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A mes parents :
· Mon père, feu Etienne NGATOM, que je n'ai pas connu.
· Ma mère, Julienne NGATOM, pour son infatigable soutien.
REMERCIEMENTS
La réalisation de ce travail a bénéficié du soutien de plusieurs personnes auxquelles nous tenons à témoigner notre gratitude.
L'étude s'est faite sous la conduite éclairée de notre encadreur académique, le professeur Ferdinand CHINDJI KOULEU. Nous lui témoignons notre gratitude pour cette laborieuse tâche.
Les contributions de notre maman Julienne NGATOM, de nos oncles messieurs Emmanuel KWEFFO et Michel MEGAPTCHE, de nos tantes mesdames Hélène PUEPI, yvette YIMGNA, Jacqueline NJITCHE et Brigitte KOUONANG, de nos frères Crépin SALIF et Abdou Karim NJOYA, ont été d'une grande importance pour la mise au point de ce travail. Nous leur adressons nos remerciements pour ce remarquable soutien.
Le professeur Jean MFOULOU, messieurs Jean MBALLA MBALLA Joseph TEDOU, Nicolas KAMGAING, Georges BEKONO NKOA et Blaise Pascal TOUOYEM, nous ont facilité l'accès aux informations relatives à cette étude . Les uns par la mise à notre disposition de la documentation, les autres par la facilitation de contacts avec les personnes-ressources. Nous leur témoignons notre gratitude.
Nous remercions également toutes les personnes ressources, toutes les organisations non gouvernementales, associations et tous les organismes internationaux auprès desquels nous avons recueilli les informations. Nous ne pouvons malheureusement pas tous les citer, qu'ils retrouvent ici l'expression de nos sincères remerciements.
Les entretiens eus avec Honoré MIMCHE et Gilbert FOKOU dès les premières heures de la conception de ce sujet, ont contribué à l'éclairage de notre lanterne sur le sujet. Nous leur sommes également reconnaissant.
Notre frère sidoine NGATOM, nos amis Hubert POLLA, Vivien MELI, Eddy FONKOUO, Robert TEFE, Jean YEMENE, Klébert FANGSEU, Flaubert WATAT, Younchaou PEFOURA, Rufus BIGDA, Aimé NAYANG, Jules NKONMEGNE, Gilles NGANSOP, Pascal PIEGANG, Simplice FEUGANG, Hugues TCHABO, Florette KOGMEGNE, Laure MOUKAM, Serge NGANSOP et Pythagore TCHUIDJANG ont très positivement influencé ce travail par leurs encouragements permanents. Nous leur témoignons notre gratitude.
Nous ne saurions oublier la secrétaire, Gisèle KAMENI, pour la délicate tâche de saisie de ce travail. Qu'elle trouve ici l'expression de notre reconnaissance.
TABLE DES MATIÈRES
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LISTE DES ILLUSTRATIONS
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LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
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ABSTRACT
This study centres on the yawning gap between the high resort to non-governmental co-operation and the ever-growing impoverishment of the Cameroonian people.
Since the shortcomings of «centralised» or «classical» co-operation gave a lot of credit to non-governmental co-operation in poverty alleviation, it was hoped that this type of co-operation in Cameroon would reduce poverty considerably among cameroonians. However, this is far from being the case. This study therefore aims to account for this situation by bringing out the factors responsible for it.
Given that in non-governmental co-operation NGOs and their «support partners», which are financial donors and the benefiting (receiving) population, are bound to work together, two factors have been discussed in this work. The first concerns the co-operation policy, which governs relations between financial donors and national NGOs. The second deal with the working strategies of national NGOs in this co-operation. For working both with financial donors and benefiting population, as and intermediary in this co-operation, national NGOs must have working strategies whose examination can help us to account for this guilt between the high resort to non-governmental co-operation and the ever-growing impoverishment of the Cameroonian people.
Three theoretical approaches were used in analysing: the socio-critical approach, the system approach and the strategic approach.
From this study, the solutions to the problem raised by non-governmental co-operation are found at the same time in the two factors mentioned earlier.
1 - Justification du sujet
Cette étude est essentiellement motivée par le changement que connaît la coopération internationale pour le développement dans les pays en développement parmi lesquels le Cameroun. En fait, le recours à la coopération non gouvernementale a été justifié par les « faux pas » de la coopération « classique » dont l'efficacité était de plus en plus remise en question. L'intérêt pour la coopération non gouvernementale s'explique alors par la crise de la coopération interétatique sous toutes ses formes, « une crise dont les principaux facteurs sont entre autres l'influence que les pays donateurs exercent sur les politiques de développement des pays africains récipiendaires, les lourdeurs administratives, la corruption des gouvernants et les détournements de fonds publics dans les pays bénéficiaires »( J.J. ATANGANA, 1992 :106).
Avec l'institution de la coopération non gouvernementale comme alternative aux difficultés de la coopération « classique » ou interétatique dans la lutte pour la réduction de la pauvreté, on se serait attendu à une réduction remarquable de la pauvreté au Cameroun. Devant le constat plutôt discordant, il y a lieu de s'interroger sur les causes ou tout au moins, les facteurs de blocage de la contribution de cette forme de coopération à la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun. Le gouvernement dans le cadre de cette coopération, ayant été substitué dans la canalisation de l'aide au développement par la société civile et plus particulièrement les ONG nationales, il nous a semblé opportun de nous interroger sur les relations qu'entretiennent les acteurs de cette forme de coopération dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun.
2 - Délimitation du sujet
La présente étude sur la coopération non gouvernementale porte sur les relations entre les ONG nationales et les bailleurs de fonds d'une part, et entre les ONG nationales et les populations bénéficiaires d'autre part. Dans le cadre de cette étude, seules les relations sociologiques entre ces acteurs dans le cadre de la lutte pour la réduction de la pauvreté sont prises en compte.
3 - Intérêt de l'étude
Cette étude a un intérêt à la fois théorique et pratique.
Sur le plan théorique, elle se situe dans le courant des analyses transnationales des relations internationales et contribue à montrer l'importance de ce courant dans l'analyse de la coopération pour le développement. Elle fait également une analyse sociocritique, systémique et stratégique des relations entre les principaux acteurs de la coopération non gouvernementale que sont les bailleurs de fonds et les ONG nationales.
Sur le plan pratique, le phénomène d'organisation non gouvernementale a pris de l'ampleur au Cameroun. Les interventions des ONG nationales se caractérisent souvent par la souplesse de leur approche et par un travail proche des acteurs à la base, compensant ainsi la lourdeur de l'aide publique traditionnelle. Cependant, leur prolifération et leurs résultats peu probants ont suscité bien de déconvenues sur le terrain et semé souvent le doute dans l'esprit du grand public sur l'opportunité de leurs actions. Cette étude se veut être une tentative de clarification des relations entre les ONG nationales et leur « environnement de soutien » que sont les bailleurs de fonds et les populations bénéficiaires.
4 - L'état des lieux du sujet
L'aide au développement et la réduction de la pauvreté constituent, depuis plusieurs décennies, des défis qu'affronte la communauté internationale. Cette aide , sous la forme bilatérale et multilatérale, s'est depuis près d'une trentaine d'années effectuée dans le cadre de la coopération dite « classique » ou « centralisée ». cette forme de coopération, caractérisée par le contrôle exclusif ou le monopole des acteurs étatiques ou gouvernementaux, a fait l'objet d'un certain nombre de critiques issues à la fois d'une certaine conception du développement et de son impact sur la réduction de la pauvreté.
En effet, l'émergence de la notion de développement a eu pour conséquence la division manichéenne du monde : les développés d'un côté et les sous-développés de l'autre. La perception du sous-développement comme retard par rapport à l'Occident (les développés), retard qu'il faut aider les sous-développés à rattraper, a sous-tendu la théorie évolutionniste de Rostow qui trace les étapes essentielles et inévitables du développement. Cette philosophie du retard qui fonde le développement sur le paradigme de la prééminence de l'économie voire son inéluctabilité, a laissé peu de place à l'homme et au social. Les initiatives de développement inspirées de ces vues occidentalocentriques et unilinéaires ont connu des échecs.
De plus, cette forme de coopération n'a pas produit les effets escomptés sur la réduction de la pauvreté. Selon le PNUD (1998 : 70), l'impact de cette coopération a été réduit du fait « des circuits administratifs faits de lourdeurs bureaucratiques et improductifs qui ont été à l'origine des échecs répétitifs de certains programmes de développement ».
La réflexion sur « la dimension culturelle du développement » qui a réuni à Paris en 1992 la Banque mondiale, l'UNESCO et d'autres organisations de développement, a reconnu l'échec de la plupart des stratégies de développement adoptées pendant les trois dernières décennies. Cet échec s'explique par «une conception étroite du développement qui ne prend pas en compte la diversité des cultures et des sociétés dans le monde ». (SERAGELDIN et TABOROFF, 1992 : 15). La prise de conscience de cet échec a eu pour conséquence un changement de perspective sur le développement. Il s'est imposé la nécessité d'une articulation entre développement et sociétés, et s'est fait jour la complexité du phénomène développement et sociétés, de même que la multitude de voies pour y parvenir.
La communauté internationale a réaffirmé sa volonté de lutter pour la réduction de la pauvreté. Au sommet mondial pour le développement tenu à Copenhague en 1995, les participants ont fixé comme objectifs l'éradication de la pauvreté dans le monde par des mesures décisives, au niveau national et international. Parmi les objectifs internationaux de développement, les bailleurs de fonds ont inscrit la réduction de la pauvreté de moitié entre 1990 et 2015 (BM, 2000 :224). La conférence de Copenhague n'a été qu'un maillon d'une chaîne de conférences qui se sont intéressées de près à la problématique du développement social. La Conférence sur « l'éducation pour tous » (Jomtien, Thaïlande : 1990), la Conférence mondiale sur les droits de l'homme (Vienne, Autriche, 1993), la Conférence mondiale sur les femmes (Beijing, Chine, 1995), la Conférence sur les établissements humains « Habitat » (Istanbul, 1996) ont été autant d'étapes consacrées au plus haut niveau aux questions de politique sociale étroitement liées à la lutte pour la réduction de la pauvreté. La communauté internationale en a tiré des plans d'action ainsi que les recommandations adressées aux donateurs et bénéficiaires. Il en ressort « une nouvelle approche des problèmes, fondée sur la conscience que le développement s'enracine dans des réalités socioculturelles » (SERAGELDIN et TABOROFF, 1992 : 15). Cette approche se traduit par la promotion du processus participatif dans la mise en oeuvre des initiatives de développement. La prise de conscience des limitations du secteur public et l'appel accru au secteur privé pour s'attaquer efficacement aux problèmes auxquels se heurtent les pays en développement ont permis de mieux comprendre ce que les différents acteurs de la société civile peuvent apporter au développement national. Cette évolution de l'approche du développement a conduit à remplacer de plus en plus les relations purement bilatérales entre bailleurs de fonds et gouvernements par des partenariats entre les gouvernements, les bailleurs de fonds et la société civile . (BM, 1996 : 1)
L'émergence de ce type de partenariat pour le développement a conduit à l'institution d'une nouvelle forme de coopération internationale devant traduire dans la réalité la participation effective de la société civile et donc des populations aux activités de leur propre développement : la coopération non gouvernementale. Avec l'institution de cette forme de coopération qui consacre la décentralisation de l'aide au développement, on assiste à une prolifération d'acteurs et d'organismes intermédiaires de développement (BIERSCHENK et al., 2000 : 10).
Au Cameroun, l'institution du régime démocratique a conduit en 1990 à l'adoption de la loi sur la liberté d'association. Cette loi a eu pour acte de baptême l'irruption de la société civile dans le champ du développement au Cameroun. La société civile jusque là peu impliquée dans les initiatives de développement dans le cadre de la coopération « centralisée » va dès lors s'ériger en acteur incontournable du développement. La participation de cette société civile se manifeste par l'implication des ONG nationales, composantes et « locomotives » de la société civile au Cameroun, dans le développement. Les ONG nationales deviennent, dans le cadre de la coopération non gouvernementale, le «substitut fonctionnel » de l'État dans la canalisation de l'aide au développement.
Les ONG nationales constituent aujourd'hui « non seulement une réalité de l'univers institutionnel au Cameroun mais aussi des acteurs opérationnels de mise en oeuvre des programmes de développement dans plusieurs secteurs (J. MBALLA MBALLA, 2002 : 2). Le phénomène d'ONG connaît, au Cameroun, un essor en terme numérique. Leur création se fait parfois de façon anarchique et improvisée qu'il est pratiquement difficile de donner des chiffres exacts sur leur nombre. D'une dizaine en 1990, on estime leur nombre supérieur à 600 en 1997, comme le relève ENGOLO OYEP cité par S.C. ABEGA (1999 : 180). Le PNUD (2000 :14), s'inspirant des données recueillies par le Programme national de gouvernance (1999), dénombre 30843 associations et ONG confondues recensées dans 7 provinces sur les 10 que compte le Cameroun.
La prolifération ainsi constatée des ONG et/ou associations s'explique en partie, relève S.C. ABEGA (1999 : 180), par la volonté des bailleurs de fonds de toucher directement les populations à la base, question de contourner les canaux étatiques dont les résultats ont été décevants du fait des détournements d'une bonne partie de l'aide ou de sa mauvaise utilisation.
« Les ONG, par leurs structures légères et leurs méthodes de gestion, par la facilité qu'elles offrent aux contrôles exercés par les organismes donateurs, par leur spécialisation dans certains domaines, apparaissent comme un relais efficace pour toucher les populations » (. Op.cit. :180).
Avec la prolifération des ONG nationales, leur sollicitation/implication dans les initiatives de développement et les atouts qu'elles offrent dans la lutte pour la réduction de la pauvreté, on se serait attendu à une réduction remarquable de la pauvreté au Cameroun. On assiste « a contrario », à une paupérisation croissante des populations camerounaises :
« Les statistiques officielles et la voix des pauvres qui se fait entendre font état d'une société qui n'a pas encore agi suffisamment pour résoudre le problème de la pauvreté ». (BM, 1995 : Préface).
L'enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM I) de 1996, révèle que la pauvreté touchait 50,5 % de ménages camerounais (MINEFI-CTS 2000 :6). Les consultations participatives de mars-avril 2000 qui ont permis l'élaboration du Document intérimaire de stratégies de réduction de la pauvreté (DSRPI), ont relevé et reconnu la gravité de la profondeur et de l'ampleur de la pauvreté au Cameroun (MINEFI-CTS, 2000 : 2). Deux ans après, précisément en Janvier 2002, ces consultations ont été reprises. Et, « de manière générale, les maux décriés lors des consultations participatives de mars-avril 2000 pour caractériser la pauvreté ont à nouveau été relevés, voire renforcés » (MINEFI-CTS, 2002 : 16).
Certes, la coopération pour la développement à elle seule ne peut être considérée comme le catalyseur unique de la réduction de la pauvreté au Cameroun. Mais, sa contribution à la réduction de la pauvreté est aussi indéniable. Partie de la forme centralisée qui a été jugée inefficace à la réduction de la pauvreté, elle s'est consolidée avec la forme décentralisée, avec comme modalité la plus en vue et la plus pratiquée la coopération non gouvernementale. Malgré le recours accru à cette forme de coopération, la réduction de la pauvreté n'est pas toujours une réalité au Cameroun. On en vient alors à s'interroger sur l'efficacité proclamée de cette forme de coopération sur la réduction de la pauvreté.
5 - Revue de la littérature
Dans les investigations relatives aux travaux se rapportant à notre sujet, nous avons relevé un manque de productions traitant étroitement de la coopération non gouvernementale. Mais quelques productions nous ont permis d'élargir notre champ de connaissance sur le sujet. Il s'agit des productions de S.C. ABEGA (1999), de R. MELONI. et al (1999) et du PNUD (2000)
Dans Société civile et réduction de la pauvreté, S.C. ABEGA (1999) dans une partie consacrée aux ONG, fait une analyse critique des ONG dans la réduction de la pauvreté. Il en ressort que le statut hybride entre l'entreprise créée pour le bénéfice de leurs promoteurs et l'ONG véritable tournée vers l'altruisme, constitue un obstacle à la contribution des ONG à la réduction de la pauvreté.
R. MELONI. et al, dans La GTZ et les ONG/associations au Cameroun : une expérience de collaboration, relèvent les problèmes qui font obstacles à l'efficacité-fonctionnalité des ONG/associations au Cameroun. Ils relèvent des problèmes tels que leur statut pas clair, leur structure parfois personnalisée , le manque de ressources propres, l'inexistence d'un local, le non respect des statuts et l'absence de règlement intérieur, l'absence d'un système de gestion comptable , la faible transparence dans les opérations, les rapports d'activités irréguliers, le sentiment d'être en compétition avec d'autres ONG.
Le rapport du PNUD sur le développement humain au Cameroun de 2000 intitulé Société civile et développement fait remarquer la volonté des institutions internationales de voir les ONG nationales impliquées dans leurs programmes non seulement du fait de leur proximité par rapport aux bénéficiaires, mais aussi du fait de leur approche. Toutefois, cette étude évoque pour le regretter leur faible degré de professionnalisme, leur statut peu élaboré, leur existence éphémère et peu durable, l'inconsistance de leur action.
Toutes les études sus-évoquées relèvent les éléments de blocage de l'efficacité des actions des ONG nationales. Pour ces différents auteurs, l'efficacité des ONG nationales dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun est freinée par les problèmes d'organisation interne de celles-ci.
Les ONG étant un maillon d'une chaîne constituée des bailleurs de fonds et des populations bénéficiaires, les obstacles à leur contribution à la réduction de la pauvreté ne sauraient résidés dans leur organisation interne uniquement. Leurs relations avec leurs partenaires(bailleurs de fonds et populations bénéficiaires) peuvent également influencer leurs actions sur la réduction de la pauvreté. D'où notre interrogation sur les relations entre les ONG nationales et leurs partenaires sus-cités dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun.
6 - Objectifs de la recherche
· Objectif général
L'objectif principal de la présente étude est de rechercher dans les relations entre les ONG nationales et leur « environnement de soutien » les facteurs sociologiques qui expliquent le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises.
· Objectifs spécifiques
Cette étude a deux objectifs spécifiques :
· Elle se propose d'examiner la politique de coopération des bailleurs de fonds dans leurs relations avec les ONG nationales, question d'identifier les facteurs qui dans cette politique expliquent le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises;
· Elle se propose également d'examiner les méthodes d'intervention des ONG nationales dans la coopération non gouvernementale, question d'identifier les facteurs qui dans ces méthodes expliquent le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises.
7 - Problème et question de recherche
Le recours à la coopération non gouvernementale qui a eu pour conséquence la prolifération des ONG nationales et leur implication croissante dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun, contraste avec la paupérisation croissante des populations camerounaises. Pourtant, cette forme de coopération a été instituée pour pallier aux insuffisances de la coopération « classique » ou « centralisée » qui n'a pas eu un impact réel sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. Le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises suscitent le questionnement.
Qu'est-ce qui explique le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises ?
