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Comme l'affirme Jean ZIEGLER :
« Ce qui est montré est à expliquer par ce qui ne se montre pas, car le plus caché est le plus véridique » (1981 : 20).
La politique des bailleurs de fonds en matière de coopération non gouvernementale semble ne pas échapper à cette logique. La compréhension de cette politique nécessite une analyse en profondeur de sa pratique, question de découvrir ses non-dits ou ses aspects cachés. Quels peuvent alors être les non-dits de cette politique de coopération ? La réponse à cette question passe par un examen critique de cette politique dans sa pratique.
La coopération non gouvernementale figure à l'ordre du jour des programmes de coopération des bailleurs de fonds sur lesquels ont porté les observations relatives à cette étude. Mais, cette figuration semble tout simplement répondre à un besoin de conformité aux exigences de la communauté internationale relatives à l'implication des acteurs non gouvernementaux dans les initiatives de développement.
En effet, l'une des causes de l'échec de la plupart des projets de développement reconnue par la communauté internationale est la non implication des populations d'accueil dans les initiatives de développement. Cette prise de conscience a conduit à un changement d'approche dans les initiatives de développement et s'est fait jour la promotion du processus participatif dans le développement. L'institution de la coopération non gouvernementale participe de la volonté de la communauté internationale de traduire en réalité ce processus participatif dans les initiatives de développement. La coopération non gouvernementale est alors devenue une mode en matière de coopération pour le développement et une pratique à laquelle sont appelés à se prêter les donateurs et les institutions internationales de coopération pour le développement. C'est cette logique de conformité aux exigences de la communauté internationale en matière de coopération pour le développement qui semble justifier l'existence du volet coopération non gouvernementale dans les programmes des bailleurs de fonds qui ont fait l'objet de notre étude. Certaines pratiques relatives à leur politique en matière de coopération non gouvernementale confirment la thèse de la logique de conformité.
Dans les relations avec la Banque mondiale, les ONG nationales ne bénéficient véritablement d'un appui financier que dans le cadre des crédits que la Banque accorde à l'État. Car, l'une des conditions de l'accord de crédits exigée par la Banque mondiale est l'allocation d'une proportion de ces crédits aux ONG nationales, question de les impliquer dans les projets pour lesquels les crédits sont destinés. Dans ce contexte malheureusement, seul l'État maîtrise les critères de choix des ONG nationales et en plus, l'État n'est pas toujours d'accord sur cette condition. D'après un de nos enquêtés auprès de la Banque mondiale, l'État est réticent quant à l'implication des ONG dans ses projets. Et cette réticence, poursuit-il, s'explique par le manque de confiance de l'État aux ONG nationales. Qui plus est, dans cette logique d'implication des ONG nationales dans les projets de l'État financés par la Banque mondiale, le nombre d'ONG requis est suffisamment insignifiant pour établir une implication véritable des ONG nationales dans les projets. En fin de compte, cette implication, compte tenu de la réticence de l'État et de son insignifiance tient tout simplement lieu de formalité.
En dehors du cadre étatique, l'appui financier de la Banque mondiale aux ONG nationales est résiduel et, la Banque ne dispose presque pas de ligne budgétaire pour les ONG. Il s'agit tout simplement des micro-subventions momentanées comme l'affirme un de nos enquêtés auprès de cette institution. Pourtant, c'est dans ce cadre qu'abondent les ONG qui sollicitent l'appui de la Banque pour la réalisation des projets. C'est alors pour combler l'absence de ligne budgétaire pour les ONG que la Banque fait dans la facilitation des contacts entre les ONG nationales et les autres bailleurs de fonds. C'est pour les mêmes raisons qu'elle ne fait pas écho de son programme de coopération non gouvernementale. La coopération non gouvernementale est dans ces conditions, une activité accessoire dans les programmes de coopération de la Banque mondiale, l'essentiel étant les relations avec le gouvernement. La Banque mondiale n'ayant pas encore institutionnalisé le volet coopération non gouvernementale, il s'agit pour elle d'entretenir en son sein l'idée de la promotion de l'implication des acteurs non gouvernementaux dans les initiatives de développement, telle que recommandée par la communauté internationale. C'est dans cette mesure que les actions de la Banque mondiale à l'endroit des acteurs non gouvernementaux relèvent d'un besoin de conformité et de ce fait, est une formalité.
L'Union européenne également n'échappe pas à cette logique. En fait dans son programme de coopération non gouvernementale, l'implication des ONG nationales se fait dans les activités accessoires, les activités principales étant conduite par le Groupe CERFE. Les activités des ONG nationales consistent en la communication (ASSOAL), en l'animation et en la sensibilisation (APICA, RUHD et RUHY) et en la recherche (CANADEL). Cette démarche traduit la position accessoire des ONG nationales dans le programme de coopération non gouvernementale de l'Union européenne. De plus, les ONG nationales interviennent dans la posture des bureaux d'étude : prestataires de service de communication, de sensibilisation , d'animation et de recherche. Il s'agit là d'une posture qui ne crée pas des conditions favorables à l'appropriation des initiatives par ces ONG, lesquelles conditions sont reconnues comme le gage de la réussite des initiatives de développement. Dans ces conditions, l'implication des ONG nationales tient tout simplement lieu de justification du caractère non gouvernementale du programme. En cela, l'implication des ONG nationales dans le programme de développement de L'Union européenne est une question de formalité.
Quant à la politique de l'Agence canadienne de développement international en matière de coopération non gouvernementale, elle échappe à cette logique dans sa pratique. Mais alors, est-ce à dire qu'elle est au-dessus de tout soupçon ?