CHAPITRE II : LES SENIORS DANS LA
BANCASSURANCE
A) LA BANCASSURANCE, UN RECENT CONCEPT AUX PERSPECTIVES
PROMETTEUSES
1. Concept de la bancassurance
11. Qu'est ce que la bancassurance ?
Le concept de bancassurance ne connaît pas de
définition unique. Si l'on retient l'approche organisationnelle, le
terme recouvre les différents modes de rapprochement entre les
activités bancaires et d'assurance. En d'autres termes, cela concerne la
distribution de produits bancaires et d'assurance par un même
réseau. Dans ce cas, la bancassurance couvre un champ très large
de possibilités : simple distribution de produits d'assurance par les
guichets bancaires ; intégration d'un établissement bancaire et
d'une société d'assurance au sein d'un même groupe afin
d'exploiter au mieux les synergies potentielles ; activité d'assurance
fournie par une filiale spécialisée d'une
banque1.
Le terme bancassurance est également utilisé
pour caractériser d'autres situations quel que soit le sens de
diversification des activités. Dans ce contexte, au côté
des banques développant des activités d'assurance (la
bancassurance stricto sensu) coexistent des compagnies d'assurance qui
distribuent des produits bancaires (on parle alors d'assurbanque) et
des holdings regroupant les deux types d'activités : « allfinanz
» 2.
12. Un développement ponctué
d'étapes
Le concept actuel de la bancassurance est le résultat
de trois phases successives et tient de plusieurs facteurs relatifs à la
réglementation, au marché, aux réseaux de distribution et
au degré d'équipement des ménages.
a)
Trois étapes
En premier lieu, l'intervalle 1975 - 1985 correspond aux
pionniers. Les premières expériences de bancassurance reposaient
sur la vente de services d'assurance directement liés aux services
bancaires. Il s'agissait là d'une extension de base de l'activité
constituée de produits élémentaires.
En second lieu, les banques ont développé des
produits d'épargne liés à l'assurance vie. Ceux-ci
étaient positionnés à mi-chemin entre les services
bancaires et les services d'assurance. Bénéficiant d'un
régime fiscal avantageux, les produits d'épargne liés
à l'assurance vie ont largement contribué à l'essor de la
bancassurance ... la conduisant à l'âge de maturité sur le
cycle de vie du marché.
Aujourd'hui, la bancassurance entre dans une troisième
ère où les structures évoluent de façon permanente.
En effet, nous assistons à des accords entre banquiers, entre assureurs
et réseaux de distribution. Nous assistons également à des
alliances entre banquiers et assureurs ainsi qu'à l'intégration
capitalistique intra-groupes.
b) Facteurs explicatifs
. L'environnement
réglementaire
Les décisions des législateurs sur la
fiscalité des produits d'épargne longue ont fortement joué
pour accélérer la convergence entre banque et assurance. L'Etat a
ainsi privilégié le transfert de l'épargne longue de
produits de bilan vers des produits hors bilan ... favorisant l'assurance vie
comme enveloppe fiscale d'épargne. L'Etat a, de facto, donné un
avantage aux banques qui ont pu basculer leur stock d'épargne
bilantielle en assurance vie.
De plus, les grandes tendances socio-économiques,
particulièrement liées au vieillissement de la population, sont
actuellement source de nombreuses réflexions qui tournent autour de deux
axes : le financement du système des retraites et le financement du
système de couverture médicale.
La situation financière des systèmes en place
ainsi que les solutions préconisées et acceptables politiquement
vont influencer les développements de l'assurance et de la
bancassurance.
· La structure et la dynamique du
marché
Le deuxième facteur influençant le degré
de convergence entre banque et assurance réside dans la dynamique du
marché, à la fois dans sa composante réglementaire
(règles régissant les liens capitalistiques entre ban quiers
et assureurs) et dans le degré de concentration des acteurs.
Concernant la réglementation des liens capitalistiques
et les activités croisées, une analyse transversale montre que la
pénétration de la bancassurance dépend de la date à
laquelle le régulateur a autorisé les banques à vendre des
produits d'assurance. Ces deux professions ont été pendant
longtemps fortement régulé (principalement pour des raisons
prudentielles). La loi bancaire de 1984, sans marquer de réelle
rupture, autorise explicitement les banques à vendre des produits
d'assurance vie (et tout produit financier). Les banques avaient,
dès les années 70, le droit de détenir des filiales
d'assurance, seule la production leur étant interdite.
Au-delà du cadre réglementaire, trois facteurs
influencent les mouvements de concentration sur le marché et
par-là même le degré de convergence capitalistique entre
banque et assurance : le degré de concentration initial du
marché, les opportunités d'acquisition sur le marché
national et le degré de mutualisation. Sur ce dernier aspect, la
présence de nombreuses Mutuelles Sans Intermédiaires en France
n'offre pas autant de possibilités de rachats et de consolidation.
· L'accès au client et le poids des
réseaux de distribution
La structure initiale de la distribution d'assurance, telle
qu'elle était organisée il y a dix ans, avec du courtage, des
agents ou de la banque, a fortement influencé la réussite de la
convergence et la capacité des banques à conquérir ce
marché.
. Le degré d'équipement des ménages
: un rôle inversé en vie et non-vie
Le quatrième facteur explicatif du degré de
convergence et de la réussite des banques en assurance réside
dans le degré de maturité et d'équipement de la
clientèle. Sur l'assurance vie, une analyse des parts de marché
des agences bancaires comparées avec le chiffre d'affaires vie par
habitant montre une forte corrélation entre le succès des banques
et la taille du marché3.
Ceci s'explique de deux manières. Soit il s'agit d'un
marché en plein essor, comme c'est particulièrement le cas en
Espagne et en Italie où les banques ont su s'imposer en prenant de
vitesse les assureurs traditionnels. Soit il s'agit d'un marché plus
mature et les banques n'ont pas su accompagner la croissance. C'est le cas au
Royaume-Uni où le poids très important des courtiers (65%)
et la forte désintermédiation expliquent la faible part des
banques dans la collecte d'assurance vie. On observe le même
phénomène dans la distribution de fonds où les courtiers
représentent plus de 70% de la collecte.
Il est remarquable de noter qu'à l'inverse, sur le
marché de l'assurance non-vie, la même analyse
révèle une corrélation positive entre le succès des
banques en IARD et la taille du marché exprimé en chiffre
d'affaires par habitant. Ici, le succès des banques dans des pays comme
les Pays-Bas ou le Royaume-Uni s'explique par le fort taux d'équipement
en assurances IARD des ménages, ce qui laisse une place aux banquiers
pour compléter les offres des assureurs traditionnels. Cela leur permet
même dans certains cas d'innover sur les produits et y être
ponctuellement leader (c'est le cas de la Garantie des Accidents de la Vie
en France).
La convergence sur les segments vie et non-vie répond
à des logiques de développement différentes et les
facteurs clés de succès ne sont pas les mêmes pour ces deux
branches.
|