8 - Hypothèse de recherche
· Hypothèse générale
La coopération non gouvernementale a engendré un autre type de « configurations développementistes » (DE SARDAN, 1995 : 7) constituées pour le cas d'espèce des bailleurs de fonds, des ONG nationales et des populations bénéficiaires. Suivant cette configuration, les ONG nationales constituent un maillon de la chaîne de coopération non gouvernementale et occupent une position intermédiaire/intercalaire. Cette position fait d'elles un système. Et comme tel, elles sont en relation avec leur environnement, plus précisément ce que D.J. MULLER (1989 : 154) appelle « environnement de soutien » des ONG. Dans le cas d'espèce, cet environnement est constitué des bailleurs de fonds et des populations bénéficiaires. Comme le révèle D.J. MULLER, « l'efficacité des opérations non gouvernementales se fonde sur les « bonnes relations » que les ONG entretiennent avec leur « environnement de soutien » » (1989 : 205).
Autrement dit, les relations entre les ONG nationales et leur « environnement de soutien » expliquent le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises.
· Hypothèses secondaires
Hypothèse 1 :
Les relations entre les bailleurs de fonds et les ONG nationales expliquent le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises. Ces relations impliquent la mise en oeuvre d'une politique de coopération entre les bailleurs de fonds et ONG nationales. Cette politique de coopération renferme les principes de coopération des bailleurs de fonds, les procédures d'obtention de leur appui, leurs domaines d'appui et critères de choix, et la proportion de leur appui aux ONG nationales.
Hypothèse 2 :
Les méthodes d'intervention des ONG nationales dans la coopération non gouvernementale expliquent le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises. Ces méthodes d'intervention renferment les stratégies d'accommodation des ONG nationales à la politique de coopération des bailleurs de fonds et leur intervention auprès des populations bénéficiaires.
9 - Cadre théorique d'analyse
Les phénomènes sociaux sont si complexes que pour y déceler des lois, le chercheur doit les réduire à des phénomènes théoriques plus simples. Aussi envisageons-nous trois grilles d'analyse pour la lecture du phénomène de coopération non gouvernementale. Il s'agit de l'analyse sociocritique, de l'analyse systémique et de l'analyse stratégique.
A - L'Analyse sociocritique
Développée par des auteurs tels que Georges BALANDIER et Jean ZIEGLER, la sociologie critique naît de la rupture avec le sociologie de l'ordre et de la permanence. Elle a pour vocation de mettre en évidence ce qui est caché. A ce sujet, Jean ZIEGLER écrit :
« Ce qui est montré est à expliquer par ce qui ne se montre pas, car le plus caché est le plus véridique » (1981 : 20).
En effet, pour comprendre le fait social, en l'occurrence le phénomène de coopération non gouvernementale tel qu'il se déploie; il faut saisir toutes les dynamiques qui le sous-tendent. Car, comme l'écrit BALANDIER :
« Les sociétés ne sont jamais ce qu'elles paraissent être ou ce qu'elles prétendent être. Elles s'expriment à deux niveaux au moins, l'un superficiel présente les structures « officielles » si l'on peut dire ; l'autre profond, assure l'accès aux rapports réels les plus fondamentaux, et aux pratiques révélatrices de la dynamique du système social » (1971 : 7)
En somme, l'approche sociocritique permet de déceler les aspects cachés du fait social. Il est question de partir de ce qu'on voit dans la pratique de la coopération non gouvernementale pour comprendre et saisir les « non-dits » de cette coopération.
B - L'analyse systémique
L'analyse systémique consiste à étudier l'ensemble des interactions qui se produisent entre les systèmes et son environnement par le mécanisme des « input » et des « output ». Les « input » sont constitués par l'ensemble des demandes et soutiens qui vont être dirigés sur le système. A l'intérieur du système, les demandes et les soutiens sont convertis par la réaction combinée de tous les éléments constitutifs du système et provoquent finalement de la part de l'autorité régulatrice, une réaction qui exprime la manière dont le système s'adapte ou tente de s'adapter aux incitations et aux pressions qui émanent de l'environnement. Cette réaction globale constitue la réponse du système ou « output », mais amorce en même temps un nouveau circuit de réaction ou « feedback » qui contribue à son tour à modifier l'environnement d'où partiront ensuite de nouvelles demandes et nouveaux soutiens. Telle se présente l'analyse systémique préconisée par David EASTON.( M. MERLE, 1988 :131-137).
Pour le cas de notre étude, les « input » sont constitués des soutiens que les bailleurs de fonds apportent aux ONG nationales. Les « output » sont constitués de l'investissement des ONG nationales dans les activités des populations bénéficiaires, c'est la réponse des ONG nationales aux besoins des populations bénéficiaires. Il s'agit à travers l'analyse systémique de comprendre les relations entre les ONG nationales et leur « environnement de soutien » dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun.
SCHÉMA 1 : SCHÉMA DESCRIPTIF DE L'ANALYSE SYSTÉMIQUE DE LA COOPÉRATION NON GOUVERNEMENTALE
C - L'analyse stratégique
Cette approche développée par CROZIER et FRIEDBERG, nous permet dans le cadre de la présente étude d'analyser les stratégies des ONG nationales, compte tenu de leur position dans la coopération non gouvernementale. Étant au coeur de cette coopération, du fait de leur position intercalaire entre les bailleurs de fonds et les populations bénéficiaires, l'étude de leur stratégie dans cette coopération revêt une importance pour la compréhension de l'action de la coopération non gouvernementale sur la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun. Car, toute ONG nationale engagée dans les relations avec les bailleurs de fonds dispose d'un cerveau et d'une marge de liberté (servir les populations ou non) qui la rendent capable de choisir la stratégie à ses yeux la plus apte à servir son projet (obtenir le financement). Ainsi, il est rationnel de servir les populations bénéficiaires lorsque ce service conditionne l'obtention du financement et il est aussi rationnel de ne pas servir les populations bénéficiaires si le service n'améliore en rien les chances d'obtenir le financement. Une telle décision est rationnelle en ce sens qu'elle est basée sur le calcul des chances de gain (obtention du financement) en fonction des atouts (aptitudes à servir les populations bénéficiaires), des règles de jeu (domaines et critères de financement des bailleurs de fonds) et de l'intérêt porté à l'enjeu. Telle se présente l'analyse stratégique conçue par CROZIER et FRIEDBERG (R.. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, 1995 :264-266).
Cette grille de lecture nous permet d'identifier dans la conduite des ONG nationales, les éléments susceptibles d'expliquer le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises.
L'analyse sociocritique, l'analyse systémique et l'analyse stratégique sont les trois grilles d'analyse qui nous permettrons de faire une lecture de la coopération non gouvernementale en rapport avec la réduction de la pauvreté au Cameroun.
10 - Méthodologie
A - Variables
1 - Variable dépendante
La variable dépendante est le phénomène que l'on se propose d'étudier. Pour le cas de la présente étude, il s'agit des relations entre les ONG nationales et son « environnement de soutien » que sont les bailleurs de fonds et les populations bénéficiaires.
2 - Variable indépendante
La variable indépendante est le facteur qui explique le variable dépendante, elle conditionne la variable dépendante. Il s'agit pour le cas de la présente étude des facteurs suivants : la politique de coopération des bailleurs de fonds ; des méthodes d'intervention des ONG nationales.
B - Indicateurs
Les indicateurs de ces variables se présentent comme suit :
· Indicateurs de la politique de coopération des bailleurs de fonds :
· Procédures d'obtention d'appui auprès des bailleurs de fonds ;
· Domaines d'appui des bailleurs de fonds ;
· Critères de choix des domaines d'appui des bailleurs de fonds ;
· Proportion de l'appui des bailleurs de fonds aux ONG nationales.
· Indicateurs des méthodes d'intervention des ONG nationales
· Stratégies d'accommodation des ONG nationales aux principes des bailleurs de fonds ;
· Logique des populations bénéficiaires dans les initiatives conduites par les ONG nationales ;
· Émanation des initiatives destinées aux populations ;
· Principaux bénéficiaires de ces initiatives ;
· Proportion de l'apport des ONG nationales dans les activités destinées aux populations bénéficiaires.
C- Collecte des données : Méthodes, outils et analyse
1 - Méthodes de collectes des données
Dans le cadre de cette étude, deux méthodes de collecte des données ont été utilisées. Il s'agit de :
-l'observation documentaire;
-l'entretien sémi-structuré.
2 - Outils de collecte des données
L'observation documentaire s'est faite à l'aide d'une fiche de lecture puisqu'il s'est agi de la consultation des ouvrages et autres documents se rapportant au sujet. Quant à l'entretien sémi-structuré, il a été mené suivant des guides d'entretien. Un guide d'entretien individuel pour les responsables des institutions de financement (bailleurs de fonds), les responsables d'ONG nationales et les personnes-ressources ; et un guide d'entretien collectif ou de focus-group pour les populations bénéficiaires de l'action des ONG nationales. En plus de ces entretiens formalisés, il y a eu des entretiens non formalisés avec quelques personnes-ressources.
3 - Analyse des données
La méthode utilisée pour l'analyse des données est l'analyse qualitative de contenu.
D - La sélection des unités d'observation
La sélection des unités d'observation s'est faite suivant la méthode d'échantillonnage probabiliste qui consiste à attribuer à chaque élément de la population la probabilité de figurer dans l'échantillon. Ainsi les bailleurs de fonds ont été choisis en fonction de leur spécificité dans la coopération pour le développement. L'ACDI a été sélectionnée pour les institutions de coopération bilatérale, la Banque mondiale (BM) pour les institutions de coopération multilatérale à vocation mondiale, et L'Union européenne (UE) pour les institutions de coopération multilatérale à dimension continentale. A la suite des bailleurs de fonds, les ONG nationales ont été choisies en vertu de leurs expériences dans les relations avec ces institutions. Au total, six (6) ONG nationales ont servi de cadre à cette étude. Du côté des populations, deux (2) organisations à la base, bénéficiaires de l'action de ces ONG ont également servi de cadre à l'étude (Cf. Annexe.II).
11 -Définitions des concepts opératoires
Coopération non gouvernementale : C'est un ensemble de liaisons établies entre les institutions non gouvernementales et les institutions de financement ou ce qui en tient lieu, en vue du développement. Les ONG sont les partenaires par excellence des institutions de financement dans cette coopération.
« Environnement de soutien » : Cette expression est utilisée par D. J.. MULLER pour désigner les acteurs ressources qui font bénéficier les ONG de leur appui matériel ou autre (1989 : 154). Pour le cas de la présente étude, il s'agit des bailleurs de fonds et des populations bénéficiaires.
« Configurations développementistes » : C'est une expression utilisée par J.P.O. DE SARDAN pour désigner l'univers largement cosmopolite d'experts, de bureaucrates, de responsables d'ONG, de chercheurs, de techniciens, de chefs de projets, d'agents de terrain, qui vivent en quelque sorte du développement des autres, et mobilisent ou gèrent à cet effet des ressources matérielles et symboliques considérables (1995 : 7). Cette configuration dans le cadre de notre étude correspond aux bailleurs de fonds et aux ONG nationales qui oeuvrent pour les populations bénéficiaires de leurs actions.
12 - Difficultés rencontrées
La conduite de cette étude s'est heurtée à de nombreux obstacles. Le premier est relatif à l'indisponibilité des ouvrages et des données relatifs au sujet, le second à la difficulté d'obtenir les informations auprès des personnes ressources en raison de leur indisponibilité permanente. Enfin, les difficultés pécuniaires ne nous ont pas permis d'avoir les coudées franches dans l'exécution du calendrier de recherche relative à cette étude.
13 - Plan de travail
Pour aborder cette étude qui traite de la coopération non gouvernementale en rapport avec la lutte pour la réduction de la pauvreté, nous avons structuré notre travail en cinq (5) chapitres. Le premier présente le cadre institutionnel de l'étude, le second fait l'état des lieux de la pauvreté au Cameroun ainsi que les stratégies de lutte. La problématique de la coopération non gouvernementale est au centre du troisième chapitre. Le quatrième quant à lui analyse la politique des bailleurs de fonds en matière de coopération non gouvernementale. Le cinquième chapitre enfin analyse l'intervention des ONG nationales dans cette coopération.
L'observation relative à la présente recherche sur la coopération non gouvernementale porte sur les bailleurs de fonds et les ONG nationales. Avant toute étude des relations entre ces deux institutions dans la lutte pour la réduction de la pauvreté, il s'impose une prise de connaissance desdites institutions.
Il s'agit dans cette rubrique des partenaires « en amont » des ONG. ce sont des institutions qui font partie de l'« environnement de soutien » des ONG. Leur soutien est souvent matériel, financier, logistique ou technique. Les bailleurs de fonds sont des institutions auprès desquelles les ONG tirent les ressources pour leur fonctionnent et leurs actions.
Dans le cadre de la présente étude, trois institutions (bailleurs de fonds) ont servi de cadre à notre observation : la Banque mondiale, L'Union européenne et l'Agence canadienne de développement international. Il s'agit respectivement d'une institution de coopération multilatérale à dimension mondiale (BM), d'une institution de coopération multilatérale à dimension continentale (UE) et d'une institution de coopération bilatérale (ACDI).
1 - L'Institution et ses objectifs
La Banque mondiale est une institution de coopération multilatérale qui comprend la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD), l'Association internationale de développement (IDA), la Société financière internationale (SFI), l'Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI) et le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) . Tout cet ensemble forme ce que l'on appelle le Groupe de la Banque mondiale.
Créée sous le non officiel de la BIRD lors de la conférence de Bretton Woods en juillet 1944, la Banque mondiale ouvre ses portes en 1946. Les différents organismes qui constituent le Groupe de la Banque mondiale sont dans chaque cas, distincts aux plans juridique et financier. La BIRD et l'IDA partagent le même personnel et les mêmes installations, et l'expression « Banque mondiale » s'applique normalement à l'une et l'autre institution (BM, 1996 : 2). La BIRD et l'IDA ont trois fonctions connexes : prêter des fonds, fournir des conseils d'ordre économique et une assistance technique et, servir de catalyseur pour attirer les investissements provenant d'autres sources.
La BIRD travaille essentiellement avec des pays pauvres à revenu intermédiaire. L'IDA travaille avec les pays les plus pauvres qui ne sont pas à même d'emprunter aux conditions fixées par la BIRD. La SFI travaille directement avec le secteur privé des pays membres. Elle s'efforce de promouvoir la croissance du secteur privé des pays en développement en mobilisant les capitaux étrangers et nationaux. L'AMGI quant à elle a été créée en 1988 pour encourager les investissements étrangers directs dans les pays en développement en protégeant les investisseurs des risques non commerciaux, particulièrement des risques de guerre ou de rapatriement. Le CIRDI encourage, pour sa part, l'apport d'investissements étrangers aux pays en développement en offrant des mécanismes d'arbitrage et de conciliation.
La Banque mondiale a eu au départ pour objectif de reconstruire l'Europe et de garantir les investissements dans les pays d'Europe dévastés par la Deuxième guerre mondiale ou insuffisamment développés. Son objectif actuel est de promouvoir le développement économique à long terme et réduire la pauvreté dans les pays en développement. L'objectif suprême de la Banque mondiale est donc de collaborer avec les pays membres pour lutter contre la pauvreté et contribuer à leur développement économique et sociale à long terme.
2 - Les interventions de la Banque mondiale dans le développement
La stratégie de la Banque mondiale en matière de projets de développement est passée de l'aide à la reconstruction à la lutte contre la pauvreté. La Banque mondiale a eu au départ pour ambition de reconstruire l'Europe et de garantir les investissements dans les pays dévastés ou insuffisamment développés. Et même, à l'égard des pays les moins avancés,, l'essentiel des financements de la BIRD était à l'origine concentré sur l'amélioration des infrastructures : moyens de communication, production d'électricité, etc. C'est cette mise en place des infrastructures qui devait favoriser le développement et la croissance des pays ainsi concernés.
Après les renchérissements soudains et successifs du coût de l'énergie importée au cours des années 1970, la Banque mondiale s'est préoccupée des conséquences de cette situation sur les économies des pays en développement et a décidé de faire du secteur énergétique son autre priorité sectorielle, tout en demeurant très active dans les transports, l'éducation et le développement urbain. Elle a ainsi opéré par adjonctions successives en ajoutant de nouveaux secteurs à son champ d'action, tout en conservant le cadre conceptuel adopté à ses débuts (E.R. ZANG., 2000 : 254)
En fait, c'est depuis les années 1970, sous la présidence de Mc Namara que l'agriculture, l'éducation, la population, la satisfaction des besoins essentiels, ont progressivement pris une place grandissante dans la réflexion économique sur le développement à la Banque mondiale.
C'est dans ce contexte que la Banque mondiale a entrepris d'étendre ses interventions vers des régions comme l'Afrique et d'intensifier le financement des prêts agricoles, urbains et éducatifs. Elle a pris ainsi définitivement l'option de la lutte contre la pauvreté.
Ces derniers années, une stratégie a deux voies s'est imposée à la Banque mondiale : réaliser une croissance économique durable et investir dans les ressources humaines. La Banque accorde des prêts aux pays membres nécessiteux pour financer des investissements susceptibles de contribuer à la croissance économique et au recul de la pauvreté. Elle donne également des conseils spécialisés pour aider à améliorer les programmes et les politiques de développement. Les projets qu'elle finance sont conçus et exécutés par des organismes d'État ou des institutions privées, avec une participation active de la Banque à chaque étape. Malgré l'intervention fréquente des organisations privées, c'est aux États membres que la Banque mondiale accorde ses prêts, et ce sont les États qui rétrocèdent ensuite les fonds aux organismes privés ou publics pertinents. La Banque cherche à s'associer à d'autres participants - organismes multilatéraux, bilatéraux, commerciaux, gouvernementaux et non gouvernementaux et entités du secteur privé - afin de mieux coordonner ses efforts et de les rendre plus efficaces.
1 - L'Institution et ses objectifs
L'Union européenne est une organisation constituée, depuis janvier 1995, de 15 pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, France, Finlande, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède. Ils seront 25 en 2004.
A la signature des trois traités - CECA, CEE et EURATOM - qui constituent la pierre angulaire de la construction de l'Europe unie, les États signataires épousent la même cause, celle de créer une Union économique qui favorise l'instauration progressive d'une union monétaire, avec une libre circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et des services; une union qui élabore aussi des politiques capables d'assurer l'essor de certains secteurs de l'économie tels que le commerce extérieur, la pêche, l'agriculture, les transports...
Cependant, le traité de Rome qui créait la Communauté européenne en 1957 proclamait aussi la solidarité de l'Europe avec ses colonies, pays et territoires d'outre-mer, et affirmait la nécessité d'assurer leur prospérité. Ainsi a pris corps une politique de coopération pour le développement. Celle-ci s'est affirmée par la volonté d'établir des relations moins inégalitaires entre pays développés et pays en voie de développement de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) par la Convention de Lomé, les protocoles méditerranéens, la coopération avec les pays d'Amérique latine et d'Asie. (CE, 1997 :5)
En ce qui concerne l'Afrique subsaharienne, le processus de décolonisation entamé au début des années 60 a transformé ce lien en une association d'un type particulier entre pays souverains. Aujourd'hui, 70 pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique ont une relation privilégiée avec L'Union européenne dans le cadre de la quatrième Convention de Lomé.
