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La modernisation du droit successoral en droit comparé, français et cambodgien

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par Socheata NOV
Université Jean Moulin Lyon 3 - DESS Droit notarial 2005
  

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5- Histoire du système de droit successoral dans les deux pays :

On cite brièvement l'histoire du droit successoral dans le droit Franco-Cambodgien. Selon l'histoire du système du droit successoral dans ces deux pays, la reconnaissance officielle des droits successoraux du conjoint survivant et l'égalité absolue des enfants est un phénomène récent non seulement dans les sociétés occidentales, mais également au Cambodge. La France et le Cambodge ont très longtemps considéré les enfants adultérins et le conjoint survivant comme un étranger à la famille. La France et le Cambodge avaient adopté une législation qui donne strictement le droit au conjoint survivant dans l'ordre successoral après les frères et soeur du défunt et leurs descendants. De même, les enfants naturels n'avaient pas les mêmes droits successoraux que les enfants légitimes. Cette perception reste au fondement du système de la dévolution successorale. En dépit de cette ambivalence, le conjoint survivant et les enfants naturels ont certains droits dans la succession et ces droits se sont améliorés lentement, mais progressivement même s'il y a encore des restrictions en droit français et aussi en droit cambodgien. Notre sujet portant sur les modernisations du droit successoral franco-cambodgien, il apparaît nécessaire de retracer succinctement l'histoire du droit successoral de ces deux pays. En ce qui concerne le conjoint survivant, la succession est dévolue en prenant en considération si le conjoint survivant est le mari ou la femme. En effet, en France comme au Cambodge, dans l'ancien droit, il existe une inégalité entre les hommes et les femmes. Le modèle de 1804 avait été construit sur une image bien souvent décrite : le mari était le seul des deux à exercer une activité professionnelle, la collaboration de la femme ne s'exprimant que par ses prouesses d'économie domestique et parfois par un travail très discret d'employée non salariée. Cependant la France est plus avancée que le Cambodge car elle consacre l'égalité des époux par la loi de 1964. Au Cambodge, cette égalité est reconnue premièrement par la constitution du Kampuchea démocratique (1975-1979) qui est prévu dans l'article 13. Selon ce texte, l'homme et la femme sont égaux dans tous les domaines. En réalité, ce n'est pas la vraie égalité que l'on attend, c'est plutôt la soumission identique de tous à la Révolution. Après, dans la Constitution de la République populaire de Kampuchea (1979-1989), elle a confirmé seulement l'égalité des citoyens sans indiquer dans quel domaine précisément6(*). Cette égalité est reconnue clairement ensuite dans la Constitution de l'Etat du Cambodge (1989-1993)7(*). Cette Constitution a affirmé également le principe de la monogamie lors de la conclusion du contrat de mariage. En fait, il n'y a aucun problème concernant le principe de la monogamie. Le problème concerne uniquement l'égalité entre les hommes et les femmes dans la vie conjugale qui n'est pas encore acceptée dans la conception cambodgienne. Il a toujours conservé la conception ancienne.

Dans l'ancien droit français en droit Romain, le père prédomine sur la gens. On distinguait deux types du mariage. Le premier est le mariage cum manu, c'est-à-dire que l'épouse entrait dans la famille du mari et était considéré comme la fille de son mari lorsqu'elle venait à la succession de ce dernier. Le deuxième est le mariage sine manu, cela signifie que l'épouse restait dans sa famille d'origine et elle n'avait aucun droit de succession par rapport à son mari. Dans ce cas pour corriger cet injustice, a été inventée le « quart du conjoint pauvre ». Il s'agit de la reconnaissance d'un droit alimentaire au conjoint. On a créé également une donation consentie avant le mariage dans la pratique, dénommée « ante nuptias ». Cela permet de corriger l'insuffisance des droits successoraux légaux du conjoint survivant. Aujourd'hui, on trouve la donation entre époux8(*).

