Paragraphe I : Les fondements de la présomption
d'exactitude de la déclaration
Plusieurs fondements peuvent justifier la présomption
d'exactitude de la déclaration. Ils sont à la fois : juridique
(A), jurisprudentiel (B), théorique (C)
et logiques (D).
A- Le fondement juridique de la présomption
d'exactitude de la déclaration
En droit fiscal tunisien, il n'y a pas un texte juridique qui
consacre expressément la présomption d'exactitude de la
déclaration. Le code des droits et procédures fiscaux, tout en
consacrant la déclaration spontanée de l'impôt en tant que
devoir fiscal,1 ne prévoit pas une présomption
d'exactitude attachée à la déclaration.
On ne peut que regretter ce laconisme législatif dans
un nouveau code qui se proclame code des droits des contribuables. Cela
constitue un pas en arrière par rapport à la charte du
contribuable. La charte, qui régissait les relations entre
l'administration fiscale et les contribuables avant l'adoption et
l'entrée en vigueur du C.D.P.F.2, consacrait explicitement
dans son introduction la présomption d'exactitude de la
déclaration : « le système fiscal tunisien se
caractérise par le dépôt spontané des
déclarations par les contribuables. Ces déclarations sont
présumées exactes ».
En dépit de la valeur juridique controversée de
la charte du contribuable3, la consécration de la
présomption d'exactitude de la déclaration constituait -du moins
théoriquement- une garantie pour le contribuable, surtout que le contenu
de cette charte était opposable à l'administration4.
La non-codification de cette présomption dans le C.D.P.F. est
surprenante, surtout que l'objectif proclamé par ce code est, aux dires
des pouvoirs publics eux-mêmes, de favoriser la déclaration
spontanée de l'impôt5. Un tel objectif ne peut se
réaliser qu'en assurant aux contribuables les garanties
nécessaires.
On ne peut que regretter la disparition de la
charte6, surtout que le code des droits et procédures fiscaux
n'a pas repris toutes ses dispositions. Le législateur aurait pu,
à l'instar du droit comparé,
1 L'article 2 de la loi de promulgation du C.D.P.F. dispose que
: << l'accomplissement du devoir fiscal suppose la déclaration
spontanée de l'impôt... >>.
Il importe de préciser que le droit tunisien consacre
le système de la déclaration. La loi 62-72 du 31 décembre
1962, portant institution d'une déclaration unique de revenus,
prévoit des pénalités à l'égard des
contrevenants aux prescriptions relatives à la déclaration.
L'article 59 du CIR consacre l'obligation de souscription et de
dépôt de déclaration annuelle.
2 L'article 7 de la loi de promulgation du C.D.P.F. a
abrogé l'article 63 du C.I.R qui constituait le fondement juridique de
l'existence de la charte du contribuable.
3 Sur la question voir : - Habib AYADI, << Droit fiscal,
Taxe sur la Valeur Ajoutée, Droits de consommation et contentieux fiscal
>>, C.E.R.P., Tunis, 1996, p.182-188.
-Néji BACCOUCHE, << Contrôle et contentieux
fiscal en Tunisie >>, Etudes Juridiques fac de droit de Sfax, n°4,
p.17 et s.
- Walid GADHOUM, << L'insuffisance de la protection du
contribuable lors du contrôle fiscal >>, mémoire pour
l'obtention du diplôme des études approfondies en droit des
affaires, faculté de droit de Sfax, 1997, p. 28-32.
- Hichem BEN ABDALLAH, << La charte du contribuable
>>, mémoire pour l'obtention du D.E.A en droit public,
université de Tunis III, faculté de droit et des sciences
politiques de Tunis 1991-1992, p.5 et s.
- Med. Habib LTIFI, << La protection du contribuable en
matière de contrôle fiscal >>, mémoire Tunis, 1998,
p. 79-86.
4 L'article 63 du C.I.R. disposait que : <<
l'administration met à la disposition des contribuables une charte dite
<< charte du contribuable >>, fixant leurs droits et obligations
conformément à la législation en vigueur. Le contenu de
cette charte est opposable à l'administration >>.
5 Les débats de la chambre des députés
concernant le projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F.,
n°39, séance du mercredi 26 juillet 2000, p. 2081, 2087.
6 Sur la question de la suppression de la charte du
contribuable, on consultera avec profit Jamel AJROUD, << Le principe du
contradictoire pendant la vérification fiscale dans le nouveau code
tunisien des droits et procédures fiscaux : Etude comparative avec le
droit français >>, mémoire D.E.A. finances publiques et
fiscalité, Université
consacrer d'une manière solennelle la
présomption d'exactitude de la déclaration. En droit fiscal
belge, la présomption d'exactitude de la déclaration a un
fondement légal consistant dans l'article 245 du CIR de 1992. Cet
article dispose que « le fisc prend pour base de l'impôt le chiffre
des revenus déclarés, à moins qu'il ne le reconnaisse
inexact » 1. Il s'agit d'une véritable
présomption légale. En droit fiscal français, la
présomption d'exactitude de la déclaration trouve son fondement
dans la charte du contribuable2 et dans la loi du 15 juillet
19143. En plus, par une lecture a contrario d'un article du C.G.I.,
d'aucuns ont considéré que la déclaration est
présumée exacte. Il s'agit de l'article 1649 quinquies A du
C.G.I., selon lequel les redressements ne se conçoivent que lorsque la
déclaration produite paraît être inexacte. Selon M-C
BERGERES « ne doit-on pas, par là-même, a contrario, accorder
une présomption d'exactitude à la déclaration
régulièrement souscrite »4.
La consécration législative de la
présomption d'exactitude de la déclaration serait une solution
heureuse, qui inciterait les contribuables à l'accomplissement de leur
devoir de déclaration. D'ailleurs, l'esprit de la législation
fiscale tunisienne va dans ce sens, puisque le législateur a
prévu plusieurs mesures pour encourager les contribuables au respect de
leur obligation déclarative5.
d'Aix-Marseille III, 2000-2001, p.44 à 47. Selon cet
auteur, << L'existence concomitante des deux textes est possible, voire
utile >>.
1 Voir sur ce point, C. L. LOUVEAUX, << La preuve en
matière d'impôts directs >>, Bruxelles 1970, p.5.
2 L'introduction de la charte française du
contribuable prévoit que << l'examen de vos déclarations
s'inscrit dans le cadre normal de notre système déclaratif.
L'administration a pour mission de s'assurer de la régularité de
vos déclarations qui sont présumées exactes et
sincères >>.
- Au Canada, la déclaration des droits du
contribuable canadien consacre la présomption d'honnêteté.
En ses termes : << vous avez le droit d'être présumé
honnête jusqu'à preuve du contraire >>.Voir annexe n°4
de ce mémoire.
- En Espagne, la charte des droits et garanties du
contribuable espagnol consacre la présomption d'exactitude de la
déclaration. voir annexe n°4 de ce mémoire.
3 Christophe DE LA MARDIERE, << La déclaration
fiscale >>, R.F.F.P. 2000, n°71, p.136, 137.
4 M-C BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse Bordeaux 1975, p.44. 5
Pour inciter les contribuables à l'accomplissement de leur devoir de
déclaration :
1-Le législateur a subordonné l'octroi des
avantages fiscaux au respect par le contribuable de ses obligations
déclaratives, l'article 111 du C.D.P.F. dispose que << Les
avantages fiscaux ne peuvent être octroyés qu'aux personnes qui
ont déposé toutes leurs déclarations fiscales...
>>.
2- Le législateur a facilité l'accomplissement
de l'obligation fiscale
La loi n°2000-98 du 25 décembre 2000 portant loi
de finances pour l'année 2001 prévoit dans ses articles 57 et 58
la possibilité d'utilisation des moyens électroniques pour
l'accomplissement des obligations fiscales. << Facilitation de
l'accomplissement de l'obligation fiscale >>, Le décret
n°2001-2802 du 6 décembre 2001, portant fixation de la
procédure de dépôt de déclaration, états ou
relevés fiscaux sur support électronique.
3- Le législateur a donné aux contribuables la
possibilité de déposer des déclarations rectificatives
avec des conditions avantageuses :
*La loi n°2000-98 du 25 décembre 2000 portant loi
de finances pour l'année 2001, articles 25, 26, 27, 28 et 29. *La loi
n°2001-123 du 28 décembre 2001 portant loi de finances pour
l'année 2002, article 39 : Prorogation des dispositions des articles 25,
26, 27, 28 et 29
4- le législateur a offert aux contribuables
l'opportunité de régulariser leur situation avec le fisc.
*La loi n°2002-1 du 8 janvier 2002, portant
assouplissement des procédures fiscales, a, dans son article 5,
donné aux contribuables défaillants la possibilité de
déposer leurs déclarations d'une façon spontanée
avant l'expiration du mois de juin 2002.
- Dans le même ordre d'idées, le conseil
économique et social a insisté sur la nécessité
<< d'encourager les contribuables transparents et qui déposent
leurs déclarations dans les délais >>.
L'avis du conseil économique et social concernant le
projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F. (1998 Inédit
), p.3
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