Le renouveau du contrat de travail( Télécharger le fichier original )par Kokou ALEKE Université de Lomé - DEA Droit privé fondamental 2006 |
LE PRINCIPE DE FAVEUR, UNE RESTRICTION À LA LIBERTÉ DU CHEF D'ENTREPRISELe droit du travail regroupe une pluralité de règles88(*). Celles-ci sont appelées à régir la même situation. Dans cette ambiance, le chef d'entreprise serait amené à appliquer la règle de droit qui protégerait au mieux ses intérêts. Ainsi peut -on aboutir à une précarisation de la situation du salarié. Conscient de ce danger, le législateur togolais a prévu que « les dispositions du présent code priment sur les clauses des contrats et conventions »89(*). Cette disposition restreint la liberté du chef d'entreprise qui est tenu de se conformer aux prescriptions légales. Cependant, ce même texte viendra conforter la liberté de choix et de décision de l'employeur en lui permettant de déroger aux dispositions législatives à condition qu'il soit plus favorable au salarié. L'application de la disposition la plus favorable au salarié constitue l'âme du droit de travail et donne lieu au principe dit de faveur. Quel est le contenu de ce principe et en quoi constitue-t-il une restriction à la liberté contractuelle du chef d'entreprise ? Le principe de faveur ou la règle de l'application de la disposition favorable est une règle fondamentale en droit du travail. Il est consacré par bon nombre de législateurs. En droit togolais, il est consacré par l'article 5 du code du travail qui dispose que « les dispositions du présent code priment sur les clauses des contrats et conventions, sauf si celles-ci sont plus favorables au travailleur ». Le droit camerounais le consacre également. L'article 52 al. 2 du code du travail90(*) précise que les conventions collectives peuvent mentionner des dispositions plus favorables aux travailleurs que celles des lois et des règlements. En droit français, c'est l'article L. 132-4 du code de travail qui le consacre en disposant que « la convention et l'accord collectif de travail peuvent comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur ». Ces différents textes commandent aux employeurs de ne déroger aux lois que dans l'intérêt du salarié. Contrairement à la hiérarchie des normes qui veut que la norme inférieure soit en conformité avec la norme supérieure, ce principe autorise la source inférieure à être plus favorable que la supérieure. Ainsi, le contrat de travail peut contenir des dispositions plus favorables que celles des conventions collectives. Ce principe bien que protecteur des intérêts du salarié, constitue à l'analyse une gêne pour le chef d'entreprise. En effet, le principe restreint sa liberté contractuelle. Il ne peut plus se prévaloir de cette liberté pour insérer dans le contrat n'importe quelle clause. L'obligation qui lui est faite d'être plus favorable au salarié réduit sa marge de manoeuvre. On se demande si le chef d'entreprise qui est généralement mû par ses propres intérêts peut être plus favorable au salarié que le législateur. Il faut rappeler que ce dernier a pour mission, au-delà des textes de lois qu'il est amené à voter, de garantir la paix et la cohésion sociale. C'est donc à une mission difficile que l'employeur est appelé. Très souvent il manquera à cette obligation. Il va alors encourir des sanctions. B/- La sanction du non-respect du principe de faveur par l'employeur Le principe de faveur constitue un rempart contre la toute puissance de l'employeur qui instrumentalise le contrat à son profit. Le non-respect de ce principe conduit à des sanctions. La sanction de principe est la nullité de la clause trop sévère à l'endroit du salarié. Le législateur togolais ne donne pas expressément cette solution. Mais en conférant la primauté aux dispositions du code du travail, il entend prohiber toutes les autres clauses surtout si elles sont sévères. En droit français, les juges sont intransigeants. Ainsi, la chambre sociale de la cour de cassation estime que la clause d'un contrat de travail moins favorable que la convention collective est nulle91(*). Cette sévérité de la jurisprudence n'a pour but que de protéger le salarié considéré comme partie faible. La nullité des clauses sévères, contraint le chef d'entreprise à s'approprier des dispositions du code de travail. Ainsi, sa prédisposition à faire usage de la liberté contractuelle se trouve réduite. La nullité comme sanction liée au non-respect du principe de faveur invite à réfléchir sur la force du principe. Le droit togolais offre peu d'éléments d'appréciation. Pour ce faire, il convient de se référer au droit français. Le principe est récent puisqu'il a été évoqué pour la première fois par le Conseil d'Etat dans un avis du 22 mars 197392(*). Pour le juge constitutionnel, le principe de faveur n'a pas valeur constitutionnelle. Pour le juge administratif, ce principe s'impose au pouvoir réglementaire. En particulier, ce pouvoir ne peut pas autoriser des accords collectifs à comporter des stipulations moins favorables aux travailleurs que les dispositions législatives. Enfin, le juge judiciaire trouve en cette règle un principe fondamental du droit du travail. Il s'impose donc aux partenaires sociaux. P-D. OLLIER considère ce principe comme « un principe fondamental du droit de travail »93(*). Au total, le principe de faveur est « un de ces principes généraux du droit qui occupent dans la hiérarchie une place intermédiaire entre la loi et le règlement »94(*). Le principe de faveur constitue une protection contre la toute puissance du chef d'entreprise. Ce dernier est tenu de le prendre en compte dans l'élaboration du contrat de travail. En outre, l'expression de la volonté du chef d'entreprise est réduite par un formalisme rigoureux propre au droit du travail. * 88 Il s'agit de la loi, des règlements, des accords collectifs de travail, du contrat de travail individuel * 89 Article 5 du code togolais du travail. * 90 Loi n° 92/007 du 14 août 1992 portant code du travail * 91Soc, 30 mars 1995, Bull. civ. V, n°117 * 92 CE, avis du 22 mars 1973, Droit social, 1973, p. 514. * 93 P-D Ollier, Le droit du travail, Paris, A.Collin, Coll. U, p.46. * 94 JEAMMAUD Antoine, Le principe de faveur. Enquête sur une règle émergente, Droit social 1999, n° 2, p. 123, n° 17. |
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