Dans l'ancien droit : c'était la même chose. Les enfants naturels étaient exclus et l'autorité du père et du mari était très importante. A cette époque, le droit de la famille français est complexe, parce qu'il existe en France une division au niveau du droit entre les pays de droit écrit ayant repris les principes du droit Romain et les pays coutumiers, influencés par les coutumes germaniques. Dans les pays de droit écrit, le régime matrimonial est un régime dotal, c'est-à-dire une séparation de biens avec la protection des biens personnels de la femme. La donation ante nuptias est reprise sous la forme de gain de survie. On y ajoute les divers gains de survie qui sont parfois inspirés de la coutume germanique que l'on peut appeler le prix de la virginité. A cette époque, la libéralité entre époux est considérée comme dangereuse pour la transmission du bien dans la famille et la quotité disponible était plus réduite contrairement à la disposition actuelle.

En droit intermédiaire et révolutionnaire, l'autorité du père et du mari ont diminué, le divorce a été admis ainsi que l'égalité des enfants. La quotité disponible est élargie, mais la vocation successorale du conjoint survivant est pratiquement supprimée.

Le Code civil de 1804 est revenu en arrière en excluant les enfants naturels et en augmentant l'autorité du père et du mari. Les rédacteurs de ce Code n'accordent au conjoint aucun droit successoral, c'est-à-dire aucun droit en usufruit ni même le droit à des aliments, sauf s'il n'existe aucun parent quel que soit leur éloignement, parce qu'ils veulent absolument protéger le patrimoine familial et qu'ils considéraient, de plus, que le conjoint survivant était un étranger dans la famille. Par ailleurs, le Code a ponctuellement instauré des institutions contractuelles entre époux qui permettent à l'un de donner à son conjoint une part de son patrimoine dans les limites de la quotité disponible. Il a créé également la quotité disponible spéciale entre époux permettant au conjoint survivant de recevoir plus qu'un étranger, que ce soit par testament ou institution contractuelle. De temps en temps, les droits du conjoint survivant avaient été améliorés. La loi du 9 mars 1891 lui reconnaît un droit d'usufruit d'un quart en présence de descendants et une créance alimentaire dans la succession de son conjoint décédé. En 1896, c'est l'exode rural et la révolution industrielle qui va faire éclater le lignage, la famille s'est donc réduite. Le conjoint devenait l'héritier et les droits des enfants naturels augmentaient.

De plus la loi du 29 avril 1925 a étendu le droit d'usufruit du conjoint survivant à l'intégralité de la succession en présence de collatéraux ordinaires. Il y a deux autres lois qui ont pour objet de contribuer en plus aux droits du conjoint survivant. La première est celle du 3 décembre 1930 qui lui accorde des droits en pleine propriété en présence d'héritiers au degré successible par le biais du mécanisme de la fente. Lorsque la succession est dévolue à des ascendants ou à des collatéraux, elle se divise en deux parts égales : l'une revient aux parents de la ligne paternelle et l'autre aux parents de la ligne maternelle. En l'absence d'ascendants ou de collatéraux privilégiés dans une ligne, le conjoint survivant prenait la part qui devait revenir à cette ligne, s'il était représenté. En l'absence de ces personnes dans les deux lignes ou il y a seulement les collatéraux ordinaires, le survivant a toute la succession en pleine propriété. La seconde loi est celle du 26 mars 1957, selon laquelle le conjoint prime les collatéraux ordinaires, c'est-à-dire que les collatéraux autres que les frères et soeurs9(*). Le droit en usufruit du conjoint survivant était amélioré de temps en temps. La loi du 09 mars 1891 lui reconnaît un quart de l'usufruit en présence des descendants et en plus la créance alimentaire. En outre, la loi du 29 avril 1925 avait étendu l'usufruit du conjoint survivant à l'intégralité de la succession en présence des collatéraux ordinaires.

Après la seconde guerre mondiale, la famille se réduit au foyer. Les grandes lois du doyen J. CARBONIER de 1964 instauraient l'égalité entre époux, entre les enfants, le divorce etc. (deux lois : le 13 juillet 1965 a majoré la quotité disponible spéciale entre époux et loi du 3 janvier 1972 pose le principe de l'égalité des filiations légitime et naturelle. Cependant, les enfants adultérins conservent encore des droits réduits face au conjoint survivant en cas d'absence d'enfants légitimes ou d'enfants naturels).

