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La preuve en droit fiscal

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par KAMOUN Fériel
Université de Sfax-Tunisie -  2003
  

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Paragraphe II : Le role actif du juge fiscal

S'il est un domaine où le juge peut et doit jouer un rôle important, c'est bien celui de la preuve en matière fiscale4. Le vrai problème auquel est quotidiennement confronté le juge, est celui de la situation inégale que les textes fiscaux créent souvent entre l'administration, généralement en position de force, et le contribuable5.

L'action du juge en matière de preuve apparaît sur plus d'un plan :

D'une part, l'appréciation des moyens de preuve est du pouvoir souverain des juges de fond. Cette position est constamment rappelée par le T.A.6. Mais, conscient de l'importance de la preuve et de

1 F.-P DERUEL, thèse précitée, p. 96.

2 F.-P. DERUEL, thèse 1962, précitée, p. 98.

3 Selon les articles 16 et 17 du C.D.P.F. L'administration peut se fonder sur des attestations écrites des tiers. Ces attestations ne constitue-t-elles pas une preuve testimoniale.

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Site Internet de Abderraouf YAICH www.profiscal.com sous la rubrique colloque:

son rôle décisif sur l'issue du litige, le T.A. a considéré que le refus de prendre en compte un élément de preuve est un motif de cassation1.

D'autre part, le juge peut intervenir en matière de preuve à travers l'expertise2 pour réunir les éléments de preuve et d'évaluation nécessaires à la solution du litige.

En droit fiscal tunisien, le C.D.P.F. prévoit deux cas de recours à l'expertise. L'article 62 du C.D.P.F. consacre le cas de recours obligatoire à l'expertise3. Selon cet article : « Dans les litiges relatifs aux droits d'enregistrement ou à l'impôt sur le revenu au titre de la plus-value immobilière, le tribunal ordonne d'office une expertise pour évaluer la valeur vénale des immeubles, des droits immobiliers et des fonds de commerce cédés >>. Le caractère d'office de l'expertise semble être justifié dans ce cas par l'importance des intérêts en jeu.

L'article 66 du C.D.P.F. prévoit, quant à lui, le cas de désignation d'un expert à la demande du contribuable. Selon cet article : « En cas d'introduction de modifications nécessitant une nouvelle liquidation des sommes à payer ou restituables, le tribunal peut se faire assister par l'administration fiscale pour établir cette nouvelle liquidation ou désigner, à la demande du contribuable, un expert à cet effet >>. Cet article appelle deux observations :

D'une part, l'article 66 prévoit la possibilité de désignation d'un expert à la demande du contribuable. En pratique, c'est surtout pour l'imposition des contribuables soumis à l'obligation de tenir une comptabilité que l'organisation d'une expertise peut s'avérer utile. Ainsi, en cas de rejet de comptabilité, le contribuable peut demander qu'une expertise soit faite pour prouver le caractère nonfondé du rejet de comptabilité.

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T.A., 10 avril 2001 /32233 (appréciation souveraine des moyens de preuve par CSTO, car question de fait .

- T.A, 5 février 2001, req. n° 32134 (CSTO : appréciation des moyens de preuve) :

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- T.A., 18 octobre 1999, req. n° 31439 ( moyens de preuve : appréciation souveraine CSTO).

- T.A., 18 octobre 1999, req. n° 31503 ( moyens de preuve : appréciation souveraine CSTO).

1 -T.A., 21 mai 2001, req. n°32361 (inédit), voir en annexe n°2 de ce mémoire.

- Voir aussi T.A., 5 février 2001, req. n° 32192, voir annexe n° 2 de ce mémoire.

- T.A. 23 avril 2001, req. n° 31645 :

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2 Sur l'expertise voir :

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- J. DUCHON-DORIS, << Evolution du rôle de l'expertise dans le contentieux fiscal >>, B.F. 3/ 90, p. 159.

- François LOLOUM, << Quelle est la portée du contrôle de cassation en matière d'expertise et de dénaturation ? >>, B.D.C.F. 4/97, n°85, p.5 1-53.

- DELIGNIERES (B.), << Preuve fiscale >>, (généralités, charge et administration de la preuve), juris-classeurs, Proc. Fisc., Fasc. 380, 1994, p. 14 et 15.

3 Voir Note commune n°9, Texte n° D.G.I. 2002 / 22, p. 97, relative au contentieux de l'assiette de l'impôt devant les tribunaux de l'ordre judiciaire objet des articles 53 à 68 du code des droits et procédures fiscaux. Voir en annexe n°3 de ce mémoire.

Il faut noter que le résultat de l'expertise ne lie ni le juge ni l'administration. Celle-ci peut ne pas adopter cette expertise. Mais, le T.A. exige, fort heureusement, que l'administration doit justifier et motiver le rejet de l'expertise1.

D'autre part, l'article prévoit la possibilité de se faire assister par les agents de l'administration. L'expertise confiée aux agents de l'administration fiscale ne va-t-elle pas à l'encontre de l'objectivité requise en matière de justice, n'accroît-elle pas le déséquilibre entre l'administration fiscale et le contribuable, ne constitue-t-elle pas une survivance du problème d'une administration à la fois juge et partie ?

Quoiqu'il en soit, l'intervention du juge en matière de preuve permet de rééquilibrer dans certaine mesure les rapports entre le contribuable et l'administration fiscale. Certes, « le juge n'est pas un supérieur hiérarchique de l'administration ; c'est bien un juge, un contrôleur juridique de l'administration, mais ses décisions peuvent se traduire par une modification directe de l'impôt qui avait été assigné au contribuable >>2 . Ainsi, « à la fonction classique et mécaniste de la preuve, qui est de convaincre le juge en vue de trancher une contestation de droit ou de fait, tend à s'ajouter maintenant une fonction nouvelle, plus dynamique, dans laquelle la preuve devient également pour le juge un moyen de doser le contrôle qu'il désire exercer sur l'activité administrative >>3.

Néanmoins, il ne faut pas exagérer la portée des pouvoirs du juge fiscal4. Il faut observer que « l'environnement fiscal favorable suppose (...) l'existence d'une justice réellement indépendante et réellement compétente pour trancher, en toute impartialité, les litiges fiscaux >>5. Le juge fiscal devrait avoir présent à l'esprit le conseil adressé par le Calife Omar Ibn El KHATTAB dans sa lettre à Abou Moussa EL ACHAARI : « la fonction de cadi (juge) est un devoir religieux précis et une tradition qu'il faut suivre. Ecoutes bien les dépositions qui sont faites devant toi, car il est inutile d'examiner une requête qui n'est pas valide. Tu dois traiter sur le même pied ceux qui comparaissent à ton tribunal et devant ta conscience, de sorte que le puissant ne puisse compter sur ta partialité ni le faible désespérer de ta justice >>.

1 -T.A., 20 mai 2002, req. n°32228 (inédit), voir annexe n°2 de ce mémoire.

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Voir aussi les arrêts du T.A :

- T.A., 7 mai 2001, req. n° 32079 (inédit), voir en annexe n°2 de ce mémoire.

- T.A., 5 juin 2001, req. n°32431.

- T.A., 18 octobre 1999, req. n° 31667.

2 Michel ROUGEVIN-BAVILLE et Cie, << Leçons de droit administratif >> op. Cit., p.530.

3 J.-P. COLSON, << L'office du juge et la preuve dans le contentieux administratif >>, L.G.D.J., Paris 1970, p. 9.

4 Voir :

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5 Néji BACCOUCHE, << L'environnement fiscal de l'entreprise à l'heure de l'internationalisation de l'économie : Le cas tunisien >>, in journées de l'entreprise 9 et 10 novembre 2001, Port El Kantaoui, édition préliminaire.

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

Le C.D.P.F. a davantage renforcé les pouvoirs de l'administration fiscale plus qu'il n'a renforcé les garanties du contribuable. L'administration fiscale apparaît comme une administration puissante. Elle est bien outillée et juridiquement armée.

Les règles présidant à l'administration de la preuve sont telles que les contribuables ne pourront espérer pouvoir faire prévaloir leurs droits que difficilement. Peut être dans cet aménagement a-t-on négligé les contribuables. Leur droit à la preuve, s'il n'est pas encore lettre morte, se rétrécit chaque jour tel une peau de chagrin1.

Comment peut-on alors convaincre le contribuable d'accepter l'impôt en tant que participation à la vie politique et non pas en tant que mal nécessaire ? La lutte contre la fraude fiscale ne se fait pas moyennant les prérogatives exorbitantes de l'administration ou moyennant des dispositions répressives sévères. L'octroi des garanties réelles au contribuable et l'instauration d'impositions modérées sont les véritables solutions durables à la fraude2.

Il convient d'avoir présent à l'esprit que « derrière chaque contribuable il n'y a pas nécessairement un fraudeur. Et mieux vaut laisser échapper un fraudeur que de risquer d'imposer abusivement d'honnêtes citoyens »3.

1 Gérard LUPI, << La preuve en matière d'impôts directs >> ; R.S.L.F. 1955, n°3, p. 584.

2 Néji BACCOUCHE, << L'environnement fiscal de l'entreprise à l'heure de l'internationalisation de l'économie : Le cas tunisien >>, in journées de l'entreprise 9 et 10 novembre 2001, Port El Kantaoui, édition préliminaire, p. 102.

3 P.-M. GAUDEMET, << réflexions sur les rapports du juge et du fisc >>, mélanges M.Waline, t.5, 1974, p.136.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius