Les contres mesures en droit international public( Télécharger le fichier original )par Hassani MOHAMED HASSANI Universite Cheikh Anta DIOP de Dakar - Maitrise de Droit Public 2006 |
Les Etats, gendarmes du droit internationalLes contre-mesures ne dénaturent pas le droit international public. Au contraire, elles sont la manifestation de la volonté des Etats à vouloir le renforcer en veillant à leur respect. En permettant à ceux-ci de recourir à des contre-mesures pour demander la cessation d'un fait illicite, ou pour obtenir la réparation d'un dommage qui pourrait résultait d'un tel fait, le droit international permet aux Etats de veiller au respect du droit international. Ils sont devenus ainsi leurs propres gendarmes, les gendarmes du droit international. Les Etats se contrôlent mutuellement et, par le biais des contre-mesures, chaque d'eux oblige l'autre à respecter ses obligations internationales, quoiqu'elles découlent d'une convention bilatérale, multilatérale, ou du droit international général. Ceci se manifeste à travers plusieurs caractéristiques des contre-mesures dont, principalement, leur fonction (Paragraphe 1) mais aussi leurs finalités c'est-à-dire le but de leur emploi (Paragraphe 2). Paragraphe 1Les fonctions des contre-mesuresIci, on se pose une question essentielle. Que peut faire un Etat contre un autre qui lèse ses intérêts en contrevenant à ses obligations internationales ? Cet Etat peut prendre des contre-mesures contre le premier. Les contre-mesures ont deux principales fonctions importantes. Elles visent d'abord à faire cesser l'acte illicite (A) et obliger l'autre Etat à réparer le dommage qui pourrait résulter d'un tel acte (B). A- Obliger un Etat à cesser un fait illicite ou licite mais dommageable
La principale fonction des contre-mesures est de demander la cessation d'un acte illicite. Elles obligent un Etat à respecter ses obligations conventionnelles ou celles découlant du droit international général. Face aux actes et faits d'un Etat qui méconnaît une obligation découlant d'une convention entre deux Etats, l'autre Etat décide des contre-mesures pour obliger l'Etat défaillant à revenir à la légalité. Le but est de l'obliger à cesser l'acte illicite qu'il est entrain de commettre((*)1). Le fait illicite peut découler d'une série d'actions ou d'omissions de l'Etat((*)2). Des contre-mesures peuvent également être décidées contre des décisions ou des actes qui ne sont pas forcément illicites au regard du droit international mais préjudiciables à l'un de ses sujets. C'est le cas des mesures dites dommageables. Par exemple, lorsqu'un Etat décide de chasser de son territoire les ressortissants d'un autre Etat ou de nationaliser les biens de ces derniers, il le fait de plein droit mais, du coup, il porte atteinte aux intérêts de cet Etat. Les différentes mesures pouvant être décidées sont des actes de rétorsion((*)3), qui auront pour but d'obliger cet Etat à revenir en arrière, c'est-à-dire à cesser ses actes dommageables. La faculté de prendre des contre-mesures n'est pas reconnue uniquement qu'à l'Etat directement lésé. D'autres Etats se sentant indirectement lésés peuvent décider de sanctionner un Etat par des contre-mesures lorsque celui-ci viole le droit international général, même s'il ne porte aucune atteinte aux intérêts de ces Etats. La seule violation du droit international justifie ces contre-mesures((*)4). Les contre-mesures décidées dans un cadre collectif tendent le plus souvent à protéger les intérêts collectifs. Le plus souvent, les arguments portent sur la protection des droits de l'homme. Ces contre-mesures sont, en général, des mesures de sanction économiques ou politiques. Les Etats deviennent ainsi gendarmes de leurs propres intérêts et, en même temps, les gendarmes du droit international. Il n'existe aucune police internationale qui aurait comme fonction d'obliger tous les sujets de droit international à se conformer aux normes de ce dernier. La mise en oeuvre de ces règles dépendant de la volonté des Etats, le droit international peut se trouver menacé parce que chaque Etat aura tendance à faire prévaloir sa souveraineté. L'absence d'une police internationale fait que les Etats deviennent des gardiens de fait et demandent cessation de tout acte qui viole le droit international par le biais des contre-mesures, celles-ci ayant une force dissuasive. La justice internationale intervient également pour affirmer cette fonction des contre-mesures. Dans l'affaire des prises d'otages dans l'ambassade américaine de Téhéran, la CIJ décida que l'Iran devait « faire cesser immédiatement la détention illicite du chargé d'affaires, d'autres membres du personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis... »((*)1). Lorsque l'Etat aura obtenu la cessation de l'acte illicite, il va demander à l'autre de réparer le dommage qu'il a pu occasionner. * (1) Tel a été le cas des Etats-Unis contre l'Union Soviétique en 1979 lorsque cette dernière a envahi l'Afghanistan. Le Secrétaire d'Etat américain a déclaré que les mesures adoptées par son pays contre l'URSS tendaient à inciter le gouvernement soviétique à « retirer » ses forces armées de ce pays. (V. le discours prononcé par le secrétaire d'Etat, C. Vance, (3 mars 1980) devant le Conseil des relations étrangères, reproduit in Dpt. Of State Bull., avril 1980, p. 12. * (2) Cas, par exemple, d'une illicéité découlant d'une omission lorsque les autorités iraniennes n'ont rien fait pour arrêter les étudiants qui avaient pris en otage le personnel de l'ambassade américaine de Téhéran. Washington a décidé de punir Téhéran par des contre-mesures. * (3) Exemple : le blocage des fonds appartenants à l'Etat défaillant ou à ressortissants, l'expulsion réciproque des ressortissants ou diplomates, la rupture d'une aide économique ou l'embargo d'un produit commercial particulier. * (4) Cas américain pré-cité contre l'Union Soviétique. * (1) CIJ, Rec. 1980, p. 44. |
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