Face à la modernisation du droit successoral, on va citer brièvement le travail des juristes : un projet de loi concernant les droits successoraux du conjoint survivant avait été déposé sur le bureau de l'Assemblée Nationale le 23 décembre 199110(*), il prenait en compte le souhait du public quant au logement du conjoint survivant et augmentait sa vocation successorale ab intestat. Le 8 février 1995, après le changement de législateur, un autre projet avait été déposé sur le bureau de l'Assemblée Nationale11(*). Actuellement, dans le contexte des réformes de droit de la famille voulues par la Chancellerie, c'est la réforme des successions qui apparaît la plus nécessaire et la plus pressante12(*). Elle est voulue par l'ensemble de la population, et la plupart des juristes voudraient que l'on en revienne au projet n° 2530, c'est-à-dire à l'égalité complète entre les enfants. Par contre, la réforme des droits du conjoint survivant a échoué jusqu'à présent parce que l'accession à l'égalité par les enfants adultérins faisait encore l'objet de désaccords. De plus conformément à l'exigence des dispositions internationales, en particulier la Convention relative aux droits de l'enfant, et la Convention européenne des droits de l'homme, tout autant que l'absence de signification du maintien du mariage, devraient conduire à accepter l'idée que l'égalité entre enfants mérite d'être réalisée sans réserve. On peut souligner que le 72e Congrès des Notaires de France à Deauville en 1975 avait refusé la proposition concernant l'abrogation de l'infériorité successorale de l'enfant adultérin, tandis que le 91e Congrès à Tours en 1995, a exprimé que les enfants, nés d'un adultère, aient les mêmes droits et obligations que les enfants légitimes et naturels « simple », à l'augmentation substantielle des droits du conjoint survivant, et à la contribution de la succession « au maintien des conditions d'existence et du cadre de vie du conjoint ». Il reste à souhaiter que le Gouvernement fasse appel aux éminentes personnalités13(*), qui avaient rédigé les projets n° 511 et 2530, accomplissant ainsi la dernière des grandes réformes qui manque à notre Code civil.

La dernière loi du 3 décembre 2001 a instauré remarquablement les droits du conjoint survivant, l'égalité parfaite des droits des enfants au plan successoral et a modernisé certaines autres dispositions archaïques des droits successoraux. Cette nouvelle loi a pour but : de supprimer des inégalités touchant les enfants naturels en présence des enfants légitimes, du défunt et du conjoint survivant, à la suit de la condamnation de la France par la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans le célèbre arrêt « Mazurek » ; de moderniser le droit des successions, essentiellement grâce à la réécriture des anciens articles du Code civil et à la reconnaissance des pratiques notariales ; et enfin, d'améliorer le statut du conjoint survivant par la création de nouveaux droits successoraux, notamment sur le logement, et l'accroissement ou l'augmentation de sa part dans la vocation successorale en tant que véritable héritier, en présence des ascendants ou des collatéraux14(*).

Le droit khmer ancien jusqu'à aujourd'hui était essentiellement un droit coutumier. Selon son histoire, le Cambodge a subi de nombres influences et aussi celle du droit Français. Non seulement les systèmes juridiques, tel que le système romano-germanique, exercent une influence, mais aussi les expressions utilisées15(*). Comme la loi n'est pas la seule source de droit, il existe inévitablement une frontière entre le droit et la morale des codes implicites de conduite qui sont présent particulièrement en matière de droit de la famille et de droit successoral.

Avant de rappeler le régime matrimonial des époux dans le Code civil de 1920, il est nécessaire de retracer l'histoire de l'ancien droit successoral khmer antérieur à ce texte.

Dans le très ancien droit khmer, la femme a une position prééminente au sein du groupe familiale. Entre le 17ème siècle, date de la dernière révision connue des Codes cambodgiens16(*), et le 19ème siècle, certains auteurs estiment que l'on passe d'un système matriarcal à un système patriarcal. A cette époque, la femme se trouvait dans un statut inférieur et sont apparues des dispositions permettant la polygamie17(*), ce qui est différent du droit de la famille français qui a toujours refusé cette institution. Cependant, en pratique, la coutume autorise la polygamie, mais la plupart des Cambodgiens sont monogames18(*). Il existait trois catégories d'épouses de statut inégal19(*). Les filles restent sous la puissance paternelle jusqu'à leur mariage.

