Le C.D.P.F. consacre la demande de renseignements,
d'éclaircissements ou de justifications2 sans préciser
l'objet et le domaine de chaque demande. La doctrine considère,
toutefois, qu'il y a une différence de degré entre ces demandes,
qui exige un champ d'application différent3. En droit fiscal
français, le législateur réserve un domaine d'application
différent aux demandes d'éclaircissements et de justifications,
vu leurs conséquences différentes au niveau de la preuve.
La demande d'éclaircissements peut porter sur un point
quelconque de la déclaration. Elle a simplement pour objet de provoquer
des explications du contribuable sur les énonciations de sa
déclaration ou sur les discordances relevées : on exige alors du
contribuable qu'il expose de façon plus compréhensible tel ou tel
fait, sans avoir à apporter de preuves4.
La demande de justifications a un caractère plus
officiel que celle d'éclaircissements. Elle vise à obtenir des
preuves écrites du contribuable qui ne peut se limiter à de
simples explications verbales. En effet, « demander au contribuable une
justification, c'est lui demander la preuve d'un certain fait qu'il avance. Il
ne s'agit donc pas de tenter de se faire expliquer certains points comme dans
le cadre de la demande d'éclaircissements, mais de douter des
énonciations premières fournies par la déclaration. Aussi
l'apparition d'une telle demande est-elle considérée comme le
signe du déclin de la présomption d'exactitude de la
déclaration5. Obliger le contribuable à se justifier
revient à privilégier le contrôle par rapport à la
déclaration »6.
Le recours à la demande de justifications a toujours
été considéré comme la manière la plus
discrète de renverser la charge de la preuve, en permettant d'ailleurs
aux services fiscaux de laisser jouer au contribuable le rôle du
personnage non coopératif ou retors, selon la teneur de sa
réponse7. Cette demande de justifications « est
certainement l'arme de contrôle la plus à redouter par les
contribuables, du fait des difficultés de preuve importantes qu'elle
leur impose »8.
Conscient des abus qu'elle peut engendrer et vu son
caractère redoutable, le législateur français a
limité le champ d'application de la demande de justifications à
des cas bien précis9.
1 Néji BACCOUCHE, << L'environnement fiscal de
l'entreprise à l'heure de l'internationalisation de l'économie :
Le cas tunisien >>, article précité, p. 104.
2 -Article 6 du C.D.P.F. : << L'administration fiscale
peut, dans le cadre du contrôle ou de la vérification
prévus par l'Article 5 du présent code, demander tous
renseignements, éclaircissements ou justifications concernant la
situation fiscale du contribuable >>.
- Article 41 du C.D.P.F. : << L'administration fiscale
peut demander des renseignements, éclaircissements ou justifications en
rapport avec la vérification... >>.
3 Gilles NOEL, << Le juge fiscal et la procédure de
demande de justifications >>, R.F.C. n°273, décembre 1995, p.
19 et s.
4 Gilles NOEL, ibid., p. 20.
5 << Il apparaît donc que la demande de
justifications constitue une contradiction à la présomption
d'exactitude >>, DE LA MARDIERE Christophe, << La
déclaration fiscale >>, R.F.F.P., 2000, n°71, p.141.
6 J-P Casimir, << Les signes extérieurs de revenus,
le contrôle et la reconstitution du revenu global par l'administration
fiscale >>, L.G.D.J., Paris, 1979, préface de Maurice COZIAN, p.1
30.
7 J-P Casimir, ibid., p.133.
8 Gilles NOEL, << Le juge fiscal et la procédure de
demande de justifications >>, article précité, p.1 8. 9 Ces
cas précis sont fixés par l'article L. 16 du L.P.F. :
- La situation ou les charges de famille.
- Les charges retranchées du revenu net global ou ouvrant
droit à une réduction d'impôt sur le revenu.
En droit fiscal tunisien, la demande de justifications a un
caractère général au même titre que la demande de
renseignements et d'éclaircissements. Ainsi, l'administration fiscale
bénéficie d'un privilège supplémentaire dans la
recherche des preuves. Elle peut demander au contribuable n'importe quelle
justification. Du coup, la preuve mise en principe à la charge de
l'administration est assez facile à établir, de sorte qu'il
suffit à l'administration d'adresser au contribuable une demande de
justifications pour obtenir le renversement de la charge de la
preuve1 . En effet, « accorder au demandeur, pour faire la
preuve qui lui incombe, le concours du défendeur renverserait,
disait-on, la charge de la preuve »2.
A vrai dire, l'imprécision des textes quant à
ces demandes, permet à l'administration d'utiliser ses
prérogatives d'une façon exorbitante.