époux41(*). Cette décision paraît sévère. Le nouveau droit français a fait une extension au conjoint attributaire du fonds de commerce de la faculté de mise en location-gérance sans être soumis à l'art. L. 144-3 du code de commerce42(*). Cette décision est favorable aussi au preneur qui veut exploiter un fonds de commerce. Les tribunaux ont décidé que lorsque c'est le gérant lui-même qui concède une location-gérance à un tiers, cette condition s'apprécie dans la personne du gérant et non du propriétaire du fonds. Pour protéger le preneur, la preuve de ces conditions pèse sur le bailleur en toute hypothèse, même si c'est le preneur qui invoque le non-respect des conditions d'antériorité comme l'a affirmé la Cour de cassation française43(*).Les deux conditions sont sanctionnées de deux manières : Premièrement, il y a la nullité absolue du contrat de location-gérance avec la seule restriction, l'interdiction de l'invoquer lorsque les intérêts des tiers sont en cause. Il avait été admis que la nullité qui pourrait résulter d'une durée d'exploitation personnelle insuffisante peut être invoquée par le gérant libre, mais non, par le propriétaire du fond44(*). Un peu plus tard, cette décision a été contestée, et le juge a décidé que cette nullité est absolue et peut être invoquée aussi par le bailleur, la seule restriction étant l'interdiction d'invoquer cette nullité lorsque les intérêts des tiers sont en cause 45(*). Deuxièmement, la déchéance de la propriété commerciale pour le loueur, comme conséquence de la nullité. Dans ce cas le bailleur perd non seulement le droit au renouvellement du bail commercial mais aussi le bénéfice des autres dispositions du status. En effet, La déchéance peut être invoquée tant que le bail renouvelé n'a pas été définitivement conclu ou l'indemnité d'éviction versée46(*). Au contraire, le droit français a supprimé l'exigence des sept années d'activités professionnelles accomplies par le bailleur antérieurement à la mise en location-gérance du fonds de commerce. L'exploitation du fonds de deux années est la seule condition de fond spécifique du côté du bailleur pour la conclusion de la location-gérance47(*). En plus de deux conditions d'antériorité, il faut aussi une condition de moralité. * 36 Cf.Art.109 al.1 Acte Uniforme portant droit commercial général * 37 Cf. Art.4.loi du 20 mars 1956 en France, relative à la location-gérance des fonds de commerce et des établissements artisanaux * 38 Cass. Com. 1èr mars 1994, Rév. Sociétés, 1995, P..50, notes Y. Guyon * 39 Cass.civ. 15 juin 1994, RTDA, 1994.805 NB: Avant l'entrée en vigueur de l'Acte Uniforme portant droit commercial général, la location-gérance était réglementée dans 3 Etats de l'espace OHADA à savoir,: Côte d'ivoire, Mali et Sénégal. * 40 Cass.com.7 février 1995, D.1995, p.195, notes M-F Coutant * 41 Cass.com.9 juin 1992, BRDA ,1992/15-16, p.18 * 42 Ord. 2004-274,25 mars 2004 portant simplification du droit des formalités des entreprises J.O 27 Mars 2004 p. 5871: RTD.com, Avril/juin 2004, n°, P.245 * 43 Cass.com.18 avril 2000, JCP, éd. 2000, P.1865 * 44 T.com.grenoble ,14 mars 1960, D.1962 .363 * 45 C.A Aix 28 sept. 1962, Gaz.pal. 1962 .3 .312 * 46 Cass.com.30 juin 1992, RTD.com. 1992.787 * 47 Ord. N°2004-274, 25mars 2004 portant simplification du droit des formalités des entreprises J.O.27 mars 2004 p.5871:RTD.com Avril /juin 2004 n°4 p.245 |
|