Le droit khmer a apporté des innovations par rapport aux règles de l'ancien droit hindou. En Inde, en effet, les successions sont dominées par deux principes fondamentaux : le droit d'aînesse et le privilège de masculinité. Le législateur Khmer a apporté des modifications profondes à ces deux règles. Tout d'abord, le droit khmer a écarté le droit d'aînesse. En principe, en effet, les enfants d'un même lit succèdent à égalité. En outre, et c'est la réforme fondamentale, les filles sont désormais placées sur le même plan que les garçons, et jouissent des mêmes droits successoraux, alors qu'en Inde, elles se trouvaient exclues de la succession paternelle. Le législateur cambodgien a écarté le système de castes du droit indien. Mais, ayant admis la polygamie, il a dû admettre, du même coup, l'inégalité de rang des épouses, donc l'inégalité entre enfants et le partage par lit. La femme de dernier rang et les concubines n'ont aucun droit de succession ; par ailleurs, le conjoint survivant ne dispose pas non plus de droit de succession, qu'il s'agisse du mari ou de la femme. On peut dire que le droit khmer dans cette époque accorde aux filles les mêmes droits successoraux qu'aux garçons20(*).

Le régime ancien était une communauté d'acquêts et de conquêts21(*). Sont utilisées les expressions du droit français. Il existe trois masses de biens : les propres du mari, les propres de chaque femme et les biens communs. Les biens propres sont définis comme étaient ceux que le conjoint avait reçu de ses parents avant le jour du mariage ou le jour même du mariage, c'est-à-dire tout ce qu'il possédait au moment du mariage, et aussi les biens donnés par les parents au moment du mariage. A l'inverse, le bien commun comprenait tous les biens acquis au cours du mariage, quelle que soit leur origine et la manière dont ils étaient acquis, à titre onéreux ou à titre gratuit.

En ce qui concerne le pouvoir de gestion des biens entre les époux, une similitude existe avec l'ancien droit civil français avant 196522(*), le mari administrait seul et en même temps la communauté et les deux masses de bien propre. Cependant il ne peut pas aliéner les biens propres de sa femme sans son consentement. Et sa femme ne peut pas non plus aliéner son bien propre sans le consentement de son mari.

Comme le statut de la femme est inférieur à celui de l'homme, la succession est dévolue en fonction de la qualité du conjoint survivant, c'est-à-dire s'il est le mari ou la femme. Lors du décès de l'un des époux, les biens propres du défunt étaient dévolus aux parents appelés à la succession du défunt. En revanche, les biens communs étaient partagés dans la proportion d'un tiers à la femme ou à ses héritiers et des deux tiers au mari ou aux héritiers de celui-ci. Une telle répartition nous permet de considérer que le travail de la femme équivalait à la moitié de celui du mari dans la constitution de la communauté en raison de la gestion qui était réservée à l'époux. Par ailleurs, cette répartition pouvait être différente aussi en fonction de certaines situations de la femme en cas du décès de son mari. Si la femme ne se mariait pas en observant strictement le deuil, elle pouvait prétendre à la moitié des biens communs. Au contraire, si elle prenait un amant pendant la période de deuil, elle perdait tous ses droits sur le bien commun. Dans ce cas, elle ne peut se prévaloir que de ses biens propres qui étaient acquis avant le mariage. Elle pouvait les posséder à condition que ces biens existent en nature, et les propres doivent être reconstitués aux dépens de la communauté jusqu'à l'épuisement de celle-ci avant tout partage.

