6. EXPERIENCES DES AUTRES
PAYS
Au cours des deniers siècles, dans la plupart des pays
du monde, l'école ou l'éducation formelle s'est malheureusement
révélée incapable d'atteindre un pourcentage significatif
des populations de tous les pays et de satisfaire leurs multiples besoins
d'apprentissage. Plusieurs tentatives faites pour universaliser
l'éducation sont récentes et lentes. En plus, quelques pays
seulement ont réussi à implanter quelques opportunités
destinées à satisfaire les besoins de base de leurs peuples par
l'éducation : quelques pays de l'Europe occidentale et orientale,
de l'Amérique du nord et le Japon en Asie sont des exemples reconnus
parmi les pays développés. Dans le monde en développement,
le cas de Taiwan, Singapore, et la République de Corée sont
avancés comme preuve servant à soutenir l'argument selon lequel
l'éducation quelle qu'elle soit, formelle, informelle ou non formelle
peut garantir le développement d'un pays si elle est organisée,
consciemment planifiée et continuellement soutenue à cette
fin.
Il convient toute fois de relever un fait. Ce que, le
caractère hétérogène des activités
d'éducation non-formelle se prêtent difficilement à des
mesures à l'intérieur d'un pays et encore moins pour comparer les
tendances entre différents pays comme il le serait pour
l'éducation formelle.
Cependant, dans son ouvrage sur la « crise mondiale
de l'éducation », COOMBS P. (1985, p.67) décrit les
programmes d'éducation non-formelle organisés par quelques pays
du tiers monde.
Les études des cas réalisées par le
Conseil international pour le développement de l'éducation (ICED)
dans quelques pays en voie de développement, ainsi que nombreux
documents publiés, illustrent la diversité de ces programmes
d'éducation non-formelle et leur rapport avec les besoins locaux. Qu'il
s'agisse d'agriculture, d'approvisionnement en eau, de santé, de
planification des naissances, d'industrie rurale, et de formation
professionnelle pour les adultes et les jeunes non scolarisés.
En effet, certaines analyses (celles des ICED par exemple)
illustrent les liens étroits de cette grande diversité de
programmes avec les besoins locaux et les objectifs de développement
spécifiques (dans tous les secteurs de la vie).
De plus en plus des gouvernements des pays en
développement ont pris des mesures en vue de stimuler, d'aider et
d'harmoniser les activités éducatives non-formelles grâce
à des organisations volontaires.
Quelques exemples des programmes des pays en
développement permettent de se rendre compte de la manière dont
sont organisées ces initiatives de l'ENF, ainsi que leurs contributions
dans l'encadrement des catégories sociales déterminées:
1°. En Indonésie
Le ministère de l'éducation et de la culture a
créé en 1975, un conseil d'éducation non-formelle qui sert
de centre de documentation et d'assistance aux autres ministères et ONG
participant à cette activité. Son autre fonction est de
superviser ce type de programmes pour lesquels le ministère de
l'éducation est directement responsable.
2°. En Thaïlande
Quelques programmes ont été mis en place. De
ce nombre citons :
- Le programme d'équivalence scolaire de
« seconde chance » destiné aux jeunes qui habitent
dans des petites villes ou dans la campagne environnante.
- Un service de planning familial communautaire, non
gouvernemental et très actif, s'occupant aussi des soins de santé
primaire est créé par le Ministère de la santé en
collaboration avec le Ministère de l'éducation nationale.
3°. Au Brésil
A l'initiative du gouvernement, l'université SAO MARCOS
a mis en place des programmes et des projets sociaux dont le projet
« Partenaires de l'ENF » constitue un
espace d'éducation non-formelle. Ce projet est tourné vers le
développement d'habiletés, des compétences et d'attitudes
sociales, en vue d'une participation démocratique et une scolarisation
des enfants et des adolescents provenant d'un contexte social marqué par
des indices importants de pauvreté, de chômage ou de sous emploi
et de violence. Ce projet organise des activités dont la finalité
est de fournir des connaissances, des informations et de développer les
habiletés et attitudes qui ont pour résultat une meilleure
qualité de vie. Entendu, un accès aux biens culturels.
4°. En Colombie
Le service national de l'apprentissage (SENA) du
Ministère de l'éducation nationale a mis en place un programme de
formation professionnelle qui s'adresse aux jeunes et aux adultes, hommes ou
femmes habitant dans les zones rurales reculées.
Aussi, le programme ACPO, avec sa propre station de radio
nationale, son journal hebdomadaire et son matériel conçu pour
autodidactes, travaille avec des groupes d'apprentissages locaux.
Ils ont pour but de venir en aide aux familles pauvres des
campagnes les plus éloignées et de les intégrer dans les
efforts de production.
5°. En Inde
Il fut crée par des jeunes universitaires des zones
urbaines, le centre de recherche et d'aide sociale du Rajasthan. Un organisme
bénévole unique visant à encourager les populations
rurales à résoudre elles-même leurs problèmes dans
divers domaines : agriculture et irrigation, santé, alimentation et
planning familial, industrie rurale employant hommes et femmes.
6°. En République de Corée
Le programme de Community Based Integrated rural
development (C-BIRD) permet à des villages de se regrouper pour
organiser et mettre en oeuvre leur propre développement, en
sélectionnant certains types d'aides gouvernementales ou
extérieures afin de surmonter les obstacles à leur expansion.
L'expérience sud-coréenne la plus connue est
sans doute celle de Canaan School qui a inspiré une autre d'une
grande envergure nationale, le Saemaul Undong ou New Community
Movement, un mouvement de développement communautaire qui a
considérablement une forte impulsion sur le développement que
connaît la Corée du sud. Dans ce pays, l'éducation en
général est reconnue avoir contribué au
développement de la nation. Un cas rare d'un pays sans ressources
naturelles qui a su valoriser l'homme, la meilleure et la plus importante des
ressources. Ils ont également su exploiter et mettre à
contribution les différentes sortes d'éducations dont l'ENF, dans
le processus de développement pour arriver là où ils sont
aujourd'hui.
7°. En République-Unie de
Tanzanie
On ne peut comprendre le rôle de l'ENF en Tanzanie sans
se référer à la philosophie de l'éducation de
NYERERE et sans évoquer ne fut-ce que brièvement la
spécificité de son idéologie du développement.
Alors que NYERERE formulait sa philosophie de l'éducation, les objectifs
et les stratégies de développement de la République Unie
de Tanzanie étaient fondés sur les principes du socialisme et de
l'autosuffisance énoncés dans la Déclaration d'Arusha de
1967. Le socialisme mettait l'accent sur l'idée de
l'égalité des chances et sur la nécessité de
réduire l'injustice sociale (NYERERE, 1978, 340).
Dans le contexte de pauvreté et de
sous-développement qui était alors celui de la
République-Unie de Tanzanie, la Déclaration d'Arusha soulignait
la nécessité de mobiliser les ressources humaines au service d'un
développement autosuffisant au lieu de ne compter que sur les ressources
financières ou matérielles : « Le
développement d'un pays s'opère grâce à l'homme non
grâce à l'argent. L'argent, et la richesse qu'il
représente, n'est pas le point de départ du développement,
il en est le résultat ». (NYERERE, op.cit. p.243). Le
développement a été centré sur les régions
rurales, choix réaliste étant donné que l'écrasante
majorité de la population vivait et tirait ses revenus de l'agriculture
de subsistance. En outre, le développement rural visait à
encourager la population à vivre et à travailler en
coopération dans des villages organisés, ou Ujamaa (mot
kiswahili signifiant « famille », concept sur lequel est
fondé le socialisme Tanzanien).
Les plans et politiques de développement devaient
porter sur le plus grand nombre, d'où l'importance du
développement rural. Il fallait aussi que la population participe
activement à son propre développement et qu'elle en ait la
maîtrise.
La philosophie de NYERERE s'articule autour de deux grands
thèmes :
· L'éducation pour l'autonomie et
l'éducation des adultes (l'éducation permanente y comprise)
et ;
· L'éducation pour la libération
L'éducation pour l'autosuffisance
L'essentiel de la philosophie de NYERERE, en matière
d'éducation est énoncé dans son document directif de 1967,
intitulé Education for Self-Reliance (l'éducation pour
l'autosuffisance), sans risque de nous tromper, nous pouvons nous permettre
d'affirmer que l'Education for Self-Reliance :
1. Critiquait le caractère insuffisant et
inadapté de l'éducation coloniale
2. Esquissait le type société que la
République-Unie de Tanzanie tente d'édifier
3. Examinait certaines caractéristiques dominantes du
système d'éducation qui existait autour des années 1967
à la lumière de la stratégie et des buts nouveaux du
développement socialiste ;
4. Proposait des changements visant à transformer le
système éducatif pour qu'il soit mieux adapté aux besoins
et aux objectifs d'une société socialiste à
économie rurale.
C'est ainsi que l'ENF s'est vue accorder une place importante
dans le système éducatif Tanzanien.
En effet, NYERERE reprochait au système éducatif
formel Tanzanien de décourager l'intégration des
élèves dans la société et de favoriser chez eux des
comportements injustes et individualistes ainsi qu'un sentiment de
supériorité intellectuelle. Il critiqua l'éducation
formelle d'être fondamentalement élitiste et visant les besoins et
les intérêts de la toute petite proportion, de ce qui y a lieu de
faire de chacun, un citoyen responsable en permettant à tous :
· L'apprentissage des valeurs sociales (préparer
les jeunes à l'activité utile à une société
rurale dans le domaine de l'agriculture et du développement des
villages).
· La formation des bons agriculteurs
Le système éducatif doit préparer
à assumer ses responsabilités, à penser par
lui-même, à se faire une idée sur les questions qui le
concernent, à interpréter les décisions prises par les
institutions démocratiques de la société et à les
mettre en oeuvre compte tenu des conditions propres du lieu où il
vit.
Dans cette philosophie, l'ENF devait s'adresser aux adultes
afin d'éveiller la conscience et l'esprit critique des citoyens pour
qu'ils saisissent la nécessité et la possibilité de
changement. Aussi d'aider les citoyens à déterminer la nature du
changement souhaité et les moyens de l'opérer. Ces deux fonctions
de l'éducation résument ce que Paulo FREIRE a appelé le
processus de « conscientisation » qui vise à
modifier le regard pessimiste et fataliste de l'homme sur la
réalité et à lui permettre d'acquérir une vision
« critique » de son environnement.
Bref, dans le contexte propre à la
République-Unie de Tanzanie, NYERERE énonce trois objectifs
principaux de l'ENF des adultes :
· Arracher les Tanzaniens à la résignation
dans laquelle ils vivent depuis des siècles
· Leur montrer comment améliorer leurs conditions
de vie
· Les aider à comprendre les principes du
socialisme et l'autosuffisance sur lesquels repose la politique nationale.
Ce sont là les quelques programmes d'éducation
non-formelle à travers le Tiers-Monde.
En conclusion, on peut le constater qu'ailleurs, l'ENF
constitue toute une filière avec un programme précis
élaboré et approuvé par les institutions expertes en
matière d'éducation dont le ministère de
l'éducation nationale. Aussi, dans la plus part de ces pays,les
objectifs de l'ENF sont intégrés dans les objectifs de
développement de la nation. Ce qui n'est pas encore le cas en R.D.Congo
où non seulement l'ENF n'a pas une structure qui assure sa coordination,
mais elle est parfois considérée comme une affaire sociale
apportant l'aide aux défavorisés.
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