DEUXIEME PARTIE : LE DESEQUILIBRE AU NIVEAU
DE L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE
Le législateur tunisien, malgré son silence sur
la charge de la preuve incombant à
l'administration fiscale1, a pris soin de doter cette
dernière de moyens énergiques qui lui facilitent l'administration
de la preuve.
Il y a là un véritable paradoxe :
l'administration fiscale qui, de par la loi, n'est pas tenue de prouver ; peut
prouver. En revanche, le contribuable qui, de par la loi, doit prouver ; n'est
pas toujours en mesure de le faire, dès lors que celui-ci ne dispose pas
de moyens efficaces, comparables à ceux que possède
l'administration, pour prouver que cette dernière a fait une
évaluation exagérée de ses bases d'impositions. Ainsi, le
contribuable « se sent en nette infériorité, face aux
rouages d'une administration bien rodée à la bataille qu'elle est
entrain de lui livrer »2.
En matière d'administration de la preuve, le
déséquilibre entre les deux parties est criant. A une
prépondérance de l'administration fiscale (CHAPITRE I)
correspond une précarité de la situation du contribuable
(CHAPITRE II).
1 Ceci bien entendu mis à part l'article 108 du C.D.P.F.
qui concerne le contentieux fiscal pénal.
2 Neila CHAABANE, « Les garanties du contribuable devant le
juge fiscal », in actes de colloque sur le contentieux fiscal,
faculté des sciences juridiques de Tunis, le 21 et 22 avril 1995,
p.3.
CHAPITRE I : LA PREPONDERANCE DU FISC DANS
L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE
Le droit fiscal, plus que tout autre droit, illustre dans
certains de ses aspects la permanence et la rigueur des prérogatives de
puissance publique. Tel est le cas en matière de preuve. Ce droit a pu
apparaître comme le serviteur quasi-exclusif des intérêts du
fisc1.
Dans le dialogue avec le contribuable, les agents du fisc
apparaissent comme trop fortement armés2. Grâce au
soutien législatif, l'administration fiscale jouit de pouvoirs
exorbitants pour rechercher les éléments de preuve
(SECTION I). Bien plus, les présomptions constituent un
moyen de preuve privilégié de l'administration fiscale
(SECTION II). Ces deux armes favorisent la
prépondérance du fisc dans l'administration de la
preuve3.
Section I : Les pouvoirs exorbitants de l'administration
fiscale dans la recherche des preuves
On doit admettre qu'il est naturel d'attribuer au fisc des
pouvoirs importants et c'est une erreur de vouloir dissimuler la
véritable essence derrière une collaboration des contribuables
qui sera toujours imparfaite et toujours irritante4. Ces pouvoirs
exorbitants sont justifiés par la nécessité de lutter
contre la fraude fiscale et de saisir une matière imposable qui risque
d'être dissimulée.
Mais, en contrepartie, il faut que de réelles garanties
soient octroyées aux contribuables, surtout que les pouvoirs
d'investigation du fisc sont souvent ressentis comme des atteintes à la
liberté individuelle, voire comme des intrusions dans la vie
privée.
En droit fiscal, l'administration peut à la fois
diligenter elle-même des procédures tendant à rechercher
les preuves, exiger du contribuable les preuves qu'elle n'a pu réunir
contre lui5. Plusieurs procédures de contrôle exigent
du contribuable qu'il fournisse la preuve de la sincérité de ses
déclarations alors même que celles-ci ont été
régulièrement déposées6.
Les techniques de contrôle7 mises à la
disposition de l'administration lui permettent de rechercher les preuves de
l'inexactitude de la déclaration du contribuable. Il s'agit de
prérogatives exorbitantes 8: un droit de
communication particulièrement étendu (paragrapheI),
un droit de vérification interminable
1 M.-C. BERGERES, << Le principe des droits de la
défense en droit fiscal >>, thèse précitée,
p. I.
2 Marc BALTUS, << Morale fiscale et renversement du fardeau
de la preuve >>, article précité, p. 135.
3 La prépondérance du fisc dans l'administration
de la preuve apparaît aussi dans le contentieux fiscal pénal,
à travers l'attribution d'une force probante particulière aux
procès-verbaux des agents de l'administration fiscale. L'article 71 du
C.D.P.F. dispose que : << Les procès-verbaux relatifs aux
infractions fiscales pénales sont établis par deux agents
assermentés ayant constaté personnellement et directement les
faits qui constituent l'infraction, ces procès-verbaux font foi
jusqu'à preuve du contraire >>. Il faut noter que
l'attribution d'une force probante particulière aux
procès-verbaux de l'administration fiscale, constitue une
dérogation au principe général qui interdit de se
créer un titre à soi-même.
4 Jean BOULOUIS, << Procès du juge fiscal >>,
R.S.F. 1957, n°4, p.656 et s.
5 Didier DE MONTBRIAL, <<La fiscalité, les
libertés et l'Etat de droit>>,Gaz. Pal. 1985, 2ème
sem. p. 655.
6 DE LA MARDIERE Christophe, << La déclaration
fiscale >>, R.F.F.P., 2000, n°71, p.140.
7 Le C.I.R a réglementé le contrôle fiscal
dans les articles 63, 64, 65. Mais, les dispositions législatives du
C.I.R étaient lacunaires. Le législateur ne s'est tellement pas
soucié de prévoir avec précision les règles devant
régir le contrôle fiscal. Le C.D.P.F., tout en légalisant
les règles régissant le contrôle fiscal qui étaient
prévues par la charte et le C.I.R., a apporté certaines
modifications par rapport à l'ancienne législation
régissant le contrôle fiscal. Il n'a fait que consolider les
pouvoirs de l'administration fiscale.
8 Voir sur la question :
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.94-41 . 2002 " -
(paragraphe II), une demande de renseignements,
d'éclaircissements ou de justifications générale
(paragrapheIII) et un droit de visite redoutable
(paragrapheIV).
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