La signature de l'accord de protectorat français avait eu lieu en 1884. Pendant cette période, le Cambodge fait partie de la famille des pays du système romano germanique. A partir de 1920, date d'entrée en vigueur du Code civil23(*), la législation est étroitement calquée sur celle que le Code napoléon a instaurée. L'épouse est juridiquement incapable et placée sous la puissance maritale. Le Code civil consacre l'incapacité juridique de la femme khmère mariée et précise qu'elle est tenue d'obéir à son mari. Le mari est le chef de famille. On reconnaît là l'influence directe des conceptions françaises de l'époque. Mais alors que les lois du 18 février 1938 et du 22 septembre 1942 transforment en droit, sinon en fait, la capacité de la femme française, le Code civil cambodgien continue à s'appliquer sans modification. Le mari a un pouvoir de décision quasi absolu sur toutes les affaires du ménage. Il représente valablement l'une quelconque d'entre elles dans toutes les affaires les concernant ; il est leur mandataire légal : il contracte ou este en justice en leur nom. Les femmes mariées ne peuvent contracter sans l'autorisation du mari (art 804). Celle-ci est également nécessaire si elles veulent ester en justice, s'engager ou exercer une profession quelconque. En cas de refus, elles peuvent solliciter l'autorisation du tribunal de leur domicile, le mari étant entendu ou dûment convoqué. Elles s'obligent pour toutes les opérations qui ont trait à ce négoce et elles y obligent leur mari, en vertu de la communauté qui est le régime légal entre époux. La prohibition de l'inceste de la part de la femme est intégrée dans le Code. La polygamie demeure. Elle n'est guère pratiquée que par quelques personnes aisées, la masse des hommes étant monogame. Elle est en régression sérieuse sous l'influence des idées occidentales, de l'enseignement, des nécessités économiques, des conceptions nouvelles de la condition de la femme. La proportion des mariages de second degré n'est, par rapport aux mariages de premier degré, que de 2.50 %. Le concubinage est de 9 à 10 % en ville24(*). Il y a une hiérarchie : épouse de premier rang, femmes de second rang. La femme de premier rang est une grande épouse, « prapone thom », et elle occupe une place prépondérante au domicile conjugal dont elle peut d'ailleurs interdire l'entrée aux femmes de second rang. Veuve, elle exerce les droits de puissance paternelle sur ses propres enfants et sur ceux des femmes de second rang vivant au foyer ; elle administre le patrimoine familial et en jouit dans l'intérêt de la famille. Veuve sans postérité, elle a droit, outre ses biens propres, au tiers des acquêts de la communauté. En cas de divorce, elle en a la moitié, à moins qu'il soit prononcé à ses torts pour cause d'adultère. Les femmes de second rang, autrefois « suivants et servantes » de l'épouse, lui doivent encore respect et obéissance, mais l'évolution rapide des conditions de la femme rend ces devoirs plus théoriques que pratiques. Pour elles, la vie au domicile conjugal n'est pas un droit, et d'ordinaire, elles ont une habitation séparée. Elles n'ont aucune part de la succession de leur mari et peuvent seulement prétendre au logement, à la nourriture et à l'entretien. Si l'épouse ne s'y oppose pas, elles demeurent sous son autorité au foyer avec leurs enfants. En ce qui concerne le concubinage à cette époque en Droit cambodgien25(*), cette union ne s'accompagne pas du discrédit dont la charge le droit français. C'est une union de fait, en l'absence de tout contrat légal, et n'engendrant aucune des obligations qui naissent d'un mariage légitime, quel que soit son rang. Il ne faut pas confondre la concubine et la femme de second rang : la concubine vit hors du foyer ; son union se rompt sans divorce ; elle ne peut pas prétendre à une pension pour elle-même après une rupture, non plus qu'à l'usufruit des biens de la succession de son concubin ; ce dernier doit seulement pourvoir à l'entretien de l'enfant né du concubinage qui, si sa filiation a été établie, a les mêmes droits à la succession de son père que les enfants légitimes26(*). On constate que, d'une manière générale, le concubinage est dépourvu des effets qui s'attachent au mariage. Toutefois, il est impossible de faire complètement abstraction de l'union de fait entre deux personnes. Au point de vue de la liquidation des biens appartenant aux concubins, les tribunaux ont admis l'existence, d'une société de fait dont l'actif devait être partagé entre les intéressés ou leurs ayants droit. Le partage a lieu à la condition qu'il soit prouvé que, durant un certain nombre d'années, l'homme et la femme ont confondu autant leurs biens que leurs efforts en vue de la constitution d'un patrimoine. Les efforts de la femme, en particulier, ont contribué à asseoir la prospérité et la fortune dont l'homme est apparemment le maître. Cette solution jurisprudentielle, d'ailleurs équitable, a voulu éviter un enrichissement sans cause du concubin ou de ses héritiers. La concubine a donc une situation supérieure à celle de la femme de second rang27(*).