L'Union européenne se caractérise par un système institutionnel qui la distingue des organisations internationales classiques. Les États qui ont souscrit aux traités de Rome et de Maastricht, consentent des délégations de souveraineté au profit d'organes indépendants, représentant à la fois les intérêts nationaux et l'intérêt communautaire. Ces organes sont liés entre eux par des rapports de complémentarité dont découle le processus décisionnel. Il s'agit du Conseil européen, du Conseil de l'Union européenne, du Parlement européen, de la Commission européenne, de la Cour de justice, du Conseil économique et social et, du comité des régions.
Le Conseil européen réunit les chefs d'État ou de gouvernement des États membres. Il est à la fois le centre d'impulsion des principales initiatives politiques de l'Union et l'organe d'arbitrage des questions litigieuses qui n'ont pu trouver un accord au sein du Conseil des ministres. Il aborde également les problèmes d'actualité internationale à travers la politique étrangère de sécurité commune (PESC), mécanisme de rapprochement et d'expression de la diplomatie commune des quinze.
Le Conseil de L'Union européenne est l'institution décisionnelle principale de l'union. Les États y sont représentés au niveau ministériel.
Le Parlement européen est, avec ses 626 députés élus tous les cinq ans, l'organe d'expression démocratique et de contrôle politique des communautés européennes et participe au processus législatif.
La Commission européenne, initiatrice de la politique communautaire, est l'un des organes clés du système institutionnel de l'Union. Gardienne des traités, organe de gestion et d'exécution de la communauté, elle dispose d'un large pouvoir dans la conduite des politiques de commerce, de recherche et technologie, de cohésion régionale, d'aide au développement.
La cour de justice assure le respect du droit dans l'exécution des traités européens.
Le Conseil économique et social est l'organe consultatif de l'union. Il assiste le Conseil des ministres et la commission en donnant son avis pour les affaires concernant l'Union et l'EURATOM.
Le Comité des régions est institué par le traité de Maastricht. Il est obligatoirement consulté avant l'adoption de décisions ayant trait aux intérêts régionaux.
2 - Les interventions de L'Union européenne dans le développement des pays ACP
La convention de Lomé IV organise, comme les précédentes, la coopération entre L'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Cette convention réaffirme les principes sur lesquels se fonde la coopération UE-ACP : contractualité, égalité, non ingérence, respect de la souveraineté des partenaires, sécurité et prévisibilité de l'aide et des avantages commerciaux.
Le fonds européen de développement est le principal instrument d'intervention de L'Union européenne auprès des pays ACP. C'est un outil auquel contribuent tous les États membres de l'Union européenne. Il finance des projets et des programmes en faveur des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique signataires de la Convention de Lomé.
L'Union européenne entretient avec les pays ACP des liens de coopération dans le domaine industriel par le biais du Centre pour le développement industriel (CDI), dans le domaine du Commerce grâce au système de préférence généralisée : 90 % des produits industriels des pays ACP peuvent ainsi pénétrer le marché des États membres de L'Union européenne en franchise de droits de douane et sans réciprocité.
L'appui au programme d'ajustement structurel des pays ACP, la promotion des actions d'intégration régionale, l'aide d'urgence, les petits projets de développement par l'intermédiaire des organisations non gouvernementales (ONG), l'environnement, les droits de l'homme, la démocratisation et l'agriculture constituent entre autres, les champs d'intervention de L'Union européenne dans les pays ACP.
L'ensemble des ressources du fonds européen de développement est divisé entre les pays ACP en aides programmables et non programmables. L'aide programmable fait l'objet de négociation entre L'Union européenne et un État ACP et débouche sur un « Programme indicatif national » (PIN), sorte de charte qui préside, pendant cinq ans, à la coopération entre les deux partenaires. L'aide non programmable n'est pas attribué d'avance et est utilisée comme aide ponctuelle : l'appui à l'ajustement structurel, le STABEX , le SYSMIN, l'aide d'urgence ou l'aide aux réfugiés font partie de cette rubrique.
1 - L'Institution et ses objectifs
L'Agence canadienne de développement international (ACDI) est l'organisme du gouvernement fédéral chargé de la planification et de la mise en oeuvre du programme canadien de coopération au développement international. C'est d'elle que relève l'administration d'environ 80 % du budget de l'aide canadienne. Les 20 % restants sont administrés par le ministre des Affaires étrangères et du commerce international. Créée en 1968, elle rend compte de ses activités au Parlement par l'entremise du ministère de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie. L'ACDI finance des projets dans plus de 100 pays où vivent les quatre cinquième des habitants de la planète. Elle a pour partenaires les pays en développement, les institutions et entreprises canadiennes, et des organisations et organismes internationaux.
L'ACDI est composé des directions générales de programme et des directions générales de service. Les directions de programme comportent le programme bilatéral, le programme multilatéral et le programme de partenariat. Les directions de service comprennent le service politique, le service des ressources humaines et services corporatifs et, le service de communication.
Dans son énoncé de politique étrangère, « Le Canada dans le monde », le gouvernement canadien établit que l'objectif de l'aide publique au développement (APD) est de « soutenir le développement durable dans les pays en développement afin de réduire la pauvreté et de rendre le monde plus sûr, plus juste et plus prospère » (ACDI, 1997 : 1) L'aide au développement est une composante essentielle de la politique étrangère du Canada. En contribuant au développement social et économique des pays en développement ou en transition, le programme d'aide contribue à la sécurité et à la prospérité du monde entier, et donc à celle du Canada. Ce faisant, il assure au Canada une voix importante sur la scène internationale, diffuse les valeurs des canadiens, crée des liens entre divers secteurs de la société canadienne et les pays en développement (ACDI, 1997 :4).
Le programme d'aide de l'ACDI contribue à réduire la pauvreté, à éradiquer les maladies, à améliorer la situation de la femme, à renforcer le développement démocratique, à mieux respecter les droits de la personne et à créer des emplois.
2 - Les interventions de l'ACDI dans le développement
La charte de l'aide publique canadienne au développement organise l'intervention de l'ACDI dans le développement, dans l'énoncé des principes et priorités de cette aide (ACDI, 1987 :23). Dans la poursuite de ses objectifs, l'ACDI concentre ses ressources dans six secteurs prioritaires : les besoins fondamentaux ; l'intégration de la femme au développement ; les services d'infrastructure ; les droits de la personne, la démocratie et la bonne gouvernance ; le développement du secteur privé, l'environnement.
Le choix de ces secteurs prioritaires correspond à des objectifs bien définis. Les besoins humains fondamentaux dans l'optique d'appuyer les interventions dans les domaines des soins de santé primaire, de la planification familiale et de la santé génésique, de l'éducation de base, de la nutrition, de l'eau, de l'hygiène et du logement. L'intégration de la femme au développement afin d'encourager la pleine participation des femmes, en tant que partenaires égales, au développement durable de leur société.
Les services d'infrastructure pour aider les pays en développement à se doter de services d'infrastructure (électricité rurale, routes, télécommunications, eau salubre et hygiène) respectueux de l'environnement, l'accent étant mis sur l'aide aux populations les plus démunies et le développement des capacités. Les droits de la personne, la démocratie et la bonne gouvernance dans la perspective d'encourager le respect des droits de la personne, notamment des enfants, de promouvoir la démocratie et une meilleure gestion des affaires publiques et de renforcer à la fois la société civile, dont font partie les groupements civiques et les syndicats, et la sécurité personnelle. Le développement du secteur privé afin de promouvoir une croissance économique soutenue et équitable par un appui au secteur privé dans les pays en développement. L'environnement, enfin, pour aider les pays en développement à protéger leur propre environnement et à contribuer à la recherche de solutions aux problèmes environnementaux d'envergure mondiale et régionale.
Les interventions de l'ACDI dans le développement se font dans le cadre des programmes bilatéraux, multilatéraux ou de partenariat.
Les programmes bilatéraux accordent de l'aide à des pays en développement d'Afrique et du Moyen-Orient, d'Asie et des Amériques aux termes d'accords passés entre le Canada et le gouvernement du pays bénéficiaire. La contribution de l'ACDI prend la forme de programmes et de projets qui répondent à des besoins établis par le pays concerné, et qui sont planifiés en collaboration avec celui-ci.
Le programme multilatéral de l'ACDI contribue aux programmes et activités de développement et de secours d'urgence des Nations unies et d'autres organisations internationales dont le Fonds des nations unies pour l'enfance (UNICEF), le Programme des nations unies pour le développement (PNUD), les Banques régionales de développement, la société de la Croix-Rouge et les institutions de développement du Commonwealth et de la Francophonie.
Le programme de partenariat appuie financièrement des projets conçus et réalisés par des institutions, des associations et des ONG canadiennes, de même que des initiatives du secteur privé pouvant procurer des avantages aux pays en développement. Le programme de coopération industrielle (PCI) en fait partie. L'ACDI finance les activités de plus de 200 organisations bénévoles canadiennes et internationales. Les ONG travaillent directement avec les populations des pays en développement. Le PCI accorde des fonds destinés à faciliter la création de co-entreprises entre les compagnies canadiennes et des compagnies des pays en développement. Ne sont admissibles aux financements que les projets qui favorisent le progrès social et économique dans ces pays.
Après la présentation des bailleurs de fonds et leurs interventions dans le développement, les ONG nationales constituent la seconde préoccupation de cette partie consacrée au cadre institutionnel de l'étude. Dans l'impossibilité de les parcourir les unes après les autres, il sera tout simplement question de faire une approche globale des ONG nationales camerounaises.
Les ONG constituent le second cadre institutionnel de cette étude. Il est précisément question des ONG nationales et/ou locales. Avant d'explorer l'univers des ONG camerounaises ou ce qui en tient lieu, il sera question dans cette rubrique de faire une mise en perspective historique du phénomène d'ONG tout court. Mais avant d'y arriver, qu'entend -on par ONG ?
Les lettres « O.N.G » dessinent un mot aux contours mal définis, mais dont la réalité mobilise des milliers de personnes parties à l'assaut du bien être. De Seattle à Davos, de Bruxelles à Washington, de Yaoundé à Durban, de New-York à Alger, etc., des populations, sous la bannière des ONG, critiquent, fustigent ou enrichissent les politiques gouvernementales ou intergouvernementales et orientent les choix de société, opposant ainsi à la « démocratie représentative » une « démocratie participative », à la « légalité régalienne» une « légalité populaire ». Le vocable « ONG » est d'un intérêt croissant dans l'actualité consacrée au développement. Mais, son usage, particulièrement dans les pays du Sud, n'est pas toujours approprié, car il s'agit souvent de coopératives, de groupements villageois, de groupes d'autosuffisance ou des mouvements de nature très différente. De façon générale, il y a des hésitations de vocabulaire dans la définition du terme « ONG ».
De nombreux auteurs et organismes ont proposé, chacun selon sa sensibilité, une définition de l'ONG.
Pour Philippe RYFMAN, il n'existe pas de définition stricte de l'ONG. « C'est aujourd'hui, dit-il, un mot valise connoté positivement » (cité par G. BEKONO NKOA, [Sd]: 2)
Bertrand SCHNEIDER pour sa part, propose une définition prenant en compte l'histoire du concept et ses aspects juridiques et sociologiques.
- Historiquement, selon SCHNEIDER, le concept d'organisation non gouvernementale est une création des Nations unies : les ONG, selon cette institution, sont des organisations internationales qui n'ont pas été créées par voie d'accords intergouvernementaux.
- Sociologiquement, par ONG, on entendra :
« Tout groupement, association ou mouvement constitué de façon durable par des particuliers appartenant à divers pays, en vue de la poursuite d'objectifs non lucratifs » ( Bertrand SCHNEIDER cité par le PNUD, 1997:6).
SCHNEIDER considère également comme ONG les agences privées et bénévoles, des fondations telle la fondation Rockfeller. De ces définitions, trois critères caractérisent les ONG :
- être une association de personnes ;
- poursuivre des buts non lucratifs, altruistes ;
- être durable.
D'après Marie Stéphane MARADEIX (1990: 23), le terme « ONG » est à l'origine plus large que celui d'organisation privée de développement. c'est ainsi, relève-t-elle, que l'OCDE (1988:23) regroupe sous ce terme des organisations de service à but lucratif, des fondations, des institutions pédagogiques, des églises ou des hôpitaux. Néanmoins, poursuit-elle, cette appellation a été acceptée par l'ensemble de la communauté internationale pour désigner plus particulièrement les associations à but non lucratif impliquées dans le développement international à l'aide des programmes vers l'étranger, ou d'actions locales liées aux problèmes du développement. MARADEIX relève une distinction entre les ONG internationales, nationales et locales. Les premières représentent soit une fédération internationale d'ONG nationales, soit plus communément une ONG nationale qui développe des programmes à l'étranger. Les ONG nationales quant à elles comprennent un ensemble d'ONG locales reparties sur un même pays. Les ONG locales sont celles qui agissent à un niveau restreint afin d'avoir un impact direct sur la cible choisie.
Marie-José M. ESSI et Flavien T. NDONKO (1999:4) définissent l'ONG comme un organisme dont le financement est assuré essentiellement par des dons privés et qui se voue à l'aide humanitaire sous une ou plusieurs de ses formes.
Selon la Banque mondiale, l'expression « ONG » recouvre toute une gamme d'organismes dont la diversité rend impossible une définition simple. Toutefois, la Banque considère d'ordinaire comme organisation non gouvernementale :
« Tout groupe ou institution indépendant des pouvoirs publics qui a une vocation humanitaire ou répond à un souci d'entraide sans avoir de but lucratif » (BM ,1996 : 4).
La Banque mondiale établit également une distinction entre deux grands groupes d'ONG : les ONG opérationnelles, et les ONG défendant une cause. Toutefois, cette distinction n'est pas rigide et il est admis que les ONG interviennent pour la plupart dans un même processus, ce qui implique des chevauchements considérables.
Le Forum des ONG de développement au Cameroun (FONGDEC) définit l'ONG comme :
« Toute organisation privée à but non lucratif, distincte des services publics de l'État ou de leurs excroissances, constituée de manière durable par des personnes physiques ou morales, orientée vers l'altruisme et destinée à oeuvrer pour alléger la misère, réduire la pauvreté, l'ignorance, l'iniquité, à rétablir la justice et la paix pour le bien-être des hommes et remplissant les critères définis pas la loi. » (J. MBALLA MBALLA, 2002:4).
Les ONG assurent la recherche du bien-être au profit de la communauté. De ce point de vue, leur mission est d'intérêt public. Elles se distinguent ainsi des organisations orientées vers la satisfaction des besoins de leurs propres membres (GIC, Coopératives, etc.) (op. cit :4).
La multitude des définitions parcourues traduit la dynamique ou encore, le caractère complexe et ambiguë du terme « ONG ». Une lecture en profondeur des différentes définitions permet pourtant un constat d'ordre général : il existe à travers le monde un grand nombre d'organisations privées, sans but lucratif, qui oeuvrent à plus ou moins grande échelle pour le développement. Malgré leurs nombreuses appellations telles que association de solidarité ou association humanitaire, elles sont plus souvent désignées sous le vocable général d'« ONG ». Elles sont dites non gouvernementales par rapport aux organisations intergouvernementales telles que L'ONU ou l'UE, elles ne sont pas des initiatives publiques.
Fort de ce constat, l'ONG peut se définir comme toute organisation privée à but non lucratif, à vocation humanitaire et tournée vers l'altruisme, constituée de façon durable et oeuvrant à plus ou moins grande échelle pour le développement. Les valeurs de désintéressement, de gratuité, de volontariat, de partage et de respect des droits de l'homme sont caractéristiques des ONG. Une préférence pour des objectifs de solidarité plutôt que la recherche du profit distingue les ONG des entreprises. Elles se distinguent également des organisations à but non lucratif orientées vers la satisfactions des besoins de leurs propres membres (GIC, GIE, coopératives, comité de développement, initiatives locales de développement (ILD), associations, ...).
La définition du terme « ONG » ainsi esquissée, il importe de jeter un regard rétrospectif sur cette forme d'organisation notamment dans les pays du Sud, les ONG du Sud dont font partie les ONG nationales camerounaises qui nous préoccupent dans cette étude.
Des hommes travaillent à l'amélioration du sort de leurs contemporains depuis de longues dates. L'ordre de Malte qui date du Xe siècle, les missions de Saint Vincent du XVIIe siècle, la Croix Rouge à l'époque de Napoléon III, faisaient déjà office d'organisation de solidarité dans les pays du Nord. Comment est-on arrivé à cette forme d'organisation dans les pays du Sud ? L'ambition de la présente partie est de porter un regard rétrospectif sur les ONG du Sud. Et à ce sujet, Véronique HORDAN (1994 : 22-25) propose une rétrospective en quatre étapes, correspondant à quatre décennies : les années 60, 70, 80 et 90.
Les années 60 : naissance des ONG
L'apogée des luttes de libération nationale puis la décolonisation marquent une rupture dans l'histoire, car elles sont la preuve de l'irruption du Tiers monde comme acteur politique sur la scène internationale. Trois courants canalisent les intérêts : un courant chrétien (tradition missionnaire), un courant anti-impérialiste ou marxiste, et un courant laïc.
Les associations dites de la première génération se mobilisent contre la faim et la misère en envoyant de l'argent, des vivres, des médicaments avec les volontaires pour les distribuer. Mais les actions purement caritatives ne suffisent plus. L'aide alimentaire peut même dans certains cas avoir des effets pervers en déstructurant par exemple la production locale. Une évidence s'impose peu à peu avec force : le développement passe avant tout par les hommes.
Les années 70 : moins de charité, plus de partenariat
La plupart des associations cherchent, grâce aux micro-projets, à accroître les transferts d'idées, de capitaux, et de technologies. Mais, peu à peu, on prend en compte l'opinion des populations, l'idée de partenariat se développe car seule la participation des bénéficiaires peut garantir la pérennité des actions. Des associations locales apparaissent alors dans les pays du Sud.
Les années 80 : l'appui aux initiatives locales
La conviction que le monde occidental n'est plus un modèle à imiter se renforce. Les ONG du Sud se multiplient et deviennent des acteurs de développement au même titre que les ONG du Nord.
Il faut aider les populations à s'organiser et à se poser en interlocuteur des pouvoirs économiques et politiques en place. Les associations de solidarité découvrent qu'elles peuvent jouer un rôle critique vis-à-vis des gouvernements en place au prix de difficultés ponctuelles avec les pouvoirs locaux.
De nombreuses ONG se reconnaissent dans ce courant de pensées, même si cette évolution n'est ni linéaire ni homogène. «L'aide n'a de réel intérêt que si elle se situe directement ou indirectement par rapport aux systèmes productifs et sociaux existants et appuie la trajectoire d'évolution de ces systèmes »,écrit H. ROUILLE D'ORFEUIL pour justifier l'implication des ONG dans les politiques gouvernementales de développement.(cité par Véronique HORDAN,1994 :24).
