De L'exercice des droits et libertes individuels et collectifs comme garantie d'une bonne gouvernance en afrique noire : cas de la république démocratique du congo( Télécharger le fichier original )par Pierre Félix KANDOLO ON'UFUKU wa KANDOLO Université de Nantes / Université de Lubumbashi - DU 3eme cycle Droits fondamentaux 2005 |
B. Définition de la Bonne GouvernanceIl est des termes qui s'introduisent insidieusement dans le lexique politique d'aujourd'hui sans que nul n'y prête attention et sans qu'on les ait défini préalablement. C'est seulement lorsqu'ils sont en quelque sorte fondus dans le décor qu'ils se révèlent pour ce qu'ils étaient depuis le départ, non pas de simples mots, mais des éléments structurants d'une construction idéologique et philosophique. Tel est aujourd'hui le cas de deux expressions apparemment fourre-tout, dont les médias font ces jours une forte consommation : bonne gouvernance et droits de l'homme. Si peu des citoyens ont une idée précise de ce qu'est cette fameuse « gouvernance ». On ne fera pas l'injure aux décideurs de penser qu'ils emploient ce terme sans discernement. A cette expression, plusieurs définitions sont avancées, les unes voient dans la gouvernance le seul aspect original de l'économie, les autres la transforme à l'aspect politique, les autres encore rassemblent les deux aspects et y ajoutent l'aspect juridique ou formel. En effet, retenant les points de vue émis à la fois par le Conseil d'analyse économique créé par l'ex-Premier Ministre Français, Lionel Jospin, dans un ouvrage tiré d'un colloque organisé avec la Banque mondiale et intitulé « Gouvernance, Equité et Marchés Globaux »190(*), et par la Commission de Bruxelles, dans le document intitulé « Livre Blanc sur la gouvernance européenne », publié en juillet 2001 et adopté par le Conseil Européen de Bruxelles en décembre 2001, donne la définition suivante de la bonne gouvernance : « L'ensemble des règles, des procédures et des pratiques qui affectent la façon dont les pouvoirs sont exercés à l'échelle européenne », et ce dans une démarche qui « occupe la zone intermédiaire entre le plus tout à fait administratif et le pas encore constitutionnel »191(*). Cette définition de la bonne gouvernance en Europe ne peut nous paraître complète en ce qu'elle situe la gouvernance entre le droit administratif qui contient les règles favorables à la gouvernance et le droit constitutionnel qui ne les a pas encore inséré. Elle exclut l'économie qui constitue la base même de la bonne gouvernance. Pour Marie-Claude Smouts, Directrice de recherche au Centre National de Recherche Scientifique : « Le concept gouvernance est lié à ce que les grands organismes de financement en ont fait : un outil idéologique pour une politique de l'Etat minimum »192(*). Un Etat où, selon Ali Kizancingil, « l'administration publique a pour mission non plus de servir l'ensemble de la société, mais de fournir des biens et des services à des intérêts sectoriels et à des clients consommateurs, au risque d'aggraver les inégalités entre les régions du pays »193(*). De leur coté, Ferdinand Kapanga Mutombo194(*) et Kheimaïs Chammari195(*) donnent une définition beaucoup plus réaliste de la gouvernance : la bonne gouvernance est «l'exercice de l'autorité politique, économique et administrative pour gérer à tous les niveaux les affaires d'un pays. Elle comprend, de ce fait, les processus, les mécanismes et les institutions au moyen desquels les citoyens et les divers groupes articulent leurs intérêts, exercent leurs droits, assurent leurs obligations et négocient pacifiquement et conformément à des lois, donnant une chance égale à tous et à toutes, leurs différends et leurs conflits ». Englobant en plus de l'Etat, le secteur privé, et la société civile, la gouvernance, qualifiée de bonne au sens où elle doit tendre à une amélioration progressive et continue, ajoute ainsi une dimension normative aux objectifs de gestion et de croissance ». Cette définition nous paraît répondre aux voeux et à l'idéologie de ceux qui ont répandu la notion de la Bonne gouvernance. En effet, outre qu'elle exige la responsabilisation des décideurs à tous les échelons de l'appareil de l'Etat, la définition précitée fait ressortir non seulement les aspects politiques, administratifs et économiques, mais également ceux juridiques, notamment la primauté du droit, l'application impartiale de la règle de droit, l'égalité de tous et celle des chances, la participation de tous les citoyens dans la gestion de la res publica, la transparence, l'équité, l'efficacité et l'effectivité, concepts aussi exigés pour l'exercice effectif des droits de l'homme. Pour la Banque Mondiale, la gouvernance est traduite comme « la manière par laquelle le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d'un pays au service du développement »196(*). Le Comité d'aide au développement de l'OCDE, dont les travaux se sont inscrits dans la mouvance de ceux de la Banque Mondiale, la définit comme « l'utilisation de l'autorité politique et l'exercice du contrôle en rapport avec la gestion des ressources d'une société en vue du développement économique et social »197(*). Plusieurs définitions peuvent encore être avancées. Même si elles sont nombreuses, le terme gouvernance a trait en général à la nature des droits qui façonnent l'exercice du pouvoir politique et à la relation qui existe entre ceux qui sont au pouvoir et ceux qui ne le sont pas198(*). Ce que nous pouvons retenir de ces définitions ce qu'il s'agit là d'une remise en question radicale des formes actuelles et conditionnelle souhaitées par tous les Etats. Delà, il faut remarquer les valeurs de la bonne gouvernance : la gestion saine du service public, la responsabilisation des gouvernants, le cadre légal du développement et l'Etat de droit ainsi que l'information ouverte. Mais à quelles conditions admet-on la bonne gouvernance et quels sont ses indicateurs ? * 190 Cet ouvrage a été traduit en anglais sous le titre « Governance, equity and global marckets », the annuel book conference on development economics-Europe, sous la direction de Joseph E. STIGLITZ et Pierre-Alain MUET, oxford university press, Oxford, 2001, 324p., 25 livres. * 191 CASSEN, B., « art.cit. ». * 192 SMOUTS, M-C., «art.cit.». * 193 KAZANCINGIL, A., « Gouvernance et science : mode de gestion de la société et production du savoir empruntés au marché », Revue Internationale des sciences sociales, Unesco, Paris, n°155, mars 1998. * 194 KAPANGA, M. F., « La Bonne Gouvernance et le Développement Humain » in LIGUE CONGOLAISE DES ELECTEURS, Op.cit., p.9. * 195 CHAMMARI, K., « Gouvernance, Décentralisation, Droits de l'homme et société civile », Atelier sur la gouvernance à l'intention des journalistes Maghrébins, Nouakchott, 17 au 18 mai 2000, online : http://www.pnud.mr/gouvernance/seminaire/chammari.htm. * 196 « La Bonne gouvernance » : l'exigence de profondes réformes institutionnelles pour garantir la croissance et le développement des pays soumis à l'ajustement structurel, Op.cit, p. 2. * 197 Idem. * 198 AGENCE CANADIENNE DE DEVELOPPEMENT INTERNATIONAL (ACDI), La gouvernance en Afrique, online : http :www.acdi.org. |
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