Dans le régime du Code civil cambodgien en 1920, la définition du bien propre est la même28(*). La femme pouvait exercer son droit de le reprendre en cas de dissolution du mariage, par le divorce ou le décès de l'un des époux. La communauté est composée de tout ce que les époux acquièrent durant le mariage par le travail et l'industrie du ménage et par la capitalisation des fruits et des revenus des propres de l'un et de l'autre époux29(*).

Concernant la gestion des biens, le mari a le droit exclusif d'administrer les propres comme les biens de la communauté, c'est-à-dire que la communauté ainsi composée est administrée par le mari qui jouit en outre, du droit d'administrer les biens propres de ses épouses30(*). En droit français pour ne pas nuire au patrimoine de l'épouse en cas de mauvaise gestion du mari, l'épouse bénéfice d'une hypothèque sur le bien de son mari accordé par la loi31(*). Par contre, en droit cambodgien, la loi n'a pas envisagé cette hypothèse pour éviter la mauvaise gestion de l'époux. Dans le texte, c'est le mari qui a le pouvoir de gérer les biens des époux. Au contraire dans la pratique, c'est toujours la femme32(*) qui avait géré les biens : ses propres, les propres des épouses de second rang, les propres de son mari et la communauté. D'après MONOD33(*), « dans la famille cambodgienne, la femme, dont la moralité est presque toujours au-dessus de tout éloge, est en tout l'égale de l'homme ; suivent même, elle prend plus d'initiative que lui. C'est elle en général, qui détient l'argent du ménage et en règle l'emploi. Elle est toujours traitée avec les plus grands égards ». On a conservé toujours l'idée inspirée du système matriarcale parce que dans l'esprit des cambodgiens, les femmes sont plus sérieuses que les hommes pour la gestion des biens, même si elles deviennent incapables après le mariage qui s'inspire du système patriarcal34(*). Cette tradition demeure même si le texte donne beaucoup de pouvoir de gestion des biens au mari.

La communauté des biens est dissoute en même temps que l'union conjugale elle-même. Il n'existe pas, en droit cambodgien, de cause de dissolution de la communauté antérieure à la dissolution du mariage lui-même. Cela signifie qu'il n'y a pas de séparation de bien judiciaire. Dans le système du droit civil khmer, on ne sait pas la notion de la séparation du bien parc qu'on a présumé que la vie conjugale est fortement fondée sur la confiance entre eux. En conséquence, lorsqu'on vit ensemble c'est-à-dire que tous sont ensemble aussi, il n'a pas besoin de diviser les biens. Traditionnellement et aussi à l'heure actuelle, le régime de communauté de biens demeure. C'est le régime de la communauté d'acquêts qui est le seul régime matrimonial envisagé par la loi35(*). Les biens communs sont ceux qui ont été acquis par les deux conjoints, ou par chacun d'eux pendant la vie conjugale.36(*) On doit retenir aussi que « le travail au foyer a la même valeur que le travail effectué à l'extérieur du foyer »37(*). Les biens communs sont divisés en deux parts égales en cas de divorce38(*). La loi n'envisage pas la liquidation de ces biens communs en cas de décès de l'un des deux époux.

Cette institution n'est pas encore modernisée, c'est-à-dire qu'elle n'est pas bien adaptée à l'évolution économique et juridique par apport à la conception du droit français. Si le droit français a institué ce régime de séparation de bien, ce n'est pas parce que dans la vie conjugale française la confiance entre époux n'existe pas. Ce sont des raisons économiques et la nécessité de protéger les biens de l'un des époux qui explique ce régime.

Après l'indépendance en 1953, l'influence du droit Français a perduré durant la période précédent la révolution communiste de 1975. Pendant cette période (1975-1979), on peut considérer que la société est plutôt une société de non droit et qui a pour finalité de construire d'une « société communiste idéale »39(*). L'égalité absolue de tous les Cambodgiens, de la femme et de l'homme, reconnue à cette époque signifie simplement la soumission identique de tous à la Révolution.

A la fin de cette période pendant le régime de la République populaire du Kampuchéa (1979-1989), on a marqué qu'au point de vue juridique, le Cambodge est influencé par les conceptions socialistes.

Après 18 ans de régime marxiste, et grâce à l'organisation internationale (ONU et APRONUC), le Cambodge redevient un pays libéral doté d'une constitution moderne libérale, en vigueur le 24 septembre 1993. Dans le droit positif, la loi du 26 juillet 1989 règle l'organisation du mariage et la famille, mais elle ne prévoit aucune disposition concernant le droit successoral. Elle cherche, en outre, à prononcer le principe de la monogamie et assurer l'égalité des droits du mari et de la femme40(*). Cette égalité est affirmée aussi dans de la Constitution du 24 septembre 199341(*). Cette constitution est largement inspirée de la constitution française de la Vème République. L'égalité est également instaurée entre tous les enfants : les enfants naturels reconnus et les enfants adoptifs ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les enfants légitimes dans la famille42(*). De plus comme la Constitution du Royaume du Cambodge en 1993 est un régime libéral, la protection de la propriété privée et la transmission de celle-ci sont reconnues et garanties par la Constitution43(*) et par la loi foncière du 13 octobre 199244(*) qui concerne uniquement les immeubles.

Officiellement, depuis la formation du Gouvernement royal, le Cambodge a renoué avec la tradition romaniste comme son système de droit. Beaucoup de lois et règlements ont été élaborés et mis en vigueur dans le raisonnement de ce système. En 1996, un membre du gouvernement a proposé au Conseil des Ministres de rejeter le système romaniste pour adopter le système de Common Law pur et simple. L'argument principal de cette proposition repose sur le fait que le Cambodge s'apprête à entrer dans l'ASEAN qui utilise le système anglo-saxon et l'anglais. Mais rien n'interdit d'harmoniser les deux systèmes parce qu'il y a d'autres voies que celle d'un choix exclusif. On peut citer le bel exemple de la Thaïlande qui a réussi à synthétiser les deux systèmes romaniste et de Common Law45(*). A l'heur actuel, on ne sait pas encore quelle sera la position du législateur. Quel que soit le régime adopté par le gouvernement cambodgien, on a constaté que, après la chute du régime du Royaume du Cambodge (1947-1953-1970) dirigé par prince NORODAM SIHANOUK, le droit de succession n'a pas évolué. Comme il reste toujours muet sur cette question, on peut se demander quel est l'intérêt de traiter ce sujet.

* 6 L'art. 30 de cette Constitution avait disposé que : « La République populaire du Kampuchea reconnaît et respecte les Droits de l'Homme.

Les citoyens cambodgiens sont égaux devant la loi et ont les mêmes droits et devoirs sans distinction de sexe, de croyance, de religion, de race ».

* 7 L'art. 7 de cette Constitution avait déclaré que : « Les hommes et les femmes jouissent des mêmes droits dans le mariage et la famille. Le mariage doit être conclu conformément à la loi et selon les principes de la monogamie.

L'Etat attache une importance particulière à la protection des mères et des enfants ».

* 8 J. HUGOT et J.-F. PILLEBOUT, «  Les nouveaux droits du conjoint », éd Litec 2002, Groupe LexisNexis, juris classeur, carré droit, p. 2 et 3.

* 9 Le mémoire présenté par S. RIFFARD, Les droits du conjoint survivant dans les pays de l'Union Européenne, du 11 décembre 1996, page 9.

* 10 Projet de loi n° 2530 « modifiant le Code civil et relatif aux droits des héritiers ».

* 11 Projet de loi n° 1941 « modifiant le Code civil et relatif aux droits des héritiers ».

* 12 J. CARBONNIER, « Droit de la famille : état d'urgence » ; J.C.P. 1998, I, 184.

* 13 MM. J. CARBONNIER, P. CATALA, J. MASSIP, et G. MORIN.

* 14 C. TAITHE, Les successions, édition Dalloz, 2004, 20e édition, DELMAS.

* 15 Ex. le régime communauté d'acquêts et de conquêts est une expression du droit français et elle est utilisée dans l'ancien droit civil khmer.

* 16 E. LEROUX, « Le Cambodge », Paris, 3vol., 1900 à 1904, p. 79, ce que l'on a pris l'habitude de nommer « Codes cambodgiens » ne correspond pas en réalité à l'énoncé de règles juridiques systématiques. Pour reprendre la définition d'Etienne AYMONIER, on peut dire que « ces lois sont en quelque sorte les recueils de décisions royales codifiées et révisées de temps à autre par les rois ».

* 17 L'art. 140 du Code civil khmer en 1780 dispose que : « Les femmes ne peuvent contracter mariage qu'avec un seul époux ». Tandis que l'art. 141 dispose au contraire que : « Les hommes peuvent épouser plusieurs femmes ». MORICE, Le mariage et le statut familial de la femme au Cambodge, Annales de la Faculté des Droits et des Sciences Economiques, Phnom-Penh, volume 4, 1962.

* 18 DURETESTE, « Cours de Droit de l'Indochine », Paris, 1938.

* 19 L'art. 142 du Code civil khmer en 1780 dispose que : « La première union légitimement contractée par un homme est obligatoirement du premier degré. Les autres sont du deuxième degré ». MORICE, Le mariage et le statut familial de la femme au Cambodge, op. cit.

* 20 Marcel CLAIRON, La notion essentielle de droit civil khmer, Phnom Penh, 3e édition, 1959.

* 21 L'avocat générale MORICE, Le mariage et le statut familial de la femme au Cambodge, Annales de la Faculté des Droits et des Sciences Economique, Phnom-Penh, volume 4, 1962.

* 22 Depuis 1964 le droit civil français a instauré le principe l'égalité des époux.

* 23 1er juillet 1920, à cette date que par ordonnance royale n° 17, Sa Majesté Sisowath, Roi du Cambodge a promulgué le « Nouveau Code Civil Cambodgien ».

* 24 MORICE, Le mariage et le statut familial de la femme au Cambodge, Annales de la Faculté de droit et de science économique de Phonm-Penh, volume 4, 1962.

* 25 MORICE, Le mariage et le statut familial de la femme au Cambodge, préc.

* 26 L'art. 493 C. civ. khmer, 1920.

* 27 MORICE, Le mariage et le statut familial de la femme au Cambodge, préc.

* 28 L'art. 510 C. civ. khmer, 1920, donne la définition indirecte du bien propre comme les biens qu'ils possédaient au moment du mariage ou ceux qui leur échurent personnellement durant le mariage par la succession, donation ou legs.

* 29 L'art. 510, 251, 252 du C. civ. khmer, 1920.

* 30 L'art. 194, C. civ. khmer, 1920.

* 31 L'art. 2121 et s. C. civ. français.

* 32 Dans l'ancien droit, c'est la femme de premier rang qui a le pouvoir de gérer les biens. Dans la loi actuelle il s'agit toujours d'une seule épouse sans distinction de premier ou de second rang, car on supprime la polygame.

* 33 MONOD, «  Le Cambodgien » (Paris-Larose-1931), p. 31.

* 34 Le mariage apporte de profondes modifications à la condition juridique de la femme cambodgienne dans le domaine de sa capacité civile et de ses droits patrimoniaux, par exemple comme visé dans l'art. 195 du C. civ. en 1920 qui dispose que : «Les épouses ne peuvent agir en justice et s'engager qu'avec l'autorisation de leur mari ». Au contraire, le mariage est sans effet sur les droits politiques et civiques de la femme cambodgienne qui est égale de l'homme dans ce domaine.

* 35 L'art. 32 et suivant de la loi du 26 juillet 1989.

* 36 L'art. 33 de la loi du 26 juillet 1989.

* 37 L'art. 36 al. 3 de la Constitution du Royaume du Cambodge en 1993 et 70 al. 3 de la loi du 26 juillet 1989.

* 38 L'art. 70 de la loi du 26 juillet 1989.

* 39 B.BALIVET, Introduction au droit Cambodgien, Service de Coopération et d'Action Culturelle de l'Ambassade de France, 2002, p. 25.

* 40 L'art. 29 de la loi du 26 juillet 1989.

* 41 L'art. 45 de la Constitution du Royaume du Cambodge de 1993.

* 42 L'art. 117, 104 et 114 de la loi du 26 juillet 1989.

* 43 L'art. 44 de la Constitution du Royaume du Cambodge en 1993.

* 44 L'art. 170 de la loi foncière du 13 octobre 1992 qui affirme la légitimité de la transmission de la propriété par la voie de l'héritage.

* 45 Annale de la FDSE de PP 1997, publié grâce au soutien du service culturel et de coopération de l'Ambassade de France, éd THEVODA.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo