Le droit de vérification2 est régi
actuellement par les articles 36 à 46 du C.D.P.F.3. Il
s'insère dans le cadre d'une procédure contradictoire impliquant
un dialogue entre le contribuable et l'administration. Contrairement au droit
de communication, il ne se limite pas à un examen passif des documents
mais il consiste en un examen critique4. Il vise à s'assurer
de la sincérité des déclarations fiscales, en les
confrontant avec des éléments extérieurs au dossier fiscal
du contribuable5.
Le droit de vérification, qui peut être
préliminaire ou approfondie6, donne de larges pouvoirs
à l'administration7.Grâce à ce droit,
l'administration fiscale peut facilement réunir les
éléments de preuve de l'inexactitude la déclaration
surtout que le cadre temporel réservé aux investigations de
l'administration est assez large.
L'article 40 alinéa 2 et 3 du C.D.P.F. dispose que :
« La durée effective maximale de la vérification approfondie
de la situation fiscale est fixée à six mois lorsque la
vérification s'effectue sur la base d'une comptabilité tenue
conformément à la législation en vigueur et à une
année dans les autres cas >>.
La durée de la vérification approfondie est
calculée à compter de la date de son commencement
mentionnée dans l'avis de la vérification jusqu'à la
notification des résultats de la vérification prévue par
l'Article 43 du présent code.
Toutefois, lorsque la vérification est
différée, son commencement effectif est constaté par un
procèsverbal établi conformément aux modalités
prévues par les Articles 71 et 72 du présent code.
Ne sont pas prises en compte pour le calcul de cette
durée, les interruptions de la vérification intervenues pour des
motifs attribués au contribuable ou à l'administration et ayant
fait l'objet de correspondances sans que la durée totale de ces
interruptions puisse excéder soixante jours >>.
A vrai dire, la durée de vérification, qui est
de 6 mois et peut atteindre une année, est assez longue. Ainsi, le
facteur temps joue en faveur de l'administration fiscale en lui permettant de
réunir les éléments de preuve en toute
tranquillité. Alors que le délai conféré à
l'administration pour réunir les éléments de preuve peut
atteindre une année, le délai octroyé au contribuable pour
se défendre est
1 Maurice-Christian BERGERES, << quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal >>, article précité,
p. 154.
2 Selon l'article 36 du C.D.P.F. : << La
vérification fiscale prend la forme d'une vérification
préliminaire des déclarations, actes et écrits
détenus par l'administration fiscale ou d'une vérification
approfondie de la situation fiscale du contribuable >>.
3 Avant l'entrée en vigueur du C.D.P.F., les
règles régissant la vérification fiscale étaient
régies par la charte du contribuable.
4 Le risque d'interférence entre le droit de
communication et le droit de vérification est possible. Un glissement de
la communication à la vérification est envisageable puisque la
législation fiscale ne définit pas ces deux techniques
d'investigation et ne fixe pas les critères délimitant leur champ
d'application.
En France, face au flou législatif, la jurisprudence a
dégagé des critères de distinction entre le droit de
communication et le droit de vérification. Voir sur cette question H.
AYADI, << Droit fiscal, Taxe sur la Valeur Ajoutée, Droits de
consommation et contentieux fiscal >>, C.E.R.P., Tunis, 1996, p.1 78.
5 H. AYADI, << Droit fiscal, Taxe sur la Valeur
Ajoutée, Droits de consommation et contentieux fiscal >>,
C.E.R.P., Tunis, 1996, p. 182.
6 Article 36 du C.D.P.F.
7 Voir sur la question :
seulement de trente jours1. Le
déséquilibre entre les deux parties, en matière
d'administration de la preuve, est criant.
Bien plus, en pratique, l'administration fiscale a eu
tendance à dépasser le délai légal de
vérification. Le T.A. considère que le moyen tiré du
dépassement par l'administration du délai de la
vérification est important2 et il a sanctionné ce
dépassement dans certains cas3. Mais le T.A., par un
arrêt du 30 octobre 2000, a consacré une solution critiquable qui
entraîne un prolongement interminable de la durée de la
vérification4.
Par ailleurs, deux autres dispositions redoutables permettent
d'élargir davantage le cadre temporel durant lequel s'exercent les
investigations de l'administration.
D'une part, l'article 38 alinéa 2 du C.D.P.F.,
concernant la vérification de second degré, autorise
l'administration à renouveler la vérification approfondie «
lorsqu'elle dispose de renseignements touchant à l'assiette et à
la liquidation de l'impôt et dont elle n'a pas eu connaissance
précédemment >>.Cet article risque de conduire à
l'arbitraire du fisc. La recherche des éléments de preuve peut
être reprise à tout moment au nom d'une découverte de
nouveaux renseignements. Ce qui pourrait aboutir à une deuxième,
une troisième,.. voire à une interminable vérification
fiscale. M. Abderraouf YAICH a précisé à juste titre,
d'ailleurs, que « la révision exceptionnelle de la
vérification est de nature à perpétuer
l'insécurité du contribuable et sa crainte d'être
exposé à un nouveau dérangement voire à
l'arbitraire >>5.
D'autre part, et plus grave encore, est l'article 46 du
C.D.P.F. Cet article dispose que : « L'administration fiscale peut
procéder à une réduction ou à un rehaussement des
résultats de la vérification fiscale, et ce, pour réparer
les erreurs matérielles relatives à l'imposition ou lorsqu'elle
dispose de renseignements touchant à l'assiette ou à la
liquidation de l'impôt et dont elle n'a pas eu connaissance
précédemment (...)
La demande de rehaussement des résultats de la
vérification fiscale est présentée au tribunal de
première instance chargé de l'affaire tant qu'un jugement de
première instance la concernant n'est pas prononcé.
Le rehaussement des résultats de la
vérification fiscale s'effectue, après le prononcé du
jugement de première instance, par arrêté de taxation
d'office...>>. Cet article est critiquable. Que la loi donne à
l'administration le pouvoir de prendre unilatéralement la
décision de rehausser le montant d'une
1 L'article 44 du C.D.P.F. dispose que: << Le
contribuable doit répondre par écrit aux résultats de la
vérification fiscale, dans un délai de trente jours à
compter de la date de la notification >>. voir infra, partie II, chapitre
II, section I.
2 -T.A., 28 janvier 2002 / 32697 : << Le moyen
tiré du dépassement par l'administration du délai de
contrôle est un moyen important. La C.S.T.O. est tenue d'y
répondre positivement ou négativement pour permettre au juge de
cassation d'exercer son contrôle. A défaut, le T.A. casse la
décision de la CSTO pour insuffisance de motivation >>.
Voir dans le même sens, T.A., 12 mars 2001 / 32084 :
<< Le moyen tiré de la violation par l'administration des
délais du contrôle est une question importante et sérieuse
>>.
3 -T.A., 2 juillet 2001 / 32500 (inédit).
-T.A., 12 mars 2001 / 32311 (inédit).
Dans ces deux arrêts, le T.A. a Confirmé la
décision de la C.S.T.O. qui annulé l'arrêté de
taxation d'office pour dépassement du délai de contrôle.
4 -T.A., 30 octobre 2000 / 32169 (inédit).
« La date d 'achèvement de la
vérification ne se matérialise pas nécessairement par la
date de la notification du redressement ».
Cet arrêt est dangereux. Il laisse le champ ouvert
à l'arbitraire du fisc. Il peut aboutir à un prolongement
interminable du délai du contrôle.
Deux questions demeurent sans réponse: quand commence la
vérification?Et quand s'achève-t -elle ?
5 A.YAICH, intervention lors du << congrès de
l'ordre des experts comptables de Tunisie >>, R.C.F. n° 18-1992,
p.99.
taxation annulée ou modifiée par le juge de
fond ( en première instance et en appel), cela peut conduire à
remettre en cause des décisions de justice et à instaurer un
contrôle fiscal continu et pratiquement interminable. Cet article 46 est
loin de sécuriser le contribuable1. Il permet au fisc de
rechercher des éléments de preuve à tout moment,
même après le prononcé d'une décision de justice.