Les années 90 : de nouveaux espoirs
Le facteur primordial de la réussite d'un projet d'aide au développement semble donc être la participation effective et la responsabilisation des bénéficiaires. Participation à toutes les étapes : analyse des données et des problèmes rencontrés, expression du besoin, conception du projet, réalisation, puis suivi lorsque l'association du Nord sera partie. Cette approche confère aux associations du sud une autonomie de plus en plus grande.
L'association du Nord peut alors travailler avec d'autres associations du Sud et les projets peuvent ainsi se multiplier. Cette approche assure la pérennité et la reproductibilité des réalisations qui, sont l'une des issues ouvertes aux petits projets pour dépasser le stade micro-économique et parvenir à une dynamique véritable. Cette évolution est favorisée par l'émergence de collectivités locales de plus en plus organisées, structurées et efficaces. C'est ainsi que le phénomène d'ONG a pris de l'ampleur dans les pays du Sud.
Qu'en est-il alors du Cameroun ?
Au Cameroun, les ONG sont créées conformément à la loi n°90/53 du 19 décembre 1990 relative à la liberté d'association. Bien que la loi n°99/014 du 22 décembre 1999 ait été adoptée dans le souci d'une spécification de la loi sur les ONG, le cadre légal de 1990 reste en vigueur pour les ONG. Il est d'ailleurs renforcé par la loi de 1999 lorsqu'elle fait du statut d'association un préalable à la postulation au statut d'ONG (Art 1 et 2 al.1). A s'en ternir à cette nouvelle loi, il n'y a pas encore d'ONG Camerounaise, relèvent les responsables du ministère de l'Administration territoriale en charge des associations et de cultes. M. ESSI et T. NDONKO (1994 :4) affirment également à ce propos que le sigle « ONG » est largement utilisé au Cameroun, pourtant, cette forme d'association reste illicite. Ainsi, parler d'ONG camerounaise, c'est faire allusion aux associations et donc à l'univers associatif camerounais. Quelle est la configuration de cet univers associatif et quelle en est la place des ONG ? Avant de répondre à cette question, permettons-nous tout d'abord un aperçu historique, fut-il une esquisse.
L'idée de la mise en commun des efforts individuels dans le cadre d'une association naît chez les populations camerounaises, d'un certain nombre de besoins non satisfaits. En effet, les limites des actions étatiques doublées du retrait de l'État-providence ont conduit les populations à la prise de conscience qu'elles ne peuvent plus attendre de l'État les services sociaux essentiels, la sécurité économique et même la sécurité de proximité. Cette prise de conscience les amène à s'engager dans la lutte pour leur propre survie. Elles commencent alors à chercher les solutions à leurs problèmes par elles-mêmes en organisant des groupes allant du village à la ville. Le phénomène associatif prend ainsi son essor et ne cessera plus de s'amplifier. Après les tontines de toutes tailles, l'on est passé aux champs communautaires, aux petits projets de pistes carrossables, à l'achat de petits camions en commun pour évacuer les produits vivriers vers les villes, à la création parfois anarchique et improvisée des ONG. Quel peut être de nos jours le profil de l'univers associatif camerounais?
Dans son étude sur la société civile au Cameroun, le PNUD distingue quatre typologies possibles des organisations de la société civile camerounaise : une typologie retenue par l'Administration, une typologie selon la nature des personnes regroupées croisée avec la finalité d'action, une typologie selon le domaine d'intervention et une typologie selon le degré d'insertion dans l'espace public de négociation. (2000 : 19-20).
La typologie retenue par l'Administration propose une nomenclature constituée des associations simples ou socio-culturelles ; les groupements d'intérêts économiques (GIE), les groupements d'initiatives communes (GIC), les coopératives, les organisations non gouvernementales (ONG), les syndicats, groupements et ordres professionnels.
La typologie selon la nature des personnes regroupées croisée avec la finalité d'action distingue les associations de base, les organismes d'appui et les organisations de corporation.
Les associations de base regroupent des personnes physiques qui entreprennent pour eux-mêmes des actions avec pour finalité d'apporter des réponses solidaires aux problèmes du quotidien. On les appelle encore les initiatives locales de développement (ILD), ou organisations communautaires de base (OCB). ce sont par exemple les comités de développement, les groupes d'entraide, les groupements d'initiatives communes, les coopératives, les associations culturelles, etc.. L'effectivité du fonctionnement de cette catégorie d'organisation de l'univers associatif réside dans le critère de « participation » des membres que l'on peut appréhender par la contribution en espèces et en nature.
Les organisations d'appui regroupe des personnes physiques ou morales qui offrent des appuis techniques, matériels et/ou financiers à des groupes ou des individus qui leurs sont extérieurs et avec lesquels ils n'ont aucun lien fonctionnel, ni professionnel. Ils ont pour finalité d'amener les initiatives locales de développement (ILD) ou les individus à agir pour la transformation du milieu. On retrouve ici les ONG, les organismes humanitaires, les organismes de défense de droits, et dans une certaine mesure les congrégations religieuses. L'un des critères d'appréciation de cette catégorie d'organisation est la notion de « pédagogie» puisque ces organisations contribuent à l'éducation des personnes et des groupes qu'elles appuient.
Les organisations de corporation regroupent des personnes physiques ou morales ayant des métiers et de professions identiques ou bien évoluant dans des secteurs d'activités identiques qui offrent différents types d'intérêts à leurs membres et surtout défendent leurs intérêts. Il s'agit des corporations et groupements professionnels, les unions d'associations, les groupements d'intérêt économique (GIE). On peut aussi y inclure les fédérations d'unions qui, bien que regroupant des personnes morales ayant des activités diversifiées, ont la même fonction pour leurs membres.
La typologie selon le domaine d'intervention distingue les organisations de l'économie sociale et les organisations de défense des droits.
Les organisations de l'économie sociale sont celles qui opèrent dans le secteur social en vue d'identifier puis de subvenir aux besoins des populations cibles. Elles créent des emplois aux besoins des populations et suppléent généralement l'État dans son action sociale et économique. ce sont les ONG de développement, les GIC, GIE, COOPEC ; les associations d'entraide ; etc..
Les organisations de défense des droits sont celles qui font dans les droits de l'homme et des libertés, droits des consommateurs, droits des femmes, droits des jeunes, droits des catégories professionnelles, etc..
La typologie selon le degré d'insertion dans l'espace public de négociation distingue les organisations du 1er degré, du 2nd degré et 3ème degré.
Les organisations du 1er degré sont celles qui ne se situent pas dans le champ public. ce sont les associations de base dont les activités concernent exclusivement leurs membres. Elles appartiennent à la société civile parce qu'elles constituent le premier niveau de structuration du milieu associatif.
Les organisations de 2nd degré sont celles qui interviennent de temps en temps dans l'espace public, en organisant périodiquement des cadres de concertation sur des thématiques verticales (pour des spécialistes d'un même secteur) ou des thématiques horizontales (pour des catégories de personnes évoluant dans des sphères et/ou secteurs différents) et en servant parfois de porte-voix aux recommandations émises lors de ces concertations. On y retrouve les unions, les fédérations, les ONG et leurs collectifs. Elles constituent un second niveau de structuration du milieu associatif et participent à donner un sens à la notion de « mouvement associatif ».
Les organisations du 3ème degré sont celles qui créent des espaces de négociations avec des partenaires tierces, notamment les pouvoirs en s'appuyant sur les organisations des degrés 1 et 2 : ce sont des confédérations et collectifs (regroupements d'unions et/ou de fédérations, syndicats professionnels, les associations de défense de droits).
Toutes ces typologies rendent compte de la diversité de la configuration de l'univers associatif camerounais. Toutefois, dans le souci de rendre la lisibilité du paysage associatif camerounais plus aisée, le Programme national de gouvernance (PNG : 1999) distingue les associations à caractère économique des associations à caractère socio-culturel. Suivant cette distinction, le paysage associatif camerounais en chiffre, bien que ce ne soit qu'une tendance, peut se lire dans le tableau ci-après :
Grandes zones géographiques |
Provinces |
Associations socio-culturelles |
Associations économiques |
Total |
% |
Soudano Sahélien |
Adamaoua |
487 |
487 |
1,6 |
|
Extrême nord |
1481 |
194 |
1675 |
5,4 |
|
Nord |
- |
779 |
779 |
2,5 |
|
S/total |
1481 |
1460 |
2941 |
9,5 |
|
Grassfield |
Ouest |
1576 |
1023 |
2599 |
8,4 |
Nord Ouest |
- |
2176 |
2176 |
7 |
|
S/total |
1576 |
3199 |
4775 |
15,5 |
|
Côtier |
Sud Ouest |
142 |
335 |
477 |
1,5 |
Littoral |
6730 |
3049 |
9779 |
31,7 |
|
S/total |
6872 |
3384 |
10256 |
33,2 |
|
Forestier |
Centre |
3780 |
4580 |
8360 |
27 |
Est |
1180 |
160 |
1340 |
4,3 |
|
Sud |
2113 |
1058 |
3171 |
10,3 |
|
S/total |
7073 |
5798 |
12871 |
41,7 |
|
Total |
17002 |
13841 |
30843 |
||
Pourcentage |
56 % |
44 % |
100 % |
Source : Programme national de gouvernance, in PNUD (2000 : 14)
Tableau 1 : Répartition des associations enregistrées par provinces et par grandes zones géographiques
Dans les différentes typologies de l'univers associatif camerounais sus-parcourues, la présence des ONG est récurrente. Récurrence qui traduit l'existence des ONG camerounaises ou alors des associations qui tiennent lieu d'ONG.
Depuis plus d'une quinzaine d'années, divers organismes ont tenté d'identifier les ONG qui interviennent au Cameroun. Le but recherché étant de savoir combien elles sont, ce qu'elles font, où elles travaillent. En 1983, une étude réalisée par l'Association pour la promotion des initiatives communautaires africaines (APICA), l'Institut panafricain pour le développement (IPD) et l'UNICEF a répertorié 43 ONG dont 25 nationales. En 1988, une étude conduite par le PNUD et le gouvernement camerounais a dénombré 76 ONG dont 50 nationales. En 1994, GTZ et COPAD donnent le chiffre de 136 ONG dont 108 nationales. En 1997, on estime leur nombre supérieur a 600 (S. C. ABEGA,1999 :180).
Les ONG camerounaises interviennent directement auprès des populations dans divers domaines. La protection de l'environnement, la protection de l'enfant, la mère et l'enfant, la promotion des femmes, le développement communautaire, les soins de santé primaire, la vulgarisation des techniques, l'assistance aux nécessiteux, la réinsertion des marginaux, la culture et la linguistique, l'appui aux initiatives diverses, l'agro-pastoral, la recherche scientifique, le planning familial, la lutte contre le Sida, l'hydraulique villageoise, la structuration du monde paysan, etc., sont autant des domaines d'intervention des ONG camerounaises.
Les ONG camerounaises se caractérisent généralement ,d'une part, par le recours à un personnel local volontaire parfois qualifié, souvent inexpérimenté. D'autre part, elles manquent de financements et dépendent des Bailleurs externes ou de la sous-traitance avec les ONG internationales. Toutes raisons, relève S. C. ABEGA (1999 : 181), limitant une action et une approche spécifiques que leur permettrait leur bonne connaissance du milieu. C'est pour ces mêmes raisons, poursuit-il, qu'elles sont partagées entre l'entreprise créée pour le bénéfice de ses promoteurs et l'ONG véritable dont l'idéologie est tournée vers l'altruisme. Telle est la situation des ONG nationales camerounaises auxquelles font partie celles qui ont servi de cadre à cette étude.
Présentation faite du cadre institutionnel de cette étude (bailleurs de fonds, ONG nationales) permettons-nous un regard synoptique sur la pauvreté au Cameroun.
La décennie de récession et d'ajustement économiques qu'a connu le Cameroun (1985/86 - 1994/95) a révélé les insuffisances des politiques sociales au cours de cette période. La situation sociale s'est ainsi caractérisée par une forte expansion de la pauvreté dans l'ensemble du pays. Les statistiques officielles et les voix des pauvres qui se sont faits entendre ont fait état d'un pays qui n'a pas encore suffisamment agi pour la réduction de la pauvreté (BM, 1995 : Préface). La pauvreté se présente aujourd'hui sous différents visages. Le gouvernement et les populations ont pris conscience de l'ampleur de la pauvreté, de la nécessité et de l'urgence d'y faire face. Des enquêtes permettent d'apprécier l'état de la pauvreté au Cameroun. De même, des stratégies sont déployées pour affronter ce fléau social au Cameroun.
Quel est l'état de la pauvreté au Cameroun et quelles en sont les stratégies de lutte ? Avant d'y arriver, que faut-il entendre par pauvreté ?
I. APPROCHE THÉORIQUE DE LA PAUVRETÉ
A - LA PAUVRETÉ : ESQUISSE DE DÉFINITION
La pauvreté est un problème permanent dans le monde. Cette permanence dans le temps et dans l'espace (les pays sous-développés pour la plupart), doublée de son caractère pernicieux, justifie la figuration récurrente des thèmes sur la pauvreté au centre des débats sur le développement. Au point où , elle est même devenue un « fonds de commerce » pour certaines « configurations développementistes ». Partout, on parle de la pauvreté. Dans les ménages, dans les rues, dans les marchés, dans les bureaux, les gouvernements, la communauté internationale, les ONG, les médias, les fonctionnaires, les déflatés, les chômeurs, les paysans, les étudiant. Tous parlent de la pauvreté. Mais qu'est -ce que la pauvreté ?
La multiplicité de définitions qu'on donne de la pauvreté traduit la diversité des acteurs de lutte contre la pauvreté ainsi que les victimes.
Pour la Banque Mondiale :
« La pauvreté est synonyme de privation et de vulnérabilité : privation d'une nutrition adéquate, de soins de santé rudimentaires, d'une éducation de base et de possibilités d'échapper à la pauvreté ; vulnérabilité face à la faim, la maladie, l'ignorance, la destitution et aux possibilités impossibles à saisir » (BM,1995:Préface).
La pauvreté se caractérise, d'après la Banque mondiale, par un profond dénuement, un manque aigu de bien-être.
« Être pauvre, c'est avoir faim, ne pas avoir un toit ni de vêtements décents, être malade et ne pas pouvoir se faire soigner ; c'est être illettré et sans instruction » (BM, 2000 : 19).
Pour le PNUD, « la pauvreté est un phénomène complexe qui désigne généralement une insuffisance de ressources et une privation de possibilités de choix et d'opportunités qui offriraient aux individus des conditions de vie décente » (1998 a : 3). Selon le PNUD toujours, la pauvreté possède une multiplicité d'images à travers lesquelles s'expriment les mauvaises conditions de santé ou d'éducation, le manque d'accès au savoir, l'impossibilité d'exercer des droits civiques, l'absence de dignité et de confiance personnelle, la dégradation de l'environnement (PNUD,1998 a:3)
Le BMZ et la GTZ, qui sont des institutions de développement allemandes, définissent la pauvreté sous trois angles :
« Manque de moyens (économiques ou monétaires) pour satisfaire aux besoins primaires essentiels (nourriture, éducation, santé). Manque de possibilités d'accès aux ressources et aux prestations sociales de la couche pauvre. Exclusion de la grande partie de la population du processus de développement et manque d'égalité » (Kalilou DIABY,1997 : 3).
Les pauvres eux-mêmes, donnent une définition de la pauvreté à travers le récit de leur vie quotidienne.
« La pauvreté ? Ne me demandez pas ce que c'est : vous l'avez rencontrée devant ma porte. Regardez la maison, comptez les trous. Regardez mes affaires et les vêtements que je porte. Regardez tout ce qu'il y a ici et écrivez ce que vous voyez. C'est ça la pauvreté » (BM, 2000 : 3)
« Évidemment, nos champs ne nous rapportent guère ; tous les produits, les articles achetés dans les magasins coûtent cher, la vie est dure : nous travaillons et nous ne gagnons pas beaucoup, nous n'achetons presque rien ; nous manquons de tout, il n'y a pas d'argent et nous nous trouvons pauvres. S'il y avait de l'argent » ( sic)(op.cit. :3).
« La pauvreté, c'est l'humiliation, le sentiment de dépendance, être obligé de subir le mépris, les insultes et l'indifférence quand on cherche de l'aide » (Ibid. :3).
« Quand mon mari est malade, c'est une calamité. Notre vie s'arrête jusqu'à ce qu'il guérisse et retourne au travail » (Ibid. :3).
Les définitions sus-données de la pauvreté et le récit des pauvres permettent d'avoir une idée de la notion de pauvreté. Cependant, la définition que propose le MINEFI-DSCN semble résumer les précédentes. Il définit la pauvreté comme un phénomène multidimensionnel dont les manifestations s'observent aussi bien à travers l'insuffisance de ressources, la précarité ou l'exclusion sociale. L'insuffisance renvoyant au manque de moyens, la précarité à l'instabilité des conditions de vie, et l'exclusion sociale à une certaine discrimination dans la répartition des infrastructures sociales de base telles que les routes, les écoles, les hôpitaux etc. (1996 : 4).
Il ressort de ces définitions que la pauvreté traduit l'impossibilité de satisfaire un certain nombre de besoins vitaux. Le manque de ressources, la précarité et l'exclusion sont caractéristiques de la pauvreté. Mais, la complexité du phénomène de pauvreté ne permet pas de saisir ses contours. D'où la nécessité d'une approche typologique de la pauvreté.
Plusieurs critères permettent d'établir une typologie de la pauvreté sans laquelle, les contours de la pauvreté seront difficiles à saisir compte tenu de sa complexité.
1 - Typologie selon l'approche évaluative de la pauvreté
Deux approches ont cours en matière d'évaluation de la pauvreté : l'approche monétaire et l'approche humaine. A partir de ces approches, on distingue la pauvreté monétaire et la pauvreté humaine.
a) La pauvreté monétaire
Dans cette approche, la pauvreté est appréhendée à partir d'un seuil de pauvreté qui varie d'une région à une autre, d'un pays à l'autre. Ainsi, pour les pays en développement, le seuil de pauvreté est fixé à un dollar par jour et par personne, alors que pour les pays de l'Europe de l'Est et de la Communauté des États indépendants (CEI), le seuil établi est de 4 dollars par jour et par personne (PNUD,1998 a : 5)
Dans cette perspective, est pauvre tout individu incapable d'atteindre le seuil établi par jour, ce seuil s'exprimant en terme monétaire. Cette approche, qui a longtemps prévalu dans l'évaluation du développement, a fait l'objet de critiques pour autant qu'elle occulte l'aspect qualitatif du développement et n'évalue le développement que sur son aspect quantitatif.
b) La pauvreté humaine
Contrairement à l'approche monétaire « l'approche par les manques » caractérise la pauvreté humaine, laquelle pauvreté se préoccupe des conditions des pauvres dans leur milieu (PNUD, 1998 a : 5). La notion de pauvreté humaine se définit en termes de capacité (PNUD, 1997).Cette notion se réfère aux potentialités qu'un individu est en mesure ou non de réaliser, en fonction des possibilités qui lui sont offertes. La pauvreté n'est pas seulement, de ce fait, indigence mais aussi manque d'opportunités réelles. C'est cette approche qui semble, de nos jours, rendre compte de la pauvreté dans son effectivité. La notion de pauvreté humaine a été mise sur pied et vulgarisée par le PNUD qui, en a fait son domaine de prédilection.
2 - Typologie selon la profondeur ou le degré de pauvreté
La variabilité des profondeurs de la pauvreté rend compte des types de pauvreté. La pauvreté a été catégorisée en deux : « la pauvreté absolue [...] la pauvreté relative » (SERAGELDIN et TABOROFF, 1992 : 23). Mais , le PNUD (1998 a : 4) identifie bien plus que cela. Il y ajoute la pauvreté extrême.
a) La pauvreté relative
C'est une forme de pauvreté dans laquelle les pauvres « peuvent avoir juste fait face à leurs besoins fondamentaux minimaux, mais avoir des ressources limitées qu'ils n'ont pas les moyens de participer suffisamment à la vie de la société » (SERAGELDIN et TABOROFF, 1992 : 23). Pour établir la pauvreté relative, on procède par une classification croissante des ménages selon leur niveau de dépenses. Puis, on considère les populations dans la proportion de 30 % ou 40 % comme relativement pauvres.
b) La pauvreté absolue
Cette forme de pauvreté que le PNUD désigne encore « pauvreté générale » (1998 a :4), se réfère à un état où il y a impossibilité de faire face aux besoins fondamentaux minimaux pour une vie acceptable. C'est « l'impossibilité d'un ménage ou d'un individu de satisfaire à la fois tous les besoins au minimum qui permettent une vie décente » (PNUD, 1998 a : 4). Cette forme de pauvreté se constate en établissant un chiffre de revenus en-deçà duquel les besoins essentiels ne sont pas satisfaits.
c) La pauvreté extrême
Cette forme de pauvreté traduit un état absolu de dénuement, de gêne, d'indigence, de besoin et de privation. Dans ce cas, les victimes risquent leur vie à court terme si elles ne sont pas traitées comme des personnes en danger. (PNUD, 1998 a : 4 ). C'est ce que RIDELL et ROBINSON appellent « The chronical poverty » Pour eux, « the chronically poor those whose income levels remain continually below a given poverty -line, defined by minimum consumption standards : the suffer from acute deprivation » (1995 : 11)
3 - Typologie selon l'ampleur de la pauvreté
La pauvreté peut être individuelle ou de masse.
a) La pauvreté individuelle
La pauvreté individuelle renvoie à la question des besoins essentiels. Elle est perçue d'abord comme une situation de marginalité. Le pauvre est alors celui qui n'a pas de moyen de faire ce que réalisent les autres membres du groupe ayant un statut voisin du sien. La pauvreté isole et, dans une certaine mesure, « désocialise » l'individu en le privant des comportements types du groupe en ce qui concerne les consommations et le genre de vie. La pauvreté individuelle, selon Marc PENOUIL, est une situation difficile à cerner. (Victor DOULOU : 24)
b) La pauvreté de masse
Cette forme de pauvreté selon le PNUD, est fondamentalement liée à l'âpreté des conditions géographiques et économiques d'un groupe social ou d'une communauté donnée. C'est une forme de pauvreté structurelle et persistante qui va au-delà de l'insuffisance des ressources financières. L'hostilité de l'environnement économique global explique souvent cette pauvreté que l'on rencontre dans certaines localités des provinces de l'Extrême Nord et de l'Est Cameroun. (PNUD, 1998 a : 4).
4 - Typologie selon le temps, la chronologie
Dans cette typologie, on distingue la pauvreté ancienne et la pauvreté nouvelle.
a) La pauvreté ancienne
Comme son nom l'indique, c'est une pauvreté ancienne et persistante. Elle est le plus souvent génératrice des autres formes de pauvreté. Elle peut être due aux conditions géophysiques et économiques d'une société ou d'un pays.
b) La pauvreté nouvelle
Cette forme de pauvreté renferme ceux que la Banque mondiale désigne « The new poor » (PNUD, 1998 a : 4). C'est une expression qui renvoie le plus souvent à une rupture brutale du niveau des revenus. Les caractéristiques de l'organisation sociale et les mutations politico-économiques sont porteuses de cette nouvelle forme de pauvreté. Elle naît des événements qui prennent des proportions et produisent des conséquences qui auraient été moindres dans un autre contexte (PNUD, 1998 a :4). Comme expliquent RIDDEL et ROBINSON:
« The new poor are those who were previously above the poverty-line but have since joined the ranks of the poor as a result of economic recession or structural adjustment programmes » (1995 : 11).
Les milliers de déflatés de la fonction publique et du secteur privé camerounais comptent parmi les nouveaux pauvres.
5 - Typologie selon l'espace
La pauvreté s'exprime aussi en fonction du milieu ou de la zone où elle sévit. Ainsi parle-t-on de la pauvreté rurale et de la pauvreté urbaine.
a) La pauvreté rurale
C'est une pauvreté caractéristique des zones rurales. Outre la faible productivité de l'agriculture, la principale cause de pauvreté rurale est la difficulté d'accéder aux facteurs de production (sol et capital) et à la ressource vitale que constitue l'eau. Combattre efficacement cette forme de pauvreté suppose des réformes agraires améliorant l'accès aux ressources et aux facteurs de production, ainsi que des activités de formation, de recherche agronomique des professions rurales. La pauvreté, au Cameroun, touche en grande partie la population rurale. La pauvreté rurale entraîne l'exode rural et les migrations interrégionales qui déplacent le problème dans les zones urbaines.
b) La pauvreté urbaine
C'est une forme de pauvreté caractéristique des zones urbaines. L'exode rural, la montée du chômage et autres qui entraînent des phénomènes tels que la prolifération de l'habitat spontané, l'insalubrité et l'insécurité sont à l'origine de cette forme de pauvreté. La pauvreté urbaine s'évalue, non seulement sur des critères de revenus, mais également sur ceux qui concernent les conditions de vie qui déterminent implicitement la capacité à produire un niveau monétaire suffisant et, à générer une croissance libératrice de la misère. Plus de la moitié des populations urbaines camerounaises vit actuellement dans des quartiers sous-équipés et dans des conditions très précaires. (AUDIBERT et LEGENDRE, 2001 : 16).
6 - Typologie selon la nature des ressources
La pauvreté s'exprime aussi en terme de nature de ressources. Ainsi pourra-t-on parler de la pauvreté matérielle et de la pauvreté intellectuelle, morale spirituelle ou institutionnelle.
a - La pauvreté matérielle
Cette forme de pauvreté s'exprime en terme de manque de ressources matérielles. Les ressources alimentaires, les infrastructures sanitaires, scolaires et bien d'autres, constituent autant de ressources dont le manque traduit la pauvreté matérielle.
b - La pauvreté intellectuelle, morale, spirituelle ou institutionnelle
Il s'agit, dans ce type de pauvreté, de manque de ressources non matérielles, non palpables. Il est question des capacités intellectuelles, morales ou spirituelles. ce sont des ressources qualitatives. Ainsi peut-on être matériellement riche et spirituellement, moralement ou intellectuellement pauvre et vis-versa. S'agissant de la pauvreté institutionnelle, il s'agit de l'absence des gens qu'il faut à la place qu'il faut.
L'économie camerounaise, jusqu'en 1985, affichait une situation enviable parmi les pays de l'Afrique subsaharienne. Au développement continu de la production et les exportations agricoles s'était ajoutée, à partir de la deuxième moitié des années 70, l'exploitation des ressources pétrolières (MINEFI, 2000:5)
Au cours de l'exercice 1985/1986, l'économie enregistre une baisse brutale des revenues d'exportation. Cette baisse concerne aussi bien le pétrole que les autres produits d'exportation. La dégradation de l'activité économique s'accélère en 1986/1987, en raison de la baisse persistance des cours des principaux produits d'exportation (pétrole, café, cacao et coton). Les taux de croissance deviennent négatifs. De 1985 à 1988, les termes de l'échange se dégradent de moitié.
En réaction à la crise qui s'est ainsi installée, le gouvernement a mis en oeuvre une politique d'ajustement interne qui « montrera très vite ses limites » (Op. cit. :5). La réduction du train de vie de l'État et du poids du secteur public dans l'économie s'avère insuffisante pour enrayer le mal qui est profond. Les indicateurs économiques continuent de se dégrader. La baisse continue des revenus induit une chute de 40 % de la consommation par habitant entre 1985/86 et 1992/93. L'encours de la dette extérieure passe de moins de 1/3 à plus de 3/4 du PIB entre 1984/1985 et 1992/1993.Au cours de la même période, le taux d'investissement quant à lui passe de 27 % à moins de 11 % du PIB. (Ibid.: 5)
Pour faire face à la dégradation marquée de la situation des finances publiques, caractérisée par des « tensions de trésorerie intenables », des baisses drastiques de salaires sont opérées dans la fonction publique en 1993.
De manière générale, la situation sociale se trouve fortement détériorée. S'agissant de l'emploi, la restructuration du secteur des entreprises du secteur public et parapublic, qui entraîne la fermeture de certains établissements d'une part, le gel des recrutements à la fonction publique et les mesures d'allégement des effectifs d'autre part, a engendré une forte montée du chômage. L'offre publique des services sociaux de base est particulièrement affectée par les difficultés financières auxquelles l'État fait face. Dans le secteur de l'éducation, le ratio élèves/enseignants se dégrade, sous l'effet conjugué de l'accroissement continu des effectifs et du gel des recrutements d'enseignants. Dans le domaine de santé, les difficultés sont identiques. L'infrastructure routière se dégrade également, faute d'entretien.
Des études révèlent une paupérisation croissante des ménages camerounais :
« En 1993, 39,6 % de l'ensemble des ménages étaient considérés comme pauvres, 40 % des ménages correspondaient à la catégorie des ménages dite « intermédiaires » et 20,4 % des ménages étaient considérés comme riches ou « aisés » ». (PNUD, 1998 a : 11)
D'après le Rapport mondial sur le développement humain du PNUD (éditions 97 et 98), l'indice de pauvreté humaine est passée de 31,4 % en 1997 à 30,9 % en 1998. ce qui revient à dire, d'après le même rapport, que près d'un tiers de la population camerounaise souffre de trois formes de dénuement sur les aspects de la vie que constituent la longévité, le savoir et les conditions de vie. De plus, s'agissant de l'indice de développement humain (IDH), le Cameroun occupait en 1998 le 132ème rang (sur 175 pays), après avoir été 133ème en 1997 et 124ème en 1994 (sur 173 pays) ; ce qui corrobore l'aggravation de la pauvreté au Cameroun (PNUD, 1998 a : 13).
Après cette présentation succincte de l'évolution de la pauvreté au Cameroun, que dire de son profil ?
Quel est le profil de la pauvreté au Cameroun ?
L'enquête sur les conditions de vie des ménages menée en 1996 fournit des indications sur l'ampleur et les manifestations de la pauvreté au sein des populations camerounaises. Les résultats de cette opération révèlent que la pauvreté, en 1996, touchait 50,5 % environ de la population camerounaise. Depuis cette date, il n'y a plus eu d'opération statistique permettant de mesurer la pauvreté au Cameroun. Cependant, le gouvernement a engagé en mars/avril 2000, un processus de consultations participatives qui a permis de percevoir les manifestations de la pauvreté chez les populations à la base. Les résultats de ces consultations ont permis l'élaboration du document intérimaire de stratégies de réduction de la pauvreté au Cameroun. D'après ce document, la pauvreté au Cameroun se dessine dans divers secteurs, notamment les secteurs sociaux parmi lesquels la santé, l'éducation, l'emploi et le logement. Deux ans après, précisément en janvier 2002, ces consultations ont été reprises. Et, « de manière générale, les maux décriés lors des consultations participatives de mars/avril 2000 pour caractériser la pauvreté ont à nouveau été relevés, voire renforcés » (MINEFI, 2002 :16)
Au plan de la santé, on relève une baisse de fréquentation des centres de santé. Parmi les personnes qui se sont déclarées malades en 1996, moins de la moitié (48,7 %) a pu se faire consulter alors que parmi les populations pauvres, 36,1 % seulement des consultations ont été effectuées dans une structure sanitaire formelle. Le niveau de dépenses de santé des ménages révèle qu'un individu dépense en moyenne 13.000 francs par an. Cette dépense est de 5.600 francs par personne dans les ménages pauvres alors qu'elle atteint 37.000 francs dans les ménages non pauvres. Le ratio médecin/habitants se situe autour de 8 médecins pour 100.000 habitants. (MINEFI, 2000 : 9)
Au plan de l'éducation, la sous-scolarisation et l'analphabétisme sont des vecteurs de la pauvreté chez les adultes et les jeunes. Le profil de scolarisation se caractérise par un taux brut de scolarisation de 74,9 % pour les enfants âgés de 6 à 14 ans dans les ménages pauvres contre 82,9 % chez les riches. La confirmation de ce phénomène est faite par la dépense annuelle moyenne par élève qui varie de 11.000 francs CFA dans les ménages pauvres à 55.000 francs CFA pour les ménages riches. Les taux d'analphabétisme des personnes de 15 ans et plus qui se situent respectivement à 52,6 % et 23,3 % pour les deux groupes confirment la nécessité de concevoir et de mettre en oeuvre des programmes d'alphabétisation en leur faveur (Op.cit.:9).
Au niveau de l'emploi, le taux d'activité, est plus élevé chez les pauvres que chez les riches. ce qui traduit une forte présence sur le marché du travail des pauvres qui ont, plus que les riches, besoin d'accroître leurs revenus. Le chômage frappe plus les pauvres que les riches. En 1996, 41,5 % des ménages pauvres sont dirigés par un inactif ou un chômeur. Parmi les actifs occupés, le secteur informel est le refuge des pauvres et des jeunes diplômés. Les pauvres occupent des emplois à 92,7 % informels, alors que le taux d'informalité est de 61,7 % chez les riches (Ibid.: 9).
Au plan du logement, les problèmes sont liés aux coûts de matériaux de construction et aux difficultés d'accès à la propriété foncière. En 1996, les ménages pauvres sont à 89,5 % propriétaires de logements essentiellement précaires. Dans ce cadre de vie, 26,2 % ont accès à l'eau potable, 98 % font la cuisine au feu de bois ou au charbon de bois et moins de 1% bénéficient d'un éclairage à l'électricité. Les ménages riches sont 67,8 % à être raccordés au réseau d'eau potable et 24,4 % s'éclairent à l'électricité (MINEFI, 2000 :9).
Cette présentation du profil de la pauvreté au Cameroun suscite des interrogations sur les déterminants de cette pauvreté.
Plusieurs facteurs déterminent la pauvreté au Cameroun. Aux déterminants naturels et économiques, s'ajoutent les déterminants socioculturels.
1 - Les déterminants naturels de la pauvreté au Cameroun
Sur ce plan, les principaux déterminants de la pauvreté au Cameroun sont, selon le PNUD (1998a :39-41), les disparités régionales en ressources naturelles. Le MINEFI (2000 :10) y adjoint l'enclavement de certaines régions.
Pour le cas des disparités régionales, le Cameroun est dans l'ensemble bien fourni en ressources naturelles, tant sur le plan hydro-agricole que géologique. Cependant, la répartition spatiale de ces ressources est très inégalitaire. De ce fait, le potentiel de développement, et donc la vulnérabilité ou non à la pauvreté est très contrastée d'une région à l'autre.
Concernant la dégradation de l'environnement, la baisse du pouvoir d'achat des populations, due à la baisse des salaires du service public, à la compression des effectifs dans les entreprises et dans la fonction publique, a conduit les personnes ainsi victimes à adopter des stratégies de survie ayant des incidences sur l'environnement : développement de la déforestation du fait de l'agriculture périurbaine en milieu urbain et la surexploitation de la forêt tant par des grandes sociétés que les individus en milieu rural. De plus, la forte croissance démographique a entraîné une pression sur les surfaces cultivables et le couvert végétal (PNUD, 1998a : 40). L'enclavement de certaines régions est à l'origine de la pauvreté en ce sens qu'il ne permet pas aux populations qui y sont, d'évacuer leur production et de s'approvisionner à des coûts raisonnables. (MINEFI, 2000 : 10).
2 - Les déterminants économiques de la pauvreté au Cameroun
Ces déterminants s'expriment à deux niveaux : au niveau exogène et au niveau endogène.
a - Les déterminants exogènes
Le Cameroun, à l'instar de la plupart des pays en voie de développement, a une « économie fortement ouverte » (PNUD, 1998 a : 42). L'évolution de l'environnement internationale et les aspects des relations économiques internationales ont des répercussions significatives sur le comportement de certains indicateurs socio-économiques. Ainsi, la dégradation des termes de l'échange qui est intervenue à la seconde moitié de la décennie 1980 et qui a constitué un facteur d'appauvrissement du pays, a conduit à un alourdissement de la dette extérieure, dette contractée pour compenser la chute drastique des recettes d'exportation.
b - Les déterminants endogènes
Pour lutter contre la crise économique déclenchée au milieu des années 80, le gouvernement a adopté dans le cadre du Programme d'ajustement Structurel (PAS) et sous l'égide des bailleurs de fonds internationaux, des politiques macro-économiques dont le but premier était la stabilisation des finances publiques.
Le gouvernement a mis en oeuvre une politique de rigueur budgétaire qui a eu des effets néfastes sur les services sociaux de base (eau, éducation, santé, etc.) et a réduit considérablement les revenus des employés de l'État. La re-structuration des entreprises des secteurs publics et parapublics et la sévérité des difficultés économiques dans plusieurs entreprises privées ont provoqué un chômage massif. Certaines politiques sectorielles ont eu pour conséquence de fragiliser la situation sociale des travailleurs et de dégrader les conditions de vie des populations (PNUD, 1988 : 42).
La libéralisation des filières agricoles est aussi ressentie comme l'une des causes de la pauvreté. Ses effets négatifs les plus dénoncés sont l'absence d'encadrement des planteurs, la hausse des prix des intrants, la pratique des bas prix d'achat aux planteurs.
3 - les déterminants socio-culturels de la pauvreté au Cameroun
A côté des déterminants naturels et économiques de la pauvreté se trouvent d'autres types d'éléments qui, sans toutefois être mesurables ou quantifiables, sont à l'origine de la pauvreté au Cameroun. Au nombre de ces éléments, le MINEFI (2000 : 9-10) recense la perte des valeurs morales, l'absence de la considération sociale, la perte de la solidarité familiale, les pratiques de sorcellerie, la thésaurisation du patrimoine matériel dans certaines régions et des préjugés à l'encontre des groupes sociaux à culture et mode de vie différents. Les résultats des consultations de janvier 2002 complètent la liste des déterminants socioculturels de la pauvreté au Cameroun avec les informations telles que les mauvaises pratiques religieuses, la mauvaise répartition des terres pour les activités agro-pastorales, la mauvaise gestion des conflits agriculteurs-éleveurs, l'insécurité ambiante dans certaines localités, le manque d'esprit associatif et le renforcement du tribalisme et du sectarisme. Enfin, les populations décrient la mauvaise gouvernance qu'elles attribuent à la corruption, aux détournements de deniers publics, à l'impunité, au monnayage des services publics, à l'absence de la décentralisation et à la répartition inégale des fruits de la croissance (MINEFI, 2000 : 10.)
Au total, tous ces facteurs sont agencés et combinés en un véritable processus de production et d'entretien de la pauvreté au Cameroun.
Face à la situation engendrée par l'aggravation de la pauvreté au Cameroun et à l'urgence d'y faire face, des études ont été menées à l'effet d'identifier les axes majeurs de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Les résultats de ces études, contenus dans le document intérimaire de stratégies de réduction de la pauvreté au Cameroun, font état de quatre grands axes sur lesquels doivent s'accentuer la lutte contre la pauvreté. Il s'agit de la croissance économique, de la démographie, des disparités régionales et de la mobilisation des ressources.
1 - Une croissance forte et de qualité
D'après les résultats des études sus-évoquées, la stabilité macro-économique demeure la condition essentielle pour la promotion de la croissance économique et la réduction de la pauvreté. La promotion d'une croissance forte et durable passe par l'application des politiques susceptibles d'améliorer le niveau et l'efficacité de l'investissement dans le capital humain et physique. A cet effet, il est indispensable de procéder à la promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de la responsabilité afin de créer un environnement propice à l'investissement privé ; à l'accélération de la libéralisation des échanges et de l'approfondissement de l'intégration sous-régionale et régionale, à la promotion des exportations et la création d'emplois en tirant parti des possibilités qu'offre l'économie mondiale (MINEFI, 2000 :10)
Le développement économique durable étant impossible sans la paix et la stabilité sociale, la garantie de ladite stabilité et la cohésion sociale passe par une répartition équitable des fruits de la croissance et la mise en oeuvre des politiques et stratégies qui permettent à l'ensemble des populations d'accroître substantiellement leurs revenus.
2 - Le défi démographique
Les enquêtes sus-mentionnées révèlent que la population camerounaise croît à un taux moyen de 2,9 % par an et qu'à ce rythme, elle se situerait autour de 24 millions d'habitants à l'horizon 2015. Cette évolution est, d'après les mêmes enquêtes, trop rapide et nécessite par conséquent une accélération de la création de richesses en vue de satisfaire les besoins de base des populations et faciliter l'accès de tous aux services sociaux essentiels. Il convient, face à ce défi, de promouvoir une politique de population compatible avec les contraintes existantes et de valoriser les ressources naturelles,. (MINEFI, 2000 : 10)
3 - Les disparités régionales
Les consultations participatives, en vue de la préparation de la stratégie nationale de réduction de la pauvreté, ont fait état de fortes disparités régionales au Cameroun en termes de dotation en ressources naturelles. Les populations ont relevé la levée des contraintes naturelles de leurs régions de résidence comme axes stratégiques premiers de réduction de la pauvreté. Ainsi, les programmes d'hydraulique, de désenclavement ou d'accès à la terre apparaissent aux yeux des populations, comme les priorités absolues d'une stratégie efficace de réduction de la pauvreté (MINEFI, 2000 : 11).
4 - La mobilisation des ressources
L'ampleur et la profondeur de la pauvreté, d'après les résultats de l'enquête, sont telles que le gouvernement doit mobiliser des ressources importantes pour hisser l'ensemble de la population au dessus du seuil de pauvreté.
Face à cette contrainte, la poursuite et le renforcement de la mobilisation de l'épargne intérieure pour le financement des actions prioritaires de réduction de la pauvreté sont requis. En plus du renforcement de sa solvabilité et de sa crédibilité extérieures qui, l'a conduit à bénéficier de l'allégement de la dette publique extérieure aux conditions de l'initiative en faveur des pays pauvres et très endettés (IPPTE), la mobilisation des ressources additionnelles d'aides publiques au développement est nécessaire pour le gouvernement en vue du financement des projets et programmes à impacts substantiels sur la réduction de la pauvreté. (op. cit. :11).
Après plusieurs mesures prises par le gouvernement pour réduire la pauvreté au Cameroun, lesquelles mesures (ajustement interne, programmes d'ajustement structurel conclu avec le FMI) s'étaient soldées par un contrat d'échec (MINEFI, 2000 : 6), le gouvernement a entamé, dans le cadre de la mise en oeuvre du programme triennal engagé en juillet 1997, la correction de la profonde dégradation enregistrée à travers l'ensemble du pays. Cette correction s'est d'abord orientée vers l'infrastructure sociale et de la prestation des services sociaux. Sur ce plan, les priorités de la première génération de reformes ont porté sur la stabilisation macro-économique, la consolidation du redressement des finances publiques, la consolidation des relations avec les créditeurs extérieurs, l'approfondissement du programme de privatisation et la mise en oeuvre de quelques reformes sectorielles notamment dans les domaines financiers, des transports et de l'exploitation forestière.
Le gouvernement a également concentré ses efforts sur l'appui aux secteurs sociaux de l'éducation et de la santé, ainsi que la mise en oeuvre d'un programme pérenne d'entretien routier privilégiant les routes rurales reliant les zones de production aux centres de consommation.
Dans le domaine de l'éducation, le gouvernement a décidé de supprimer les contributions exigibles des parents d'élèves dans les établissements publics de l'enseignement primaire. En complément à la suppression du monopole privé qui s'était installé dans le secteur de l'édition et de la distribution des manuels scolaires, des dispositions institutionnelles et opérationnelles ont été prises pour assurer la disponibilité des manuels scolaires inscrits dans les programmes sur toute l'étendue du territoire et leur accessibilité aux enfants issus des couches pauvres de la population. Le gouvernement a en vue un programme d'investissement visant en priorité les réfections et les constructions de nouvelles salles de classes ainsi que l'assurance de la présence d'enseignants qualifiés dans toutes les écoles y compris dans les régions les plus défavorisées, en application des dispositions de la stratégie sectorielle de l'éducation en matière de gestion des enseignants.
Concernant la santé, la préoccupation principale et la plus urgente du gouvernement porte sur l'expansion de l'infection au VIH/SIDA au sein de la population camerounaise à 7 % environ (MINEFI, 2000 :13). Le gouvernement s'est donné pour objectif dans un premier temps de contenir le taux de prévalence en deçà du seuil critique de 10 % avant d'en amorcer le reflux. Parallèlement, le gouvernement a, en vue, le renforcement de la lutte contre les maladies transmissibles, les campagnes de vaccination et la finalisation de la carte sanitaire du Cameroun, ce qui permettra d'accélérer les opérations d'investissement visant à renforcer l'offre de soins de santé.
Au niveau de l'entretien routier, le gouvernement entend mobiliser des moyens supplémentaires pour accroître la capacité de programmation des travaux d'entretien routier et de passation des marchés y afférents.
En ce qui concerne le traitement de la dette intérieure, le gouvernement a lancé des opérations d'audit exhaustif des différentes catégories de cette dette en vue d'en connaître avec précision les montants et les détenteurs des créances. C'est ainsi que l'apurement de cette dette a commencé au cours de l'exercice 2000/2001, sous forme de paiements en cash ou d'émission de titres négociables (MINEFI, 2000 : 13).
La gouvernance et la lutte contre la corruption figurent également dans les stratégie gouvernementales de lutte contre la pauvreté au Cameroun. Les autorités camerounaises ont élaboré, avec l'appui du PNUD, un programme national de gouvernance. Dans le cadre de la lutte contre la corruption, un plan gouvernemental est adopté dans quelques secteurs. Un comité ad hoc présidé par le Premier ministre et un observatoire de lutte contre le fléau de la corruption ont été mis en place pour l'exécution de ce plan.
Les pauvres sont les principaux acteurs de la lutte pour la réduction de la pauvreté. Les premières stratégies anti-pauvreté après l'installation de la pauvreté au Cameroun, ont été observées au niveau des pauvres. L'enquête auprès des ménages de 1996 a relevé un certain nombre de stratégies adoptées par les pauvres et les ménages pauvres pour répondre à la pauvreté au Cameroun.
Pour faire face à la pauvreté, les pauvres entre autres stratégies, ont procédé à la modification des habitudes de consommation. C'est ainsi que la fréquence et la qualité des repas ont connu une réduction, les biens et services sollicités aussi.
Dans la sphère des pauvres, on assiste à une rupture des chaînes de solidarité. Les liens se resserrent autour de la famille nucléaire qui, se consolide au détriment de la famille élargie.
L'aide aux autres, la charité se réduisent systématiquement et conduit à l'émergence de l'esprit individualiste.
Dans le même sillage, on observe au niveau des pauvres, une multiplication/diversification des sources de revenus. C'est à ce niveau que se révèle l'esprit d'initiative des populations camerounaises. La lutte pour la survie se traduit par la multiplicité des voies d'entrée de ressources, sans distinction de secteur d'activités. C'est ainsi que des fonctionnaires en viennent à se discuter le secteur informel avec les chômeurs et sans qualifications. Des fonctionnaires s'investissent également dans l'agriculture de subsistance et parfois même pour la commercialisation, question « d'arrondir les fins de mois ». Les chômeurs et les sans qualifications aussi expriment leur dynamisme par leur capacité à s'adapter à tout petit métier. Bref, ce sont des spécialistes de l'informel, des maîtres à tout faire.
En réaction à la pauvreté toujours, les victimes ont réorienté leur consommation vers les produits de bas de gamme. C'est dans cette perspective que les produits nationaux ont été revalorisés. Cette réorientation se manifeste non seulement au niveau alimentaire, mais aussi au niveau sanitaire, vestimentaire et infrastructurel pour tout dire. Plus particulièrement au niveau sanitaire, on assiste à un replis vers la médecine traditionnelle, du fait des coûts relativement accessibles.
Ces stratégies, sans prétendre les épuiser, constituent la réponse des populations victimes de la pauvreté, à la pauvreté. Elles ont été adoptées pour s'adapter à la situation, voire y faire face.
Au regard de l'ampleur et de la profondeur de la pauvreté au Cameroun et face à « l'impuissance manifestée par l'État dans la recherche des solutions concrètes et durables aux problèmes des populations » (PNUD, 1998 a : 70), il s'est développé, dans un cadre non gouvernemental, des initiatives pour faire face à la pauvreté dans laquelle se trouve englué le pays. C'est dans ce contexte que la notion de société civile est devenue une référence obligée des discours sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Que faut-il entendre par société civile et quelle en est la réponse à la pauvreté au Cameroun ?
D'après Maxime HAUBERT (2002 : 2), ce que nous appelons aujourd'hui « société civile » est née en réaction au totalitarisme de l'État communiste en Europe centrale et orientale, aux défaillances de l'État-providence dans les pays occidentaux et aux échecs de l'État-développementiste dans les pays du Tiers monde.
La société civile est présentée, selon la «théorie du système social », comme la troisième composante du système social, les deux autres étant le marché (lieu d'opération des entreprises et des activités lucratives) et l'État (auquel on joint généralement le système politique). La société civile se définit, de ce fait, comme tout ce qui se trouve en dehors du marché et de l'État
GUIMDO cité par ABEGA (1999 :43) définit la société civile par opposition à la société politique, les deux s'inscrivant dans un vaste ensemble qui est la société globale, laquelle société globale comprend les gouvernants, les gouvernés, les opérateurs économiques, les forces religieuses, les syndicats, les formations ou les partis politiques et les autres groupes de pression.
Pour S.C. ABEGA., la société civile se définit comme :
« La fraction de la société située en dehors des structures de l'État et agissant à travers les structures de type associatif, coopératif ou les organisations de défense de droits et intérêts hors du cadre des partis politiques, même si elle n'est pas en réalité apolitique » (1999 : 13).
La société civile, selon le PNUD, est composée :
« De leaders d'opinion et de groupes sociaux qui s'organisent, d'une part, pour susciter des débats publics sur des questions qui concernent l'ensemble de la société et d'autre part, pour régler des problèmes socio-économiques immédiats et à long terme qui se posent à leurs membres et, enfin, peser sur les décisions qui la concernent » (2000 : 3).
La société civile, d'après la classification retenue par l'administration camerounaise est constituée des associations simples ou socio-culturelles, des groupements d'intérêt économique (GIE), des Groupement d'initiatives communes (GIC), des coopératives, des organisations non gouvernementales (ONG), des syndicats, groupements et ordres professionnels. (PNUD, 2000 : 19).
La multitude de définitions que nous venons de parcourir traduit la dynamique ou encore, le caractère complexe de la notion de société civile. Une lecture en profondeur des différentes approches permet d'établir un constat d'ordre général : la société civile est une composante non gouvernementale de la société globale. Fort de ce constat, nous entendrons par société civile, la composante non gouvernementale de la société globale engagée, à travers les mouvements associatifs ou coopératifs, dans la promotion des intérêts collectifs de leurs membres ou de l'ensemble de la société.
Ainsi définie, quelle en est sa réponse à la pauvreté au Cameroun ? Mais avant, comment est-on arrivé à son émergence au Cameroun ?
Le concept de société civile apparaît officiellement au Cameroun en 1990, lors d'une conférence dite « tripartite ». Cette conférence a réuni, pour la première fois sous le label de « société civile » des personnes et des structures qui ont été invitées à dialoguer avec d'autres entités de l'espace public (gouvernement, partis politiques) pour réfléchir à la refonte du cadre institutionnel et à la gestion des affaires publiques, notamment la lutte contre la pauvreté par le développement des secteurs-clés : éducation, santé, eau, électricité, routes. (PNUD, 2000 : 4)
L'expression « société civile » apparaît au Cameroun, selon le PNUD (2000 : 4), sous la contrainte de la rue qui exprime ses réactions face à la profonde crise économique et politique apparue à la fin des années 80. En effet, le désengagement de l'Etat de nombreux secteurs du développement marque la fin de l'État-providence naguère très présent et interventionniste dans les secteurs tels que la santé, l'éducation, l'agriculture. La prise de conscience par les populations du retrait de l'État- providence les amène à s'engager dans la lutte pour l'assurance de leur propre survie. Les populations camerounaises commencent, dès lors, à chercher les solutions à leurs problèmes par elles-mêmes en se constituant en groupes en villes comme en campagnes. C'est ainsi que le phénomène associatif prend son essor. Après les tontines de toutes tailles, l'on est passé aux champs communautaires, aux petits projets de pistes, à l'achat de petits camions en commun pour évacuer des produits vivriers vers les villes, à la création parfois anarchique et improvisée des ONG.
La réponse de la société civile à la lutte contre la pauvreté au Cameroun s'exprime non seulement par la forte densité des associations ou organisations de la société civile au Cameroun, mais aussi par leur implication effective dans les domaines ayant trait à la lutte contre la pauvreté tels que l'éducation, la santé, l'environnement, la genre, l'agriculture et bien d'autres.
Le PNUD (2000 : 14), s'inspirant des données recueillies par le programme national de gouvernance (1999), fait état de l'existence de 30843 associations recensées dans 7 des 10 provinces que compte le Cameroun.
Selon le même rapport du PNUD, la grande majorité des organisations de la société civile opèrent dans l'économie sociale, et notamment les coopératives et les Groupes d'initiative commune. Les secteurs d'activités qui accueillent généralement ces organisations sont la santé, l'éducation, la production agricole, le développement rural, la production de l'environnement, le financement des micro-projets, la culture et les droits de l'homme. Elles oeuvrent en général dans le développement économique et la promotion socio-culturelle.
Toutefois, l'observation empirique, constate le PNUD (2000 : 10), laisse dégager certains éléments d'influence ayant joué sur l'émergence de la société civile au Cameroun. Il s'agit des pratiques coutumières, des conditions géographiques, des réalités socio-économiques et politiques, des facteurs et des acteurs exogènes. Tous ces éléments ont influencé d'une manière ou d'une autre l'émergence de la société civile au Cameroun.
L'impact de la société civile dans la lutte contre la pauvreté au Cameroun est aujourd'hui perceptible. Beaucoup d'organisations de la société civile ont investi le champ de l'approvisionnement en eau et de la santé, d'autres soutiennent la scolarité des enfants défavorisés. Dans le domaine de la production agricole, un grand nombre s'est engagé dans l'appui aux agriculteurs, les aidant à améliorer leur productivité agricole, à introduire de nouvelles cultures et à améliorer leurs capacités de commercialisation (PNUD 2000 : 66-68).
S'il est reconnu que la société civile est d'un apport remarquable dans la lutte contre la pauvreté au Cameroun, il n'en demeure pas moins que cette société civile reste encore fragile et que beaucoup reste à faire pour son épanouissement, question de permettre sa contribution efficiente au développement du Cameroun. Pour que la société civile soit plus efficiente et efficace dans la lutte contre la pauvreté au Cameroun, relève le PNUD (2000), il y a lieu d'améliorer sa capacité économique, son cadre juridique, renforcer sa capacité, garantir la sécurité du citoyen, promouvoir une justice indépendante et diligente, une volonté politique agissante.
La communauté internationale a depuis toujours assisté les pays en développement dans leurs programmes de développement. Le Cameroun fait partie des pays dont la contribution de la communauté internationale au développement est une réalité permanente. Cette contribution peut s'observer sous l'angle à la fois de la coopération « centralisée/classique » et « décentralisée ».
1 - Le cadre centralisé / classique de la contribution de la communauté internationale à la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun.
Dans ce cadre dit « centralisé » ou « classique », l'État ou le gouvernement est le partenaire unique de la communauté internationale. La contribution de la communauté internationale dans ce cadre prend la forme de l'aide publique au développement (APD). Cette aide, pendant la période de marasme économique qu'a connu le Cameroun, s'est considérablement réduite.. Son volume a connu une relative augmentation à la suite des reformes entreprises par le gouvernement en 1997, comme le constate le PNUD .
« L'aide publique au développement, après avoir chuté de 753 millions de dollars en 1992 à 366 millions de dollars en 1996, a rebondi à 566 millions de dollars en 1997 » (1998 b : préface).
Cette aide se fait dans le cadre des relations bilatérales et/ou multilatérales. Mais elle a tendance à être versée de plus en plus dans le cadre des relations bilatérales, aux dépens des relations multilatérales. (I. TAMBA., 2001 : 93)
L'autre facette de la contribution de la communauté internationale qui constitue, de nos jours, une question d'actualité brûlante est, sans conteste, l'Initiative en faveur des pays pauvres et très endettés (IPPTE).
Fondée sur la théorie de la soutenabilité de la dette, théorie selon laquelle la dette peut, à certains égards, devenir un obstacle irrémédiable au développement d'un pays débiteur, l'initiative PPTE est la manifestation de la prise de conscience de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et des gros créanciers bilatéraux réunis au sein du groupe des sept pays les plus industrialisés du monde (G7), de ce que les mécanismes traditionnels de traitement de la dette des pays pauvres n'ont pas permis à ceux-ci de sortir du cercle vicieux de l'endettement et de l'appauvrissement. (I. TAMBA, 2001 : : 12)
La finalisation du programme FASR (Facilité d'ajustement structurel renforcé) dans des conditions jugées satisfaisantes et l'élaboration par les autorités camerounaises d'un Document intérimaire de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRPI) ont permis au Cameroun d'accéder au point de décision le 11 octobre 2001. (C. PINCART, 2001 : 27). Les ressources additionnelles ainsi issues de l'allégement de la dette créditent un compte spécial PPTE destiné à financer des programmes de réduction de la pauvreté.
2 - Le cadre décentralisé de la contribution de la communauté internationale à la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun
Ce cadre constitue le lieu de déploiement de la coopération avec les collectivités locales décentralisées ou coopération décentralisée, et la coopération avec les organisations non gouvernementales (ONG) ou coopération non gouvernementale.
Le thème de la décentralisation est un des thèmes importants de la réflexion sur le développement en Afrique. Perçu comme une réponse à la nécessité tout à la fois de redéfinir le rôle de l'État, d'asseoir la démocratie en l'ancrant dans le concret et d'accroître la participation des citoyens au processus de développement, des programmes dits de « décentralisation » ont vu le jour.
La coopération avec les collectivités locales décentralisées ou jumelage constitue un volet de la contribution de la Communauté internationale au développement de nombreux pays en développement. Plusieurs collectivités locales décentralisées camerounaises bénéficient ou ont bénéficié de cette coopération dans leurs actions pour l'amélioration des conditions de vie des populations dans leurs localités respectives. Les ONG s'avèrent de plus en plus des partenaires importants de la coopération. Par leurs actions sur le terrains, elles contribuent à enraciner la solidarité internationale chez les concitoyens. Par leur capacité à effectuer un travail de proximité avec les populations, les associations de solidarité internationale sont des opérateurs « privilégiés » en faveur de la naissance d'une démocratie « participative », où chacun contribue directement au fonctionnement des Institutions et devient l'acteur de son propre développement. (Ministère français de la coopération, 1995 : 4).
Les ONG constituent au Cameroun des acteurs incontournables du développement. Pour plusieurs raisons parmi lesquelles celles sus-évoquées, elles sont devenues le point privilégié de la canalisation de l'aide au développement. De ce fait, la coopération non gouvernementale au Cameroun constitue un chapitre important de la contribution de la communauté internationale à la lutte pour la réduction de la pauvreté. Cette forme de coopération, d'origine privée, pour la plupart, semble être d'un apport nettement supérieur à celle d'origine publique. Selon l'OCDE, « l'aide publique multilatérale et bilatérale a atteint 54 milliards de dollars contre 108,5 milliards pour les flux privés en 1999. » (I. TAMBA, 2001 : 94)
En définitive, la contribution de la communauté internationale à la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun s'observe sous l'angle à la fois de la coopération classique, décentralisée et non gouvernementale. Mais une ambiguïté recouvre la contribution de cette communauté au développement des pays en développement. Car l'aide et/ou la coopération, au delà du discours idéologique « humaniste » n'est pas, tant s'en faut, politiquement neutre. Elle a souvent pour conséquence de maintenir ou de créer des rapports de dépendance (A. BOURGI., 1979 : 2).
Cette étape de l'étude a été principalement consacrée à l'état de la pauvreté et des stratégies de réduction de cette pauvreté au Cameroun, non sans avoir fait accessoirement une approche conceptuelle de la pauvreté. Ainsi, après avoir observé l'évolution, le profil et les déterminants de la pauvreté au Cameroun, les multiples acteurs de la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun ont été présentés, ainsi que leurs réponses respectives à la pauvreté au Cameroun. Parmi ces acteurs figurent le gouvernement, les pauvres eux-mêmes, la société civile et la communauté internationale dont l'option pour la décentralisation de l'aide au développement et la promotion du processus participatif détermine davantage la contribution. Et parlant de cette communauté internationale, la contribution la plus en vue est l'initiative en faveur des pays pauvres et très endettés. Au terme de cette étude, le constat qui se dégage est celui de la paupérisation croissante des populations camerounaises (MINEFI - CTS, 2002 : 16), malgré les actions menées par les acteurs sus-cités pour la réduction de la pauvreté et les recommandations de stratégies participatives qui, ont conduit à l'institution de la coopération non gouvernementale au Cameroun.
La coopération internationale pour le développement a été, depuis plusieurs décennies, régentée par le réalisme classique des Relations internationales pour lequel, seuls les États sont les acteurs des relations internationales. Mais, les déboires de cette centralisation des relations internationales vont favoriser un gain d'influence considérable de la part des acteurs autres que les États. Le phénomène non gouvernemental va, de ce fait, prendre de l'ampleur. Bien que tardivement manifesté dans beaucoup de pays en développement en général et au Cameroun en particulier, du fait de l'hostilité de l'environnement socio-politique à l'expression des libertés, le phénomène non gouvernemental est devenu une réalité dans la majorité des pays en développement parmi lesquels le Cameroun. Cette situation a été rendue possible par l'ouverture démocratique qui a favorisé l'expression des libertés individuelles et collectives, lesquelles libertés ont permis l'irruption de la société civile sur le chantier du développement au Cameroun. Que faut-il entendre par coopération non gouvernementale ? Pourquoi cette forme de coopération ? Comment en est -on arrivé au Cameroun ? La coopération non gouvernementale est-elle un fait de société au Cameroun ?
Un éclairage conceptuel est nécessaire dans cette investigation relative à la compréhension de la coopération non gouvernementale. Cet éclairage passe par l'approche conceptuelle de cette coopération et son fondement théorique.
La coopération non gouvernementale est une forme de coopération internationale, laquelle coopération est une institution des relations internationales. Pour mieux appréhender le concept de coopération non gouvernementale, une définition, fut-elle une esquisse, des notions de relations internationales et de coopération internationale dont elle découle s'impose.
Les relations internationales sont traditionnellement considérées comme un ensemble de liens, de rapports et de contacts qui s'établissent entre les États et relèvent de la politique étrangère de ces derniers. (Philippe BRAILLARD et Mohammad-Reza DJIALILI, 1997 : 5). Les rapports entre États pouvant prendre la forme de conflit ou de coopération sur les plans politique, économique, stratégique, culturel et autres, la coopération internationale apparaît comme un effort conjugué de deux ou plusieurs acteurs en vue de minimiser les risques de conflits, d'atténuer les différences et de baliser les risques vers une société internationale plus équilibrée et mieux articulée.
Jean TOUSCOZ définit la coopération comme :
« Un mode de relations internationales amicales consistant à mettre en commun de façon continue certains moyens pour atteindre un objectif commun » (1973 : 17).
La coopération internationale a vu son sens se réduire progressivement.. Son usage s'est peu à peu limité aux rapports entre les pays développés et le Tiers-Monde. Pour Albert BOURGI, elle « aurait pour objectif- et justification- l'élimination du sous-développement » (1979 : 2). Et dans cette optique, poursuit-il, « la coopération permettrait au tiers-monde de franchir dans de meilleures conditions l'étape du décollage économique » (Ibid. :2). C'est ce qu'on appelle communément la coopération pour le développement.
Cette coopération a pris la forme de l'aide au développement et, les mutations survenues dans sa pratique ont diversifié son circuit de canalisation. Ainsi est-il possible de procéder à une catégorisation / classification de la coopération pour le développement en fonction du circuit de canalisation de l'aide. On parlera alors de la coopération « centralisée » ou « classique », de la coopération « décentralisée » et de la coopération « non gouvernementale ». On désigne par coopération « centralisée » ou « classique », la forme de coopération dans laquelle l'aide au développement emprunte de canal exclusif de L'Etat. Par coopération « décentralisée », on désigne la forme de coopération dans laquelle l'aide au développement a pour canal les collectivités locales décentralisées (communes ou mairies). Dans cette catégorie, on parle également de jumelage pour désigner la coopération entre les collectivités locales décentralisées du Nord et du Sud. Mais de façon générale, elle désigne la forme de coopération pour le développement qui s'oppose à la coopération « centralisée ». Enfin, la coopération « non gouvernementale » désigne la forme de coopération pour le développement dans laquelle l'aide emprunte le canal des associations ou organisations non gouvernementales. « Les ONG sont l'instrument par excellence de cette coopération » (.J. J. ANTAGANA, 1991 :: 123).
Eu égard de ce qui précède, quelle définition donnée à la coopération non gouvernementale qui nous intéresse dans le cadre de la présente étude ?
Dans l'acception de la coopération pour le développement comme aide aux pays en développement, la coopération non gouvernementale peut être définie comme des relations d'aide humanitaire et/ou caritative d'origine privée ou publique, aux fins de développement par le canal des structures ou organisations non gouvernementales.
Dans les études en relations internationales, on s'accorde d'une manière générale a reconnaître l'existence de trois grandes conceptions, paradigmes ou théories : le paradigme réaliste, le paradigme de l'impérialisme et de la dépendance, le paradigme de l'interdépendance ou transnationaliste (P.. BRAILLARD et M. R. DJIALILI, 1997 : 11).
Dans la conception ou paradigme réaliste, les relations internationales se définissent par des relations entre les États, il s'agit des relations diplomatiques. Dans ce paradigme les États constituent les seuls acteurs auxquels s'ajoutent les organisations internationales.
Le paradigme de l'impérialisme et de la dépendance quant à lui, s'inspirant plus ou moins directement d'une vision marxiste des relations sociales, considère les relations internationales comme la transposition sur la scène internationale de la lutte des classes.
Le paradigme de l'interdépendance ou transnationaliste prend à contre-pied le paradigme réaliste en considérant que les États ne sont pas les seuls acteurs sur la scène internationale. Les relations internationales, d'après ce paradigme, sont constituées de tous les flux sociaux, de toutes les échanges, de tout le dynamisme ou contact qui ont des répercussions au-delà des frontières d'un État, quelque soit l'acteur. Avec ce paradigme, on est parti de l'unité de l'acteur à la pluralité des acteurs, autrement dit de la détermination à l'indétermination de l'acteur des relations internationales. L'acteur des relations internationales, dans la conception transnationaliste, est toute personne physique ou morale susceptible de provoquer un dynamisme allant au-delà des frontières d'un état. Outre la multiplicité des acteurs, la conception transnationaliste a contribué à une nouvelle dimension des enjeux de relations internationales en y introduisant des objectifs plus privés en dehors des objectifs classiques ou réalistes des relations internationales.
Au vu de ce qui précède, la coopération non gouvernementale trouve son fondement théorique dans le paradigme transnationaliste des Relations internationales qui postule que les États ne sont pas les seuls acteurs sur la scène internationale mais, qu'il existe une « poussière d'initiatives » de la part des Institutions, Associations, organisations privées et même des particuliers qui interviennent dans les flux transfrontaliers (J. J. ATANGANA, 1991 : 97).
La coopération non gouvernementale constitue un centre d'intérêt et de débats sur l'aide au développement. Cet intérêt s'explique par la crise de la coopération classique, la crise économique et les atouts reconnus à cette forme de coopération dans les initiatives de développement.
L'aide au développement est, depuis toujours au coeur de la problématique du développement des pays du tiers monde. Traditionnellement effectuée exclusivement dans le cadre de la coopération « classique » ou « centralisée », cette aide a connu une diversification de cadre par la mise sur pied de nouvelles institutions y relatives. C'est le cas de la coopération non gouvernementale qui occupe une place croissante dans l'actualité consacrée au tiers-monde. Pourquoi cet intérêt pour la coopération non gouvernementale ?
L'intérêt que suscite la coopération non gouvernementale s'explique par la crise de la coopération « classique » ou « centralisée » et la crise économique.
Dans le cadre de la coopération « classique » ou « centralisée », l'aide au développement emprunte le canal exclusif de l'État, à qui revient la responsabilité d'assurer la gestion pour le bien-être des populations-cibles. Mais, la faillite des Administrations nationales consécutives aux lourdeurs bureaucratiques, à la corruption des gouvernants et aux détournements des fonds ont été à l'origine des échecs de plusieurs projets de développement sous l'égide de l'État. Cette situation a conduit à la dépréciation du canal étatique ou gouvernemental de l'aide au développement, créditant ainsi les circuits non gouvernementaux et particulièrement les ONG. Et à propos, S.C. ABEGA justifie la préférence pour les ONG en ces termes :
« Les ONG; par leurs structures légères et leurs méthodes de gestion, par la facilité qu'elles offrent aux contrôles exercés par les organismes donateurs, par leur spécialisation dans certains domaines, apparaissent comme un relais efficace pour toucher les populations » (1999 : 180-181).
Parallèlement, la crise économique qui a également affecté la coopération internationale s'est traduite par la contraction des budgets de cette coopération. Il s'est imposé la nécessité de réduire les coûts de la coopération et de modifier les types d'intervention au bénéfice des modèles moins capitalistiques. L'aide publique au développement (APD) n'atteignant pas toujours les domaines les plus nécessiteux et directement bénéficiaires à la grande masse des populations, du fait de ses insuffisances, il s'est avéré nécessaire d'observer un changement de perspective sur l'aide au développement. Il s'est fait jour la décentralisation de l'aide au développement avec pour point d'orgue la promotion du secteur privé de l'aide au développement. Pour Michel AURILLAC, « la coopération entre États est une chose trop importante pour être confiée aux seuls États » (1987 : 164). Bien longtemps avant AURILLAC, Henri ROUILLE D'ORFEUIL affirmait déjà pour montrer le caractère approprié de l'aide privée au développement que la rente externe privée constitue « un petit gisement, mais un minerais de haute teneur » (1984 : 2 ).
La coopération non gouvernementale se trouve ainsi propulsée par la crise de la coopération classique et la crise économique. Et c'est dans ce contexte des relations internationales que l'ouverture démocratique qu'a connu le Cameroun en 1990, laquelle ouverture a favorisé l'expression des libertés individuelles et collectives que les ONG et/ou associations nationales de développement vont s'ériger en acteurs incontournables de développement, augurant de ce fait, l'institution de la coopération non gouvernementale au Cameroun. Mais une question se pose quant à la course effrénée vers cette forme de coopération. Qu'est-ce qui justifie le recours accru à la coopération non gouvernementale ?
Dans le cadre de la coopération non gouvernementale, les ONG sont le «substitut fonctionnel » de l'État dans la canalisation de l'aide au développement. La vogue de cette forme de coopération dans la pratique de l'aide au développement s'explique par les atouts qu'on lui reconnaît. Elle doit ces atouts aux ONG. Car, les ONG se présentent comme une alternative à la lourdeur des grands projets et opérations de développement par la promotion de petites opérations ponctuelles, de moindre échelle, au « ras du sol ». Les atouts supposés des ONG sont nombreux : une bonne connaissance du milieu, une action en réponse à une demande des populations, une aide complémentaire à l'effort des populations, une attention focalisée sur les classes sociales défavorisées, la formation des bénéficiaires et un faible coût de fonctionnement (M.C. GUENEAU, 1986 : 171).
Travaillant dans les milieux les plus reculés, « au ras du sol » selon l'expression consacrée aux micro-réalisations, les ONG sont quotidiennement au contact des réalités et en retirent une connaissance approfondie du milieu qu'elles côtoient. Selon la Banque mondiale, « les ONG connaissent mieux que quiconque les Institutions locales et le milieu socio-culturel » (citée par . M.C. GUENEAU,1986 : 171). Leur expérience du terrain leur permet, connaissant les valeurs et interdits propres à chaque communauté, de se faire admettre aisément par les populations bénéficiaires des projets et de répondre dans une bonne direction aux besoins des populations.
Dans le même ordre d'idées et conformément à leur volonté de répondre à une demande des populations, les ONG s'attachent à ce que l'aide qu'elles apportent soit le complément d'un effort véritable des populations et non l'unique source de dynamisme. C'est pour cela que la participation des populations, participation qui constitue la preuve du désir et de l'engagement des populations en faveur d'un projet, caractérise l'action des ONG.
L'aide aux classes sociales défavorisées constitue également un atout reconnu aux ONG. ce sont les couches les plus déshéritées de la population qui font l'objet de l'action des ONG, celles qui n'ont pas accès aux structures publique de développement. ce sont les populations des régions isolées, les ethnies minoritaires, les catégories sociales défavorisées et autres groupes sociaux oubliés parce que difficiles à atteindre ,qui sont la cible des actions des ONG.
Les ONG se préoccupent aussi de la formation des populations-cibles qu'elles enseignent de manière pratique et fonctionnelle. A propos de la formation, E.F. Schlumacher affirme :
« La meilleure aide que l'on puisse apporter est une aide intellectuelle : faire cadeau d'un savoir. Donner en cadeau des biens matériels, c'est rendre les gens dépendants. Par contre, leur donner le savoir, c'est les rendre libres ». (cité par M. C. GUENEAU, 1986 : 173).
Qui plus est, l'une des qualités essentielles des ONG est d'être d'un coût de fonctionnement peu élevé. Cela s'entend par rapport aux organisations de grande taille, internationales et autres. Le faible montant des frais administratifs, mais surtout celui des charges de personnel, expliquent le coût de fonctionnement peu élevé des ONG. La raison en est que les ONG ont fréquemment recours à un personnel local dont les salaires sont peu élevés, ainsi qu'à la main d'oeuvre gratuite des bénéficiaires des projets à laquelle il faut ajouter la part des bénévolats variés. On peut alors comprendre l'avantage que possèdent les ONG en matière de charge de fonctionnement.
L'institution de la coopération non gouvernementale au Cameroun a été favorisée par une volonté politique à la fois au niveau international et national.
Après les échecs répétitifs de plusieurs programmes de développement, échecs consécutifs à une conception du développement fondée sur le paradigme de la prééminence de l'économie qui a laissé très peu de place à l'homme et au social, la communauté internationale va opter pour la promotion du processus participatif dans les initiatives de développement. C'est dans cette perspective que vont se multiplier des conférences, conventions, colloques et séminaires suivis de recommandations sur la participation des populations aux initiatives de leur propre développement. Le Cameroun adhère à la quasi-totalité des initiatives visant à assurer une meilleure prise en compte du rôle de la société civile dans le développement. On peut citer, entre autres, la conférence d'Arusha, la convention de Lomé IV, la conférence sur la culture et le développement, le sommet mondial de Copenhague.
Tenue du 12 au 16 février 1990 sur le thème : « Priorité à la participation populaire », la conférence internationale d'Arusha (Tanzanie) a reconnu que la participation populaire est indispensable au développement social et économique de l'Afrique. Cette participation passe, selon les recommandations de ces assises, par l'habilitation des populations en vue de leur implication dans la conception et la mise en oeuvre des politiques de développement au travers des structures souples, autonomes et efficaces.
La convention de Lomé IV organise, comme les précédentes, la coopération entre L'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Elle s'est enrichie d'innovations parmi lesquelles l'ouverture à des formes de coopération décentralisée qui favorise une plus grande participation des populations de base aux actions de développement. L'inclusion dans le partenariat ACP-UE de la société civile traduit la volonté de la Communauté européenne à promouvoir la coopération avec les acteurs non gouvernementaux de développement.
La conférence sur la culture et le développement organisée par la Banque mondiale en 1992 à Paris, a réfléchi sur le problème de la « dimension culturelle du développement ». Cette conférence a reconnu l'échec de la plupart des stratégies de développement. Cet échec s'explique par :
« Une conception étroite du développement qui ne prend pas en compte la diversité des cultures et des sociétés dans le monde » (SERAGELDIN et TABOROFF, 1992 : 15).
Des recommandations ont été faites en vue de la prise en compte de la culture dans le développement par la participation des populations aux initiatives de développement.
Convoqué par l'Assemblée générale des Nations unies, le sommet mondial pour le développement social tenu du 06 au 12 mars 1985 a Copenhague (Danemark), a préconisé l'atténuation et la réduction de la pauvreté avec pour stratégie la promotion de l'intégration des populations locales en vue de leur participation à la prise des décisions économiques et sociales. La participation effective des populations a été recommandée afin qu'elles obtiennent les services dont elles ont besoin et saisissent les opportunités qui leur sont offertes.
On peut également citer, au niveau international, le colloque international tenu à Bordeaux les 28, 29 et 30 novembre 1996 sur le thème : « ONG et développement Nord-Sud ».
Toutes ces rencontres et décisions au sommet constituent autant d'engagements qui traduisent la volonté de la communauté internationale de promouvoir la participation de la société civile au développement et par delà la coopération non gouvernementale. A tous ces efforts s'ajoutent l'institution au sein de l'ONU d'un service de liaison des Nations unies avec les organisations non gouvernementales. Qu'en est-il au niveau national ?
Au Cameroun, la participation de la société civile aux initiatives de développement se manifeste dans les années 60. Cette participation se fait dans le cadre des organisations professionnelles catholiques et protestantes, ainsi qu'à travers une multiplicité d'associations, de comités de développement villageois et de coopératives intervenant majoritairement dans le secteur agricole. Toutes ces mobilisations se font dans le contexte d'une économie planifiée, caractérisée par un interventionnisme public fort où l'État assure un encadrement très rapproché et très diversifié dans toutes les zones du pays.
Lorsque les premiers signes d'essoufflement de cette économie soutenue à coups de subventions massives se font sentir dans les années 80, les structures étatiques d'encadrement se ferment les unes après les autres. La crise économique impose une cure d'amaigrissement à l'État-providence. Le recul de cet État-providence favorise l'émergence de nombreuses initiatives dans la recherche et la mise en oeuvre des solutions alternatives par les populations elles-mêmes. Le gouvernement favorise l'implication de la société civile dans le processus de développement par l'adoption des mesures relatives à la promotion de la participation des ONG et autres associations au développement au Cameroun.
En 1989, le gouvernement organise avec le PNUD, un séminaire sur le « rôle des ONG au Cameroun dans le Programme d'ajustement structurel ».En novembre 1995,à l'initiative de la Fédération des associations féminines du Cameroun(FAFCAM),des journées de reflexion sont organisées sur le thème :« Les ONG au Cameroun et la nécessaire clarification de leur statut et de leur rôle ».Toujours avec le concours du PNUD, le gouvernement mène une étude sur « les ONG dans le processus de développement socio-économique du Cameroun ».
Concernant le cadre juridique, on note l'adoption de trois principales lois :
· La loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 portant liberté d'association au Cameroun ;
· La loi n° 92/006 du 14 Août 1992 relative aux sociétés coopératives et aux groupes d'initiatives communes
· La loi n° 99/014 du 22 décembre 1999 régissant les ONG au Cameroun.
A ceci s'ajoute l'institutionnalisation des services de suivi des activités des ONG au Cameroun. Il s'agit plus précisément de la Sous-direction de la coopération non gouvernementale au ministère des Relations extérieures, créée par le décret n° 96/234 du 09 octobre 1996 du chef de l'État et de la commission technique chargée de l'étude des demandes d'agrément et du suivi des activités des ONG, créée par décret n°2001/150/PM du 03 mai du Premier ministre et placée auprès du ministère de l'Administration territoriale.
La crise de la coopération classique et la crise économique ont favorisé un gain d'intérêt de la part des initiatives non gouvernementales. Ces initiatives qui ont bénéficié d'une volonté politique à la fois internationale et nationale ont un effet de coercition sur les acteurs sociaux de développement. Mais sa pratique pose aussi un problème de changement social.
Au Cameroun, le recul de l'État dans certains secteurs sociaux de base a suscité la prise de conscience du rôle de la participation des acteurs non gouvernementaux au développement. Il s'est fait jour la promotion du processus participatif dans les initiatives de développement. C'est dans ce contexte que la société civile fait irruption dans le champ du développement et s'érige en acteur incontournable du développement. A l'occasion, la communauté internationale, compte tenu des déconvenues connues par le canal étatique dans l'acheminement de l'aide au développement, manifeste de l'intérêt pour la coopération avec les acteurs non gouvernementaux. Le canal non gouvernemental devient alors un centre d'intérêt pour les bailleurs de fonds, l'objectif étant de « toucher directement les populations à la base » (.S.C. ABEGA,1999 : 180). Dans cette perspective de canalisation de l'aide au développement, la priorité est accordée aux acteurs organisés et dont l'idéologie est tournée vers l'altruisme. Ces atouts et bien d'autres reconnus aux ONG nationales vont créditer leur élection aux dépens des autres organisations de la société civile. L'éligibilité à l'aide étant conditionnée par un regroupement organisé et à idéologie altruiste, la formation des groupes répondant à ces critères, est devenue un passage obligé pour les organisations de la société civile aspirant à l'aide ou à l'appui des bailleurs de fonds. Dans cette optique, l'idée selon laquelle il n'y a pas de développement sans esprit d'équipe prend davantage corps au sein des populations camerounaises. Elle se traduit par la prolifération des groupements associatifs qui prennent, pour la plupart, l'appellation d'ONG. Ces ONG se créent parfois de façon anarchique et improvisée qu'il est difficile de se prononcer sur leur nombre.
D'une dizaine en 1990, on estime leur nombre supérieur à 600 en 1987 (Engolo Oyep cité par S.C. ABEGA,1999 : 180). Le PNUD s'inspirant des données recueillies par le Programme national de gouvernance (1999) dénombre 30843 associations et ONG nationales confondues, recensées dans 7 provinces sur les 10 que compte le Cameroun (2000 : 14). Les ONG constituent non seulement une réalité de l'univers institutionnel au Cameroun mais aussi des acteurs opérationnels de mise en oeuvre des programmes de développement dans divers secteurs (J. MBALLA MBALLA, 2002 : 2)
Les ONG interviennent directement auprès des populations dans les domaines divers. La protection de l'enfant, la mère et l'enfant, la promotion des femmes, le développement communautaire, les soins de santé primaire, la vulgarisation des techniques, la protection de l'environnement, l'assistance aux nécessiteux, la réinsertion des marginaux, la culture et la linguistique, l'appui aux initiatives diverses, l'artisanat, l'agro-pastoral, la recherche scientifique et le planning familial sont entre autres les domaines d'investigation des ONG au Cameroun.
La coopération non gouvernementale, compte tenu de ce qui précède, peut être définie comme un ensemble de manières de faire, fixées ou non, susceptibles d'exercer sur les acteurs sociaux de développement une contrainte extérieure. La coopération non gouvernementale est un fait social. Et comme tel, elle pose un problème de changement social.
Le changement social renvoie à toute transformation qui affecte le fonctionnement et la structure de l'organisation sociale d'une collectivité (G. BALANDIER, 1971 : 7). Dans la coopération non gouvernementale, l'accent est mis sur la promotion du processus participatif dans les initiatives de développement. ce qui pose un problème de changement d'attitudes et de comportements des acteurs de la coopération pour le développement.
Pour maximiser l'effet de la coopération pour le développement sur la réduction de la pauvreté, la Communauté internationale appelle les donateurs ou les bailleurs de fonds à un changement d'approche notamment l'insertion des valeurs des populations-cibles et leur implication dans toutes les étapes des initiatives de développement. L'institution de la coopération non gouvernementale traduit la volonté et l'engagement de la Communauté internationale à promouvoir cette approche dans le développement. Cette forme de coopération suppose un changement de canal dans l'acheminement de l'aide au développement. De la configuration classique constituée des donateurs, de l'État et des populations, on est passé dans le cadre de la coopération non gouvernementale, à une « configuration développementiste » constituée des donateurs ou bailleurs de fonds, des ONG nationales et des populations bénéficiaires. Il s'agit pour la coopération non gouvernementale de contourner les canaux étatiques faits de lourdeurs bureaucratiques et improductifs, pour toucher les populations à la base par le canal des ONG nationales, lequel canal est supposé adéquat pour cet objectif. Or, ce changement de canal pose le problème de la crédibilité des ONG nationales dans la canalisation de l'aide au développement. Car, comme le remarque S.C. ABEGA, la plupart des ONG nationales ont été créées par des personnes ayant longtemps travaillé au sein de l'Administration et ont, de ce fait importé dans ces structures les tares reconnues aux établissements étatiques que sont la paperasserie excessive, les lourdeurs bureaucratiques, l'opacité dans la gestion des comptes, le népotisme, les réflexes ethniques, la création des ONG écrans pour capter les financements internationaux (1999 : 183).
De plus, la coopération non gouvernementale qui se caractérise par l'acheminement de l'aide par le canal des ONG, pose un certain nombre de problèmes relatifs à l'attitude des populations face aux donateurs et promoteurs des ONG. En fait, la perception de l'action des donateurs et des promoteurs d'ONG par les populations est empreinte de suspicion qui justifie très souvent la réticence et/ou la non adhésion des populations à certaines initiatives de développement. En effet, comme le révèle S. C. ABEGA les États sont passés sous le contrôle des institutions de Bretton woods du fait de la dette et de l'aide. Il se profile alors la crainte que la coopération non gouvernementale qui donne un accès direct à la masse n'aboutisse à un contrôle de ces masses par les donateurs (1999 : 181). En outre, les ONG au Cameroun ayant un « statut hybride » entre l'entreprise créée pour le bénéfice de ses promoteurs et l'ONG véritable dont l'idéologie est tournée vers l'altruisme(Op .cit. :181), l'idée que l'appropriation des actions par les bénéficiaires soit aléatoire domine la pensée de la plupart des observateurs.
Mais au-delà de ces considérations, comment s'opèrent les relations entre les ONG nationales et les bailleurs de fonds ?
Les bailleurs de fonds, dans leurs relations avec les ONG nationales, disposent d'un ensemble de procédés qui constituent leur politique en matière de coopération non gouvernementale. Cette politique qui se traduit par leur principe de coopération non gouvernementale, le choix des domaines d'appui aux ONG nationales, les critères de choix des ONG nationales partenaires, les procédures d'obtention d'appui et la proportion de l'appui aux ONG nationales, est susceptible d'avoir un effet sur l'action des ONG nationales dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun.
De ce fait, l'analyse de cette politique peut permettre une explication de l'impact de la coopération non gouvernementale sur la réduction de la pauvreté au Cameroun. D'où l'intérêt accordé à l'analyse de cette politique de coopération dans cette partie de notre travail. Mais avant de procéder à l'analyse proprement dite de cette politique, il sera d'abord question de la présenter telle qu'elle est pratiquée par les bailleurs de fonds au Cameroun.
La pratique de la coopération non gouvernementale par les bailleurs de fonds s'observent à travers leurs domaines d'intervention, leurs critères de choix des ONG nationales partenaires, les procédures d'obtention de leur appui et la proportion de leur appui aux ONG nationales. Mais, il y a avant tout ceci un principe de coopération non gouvernementale chez ces bailleurs de fonds.
En matière de coopération non gouvernementale, la Banque mondiale dispose de deux voies de contacts ou de relations avec les ONG nationales : la voie indirecte et la voie directe.
Dans le voie indirecte, la Banque mondiale intervient à travers l'État, en exigeant de celui-ci, entre autres conditions de prêts, l'implication des ONG nationales dans les programmes qu'elle finance.
Dans la voie directe, la Banque mondiale dispose d'un programme ponctuel de micro-subventions aux ONG nationales pour des micro-réalisations. Dans le cadre de cette voie directe toujours, la Banque mondiale fait dans le renforcement des capacités des ONG nationales par la formation des responsables d'ONG et par la facilitation des contacts avec les autres bailleurs de fonds ou les ONG du Nord qui font office de donatrices. Qu'en est-il de L'Union européenne ?
En matière de coopération non gouvernementale, L'Union européenne dispose de deux programmes : le programme participatif de développement urbain dénommé FOURMI 2 et le programme d'appui aux capacités décentralisées de développement appelé PACDDU. Dans l'exécution de ces programmes, L'Union européenne ne traite pas directement avec les organisations de la société civile parmi lesquelles les ONG nationales. La mise en oeuvre de ces programmes est assurée par le groupe italien CERFE pour le programme FOURMI 2 et, le groupe français SOFRECO pour le programme PACDDU. Le programme FOURMI 2 concerne les villes de Douala et de Yaoundé, tandis que le programme PACDDU concerne les villes de Bafoussam, Bamenda, Foumban, Maroua et Ngaoundéré. Seul le programme FOURMI 2 nous intéresse dans cette étude, puisqu'il a servi de cadre à notre observation.
Le programme FOURMI 2 a en principe pour finalité générale l'amélioration de l'environnement urbain à travers un appui aux dynamiques de base de la société civile, de manière à reconnaître les populations comme les protagonistes de leur développement économique et social. Le projet vise donc à contribuer au processus de décentralisation en oeuvre au Cameroun à travers le transfert aux communautés locales des responsabilités croissantes à exercer dans le cadre des politiques nationales en matière de lutte pour la réduction de la pauvreté.
Dans l'exécution du programme FOURMI 2, le CERFE travaille avec « des organismes correspondants » qui sont des ONG nationales. Quel est le principe de l'ACDI ?
En ce qui concerne la coopération non gouvernementale, l'Agence canadienne de développement international dispose des programmes à travers lesquels elle est en relation avec les ONG nationales et les autres organisations de la société civile camerounaise. Il s'agit du Fonds canadien d'initiatives locales (FCIL) et du projet « Appui au développement démocratique et aux droits de la personne » (PRO-DÉMOCRATIE). Le FCIL finance la réalisation de petits projets associatifs et institutionnels qui contribuent au développement technique, économique, éducationnel et social des communautés locales. PRO-DÉMOCRATIE a pour objectif l'appui au renforcement de la démocratie au Cameroun et au développement d'un environnement propice au respect des droits de la personne. Bien que ces deux projets interviennent dans des domaines différents, ils sont complémentaires dans la mesure où ils concourent à la réalisation de la politique de l'ACDI en matière de satisfaction des besoins humains fondamentaux.
Après cette présentation des principes de coopération non gouvernementale chez les bailleurs de fonds, intéressons-nous à leurs domaines d'intervention.
Les domaines d'activités de la Banque mondiale où les ONG nationales interviennent sont ceux de la réforme forestière, de l'éducation, de la santé, du développement rural et du renforcement des capacités. Dans le cas des micro-subventions, les projets, en plus de ces domaines doivent répondre aux besoins ultimes des populations bénéficiaires et s'inscrire dans les domaines prioritaires de lutte pour la réduction de la pauvreté.
Le programme FOURMI 2 de L'Union européenne intervient dans la gestion urbaine, le renforcement des capacités, la recherche sur la société civile et la communication publique. Le choix de ces domaines est fait par L'Union européenne et suivant le plan indicatif national (PIN) de développement au Cameroun.
Les programmes de coopération non gouvernementale de l'ACDI interviennent dans l'approvisionnement en eau potable, la formation pratique et l'éducation de base, la santé (centre de santé primaire déjà opérationnel), la promotion de la femme et la protection de l'environnement pour le Fonds canadien d'initiatives locales ; dans le renforcement de la démocratie et les droits de la personne pour le projet PRO-DÉMOCRATIE . En somme, l'ACDI en matière de coopération non gouvernementale intervient dans le secteur social et la gouvernance. Ces domaines sont choisis en vertu des besoins essentiels des populations et de leur contribution à la réduction de la pauvreté. Qu'en est-il alors des critères de choix des ONG partenaires ?
Pour bénéficier de l'appui de la Banque mondiale, l'ONG doit être légalement reconnue, avoir un siège permanent, justifier d'une expérience dans le domaine, produire les rapports d'activités réalisés, avoir un projet répondant efficacement aux besoins essentiels des bénéficiaires, avoir un personnel qualifié entre autres. Ces critères ne sont valables que pour les ONG qui traitent directement avec la Banque mondiale. S'agissant de celles qui interviennent dans les programmes financés par la Banque mondiale par l'entremise de l'État, seul l'État maîtrise ses critères de choix.
S'agissant des critères de choix des ONG nationales partenaires du CERFE dans le cadre du programme FOURMI 2, L'Union européenne dispose d'un répertoire des ONG nationales avec lesquelles elle travaille. Le choix de ces ONG se fait suivant les critères de qualification du personnel, de portée de leurs actions, de leur stabilité dans l'action, de la régularité des rapports d'activités entre autres. Ces ONG sont rémunérés pour leurs prestations.
En ce qui concerne le choix des ONG nationales partenaires de l'Agence canadienne de développement international, il se fait suivant un certain nombre de critères. Les organisations candidates à l'appui de l'ACDI doivent disposer d'un siège, avoir un personnel qualifié ou formé en permanence, contribuer à la réalisation des micro-projets soumis (apport en nature ou en espèces), avoir réalisé ou avoir la capacité de réaliser au moins une activité avec ses propres ressources, disposer d'autres ressources de financement, fournir la preuve d'avoir établi un système de comptabilité fiable.
Telles sont, de façon générale, les critères de choix des ONG partenaires des bailleurs de fonds au Cameroun. Quelles sont alors les procédures et la proportion d'appui des bailleurs de fonds ?
A propos des procédures d'obtention d'appui, la Banque mondiale ne fait pas d'appels d'offre en direction des ONG nationales. Elles viennent d'elles-mêmes solliciter l'appui de la Banque. Cette démarche est celle des ONG qui sont en relation directe avec la Banque. Leur élection est conditionnée par le respect scrupuleux des critères d'éligibilité. En outre, des mécanismes sont mis en oeuvre pour juger de la recevabilité ou non des demandes.
S'agissant de la proportion de l'appui, la Banque mondiale, dans le cas des micro-subventions finance des projets aux montants situés entre 3000 et 5000 dollars (USA), soit un équivalent approximatif de 2.250.000 et 3.750.000 francs CFA. Pour le cas des ONG intervenant de façon indirecte, c'est-à-dire à travers les programmes de l'État financés par la Banque mondiale, une certaine proportion du financement leur est allouée pour l'accomplissement de leurs tâches. Cette proportion est assez suffisante pour l'exécution des tâches confiées.
Concernant les procédures d'obtention de l'appui du programme FOURMI 2, le CERFE procède par un appel d'offre auquel répondent les intéressés. Les organisations intéressées et remplissant les critères d'éligibilité adressent leur demande au programme FOURMI 2, accompagnée des autres pièces nécessaires. Le dossier est étudié par une commission à laquelle sont associées les autorités municipales de la ville bénéficiaire du projet. Il est retenu s'il remplit les critères exigibles.
Quant à l'appui aux organisations demanderesses, le programme FOURMI 2 finance les projets d'un montant minimum de 655.957 Francs CFA soit 10.000 euros. Les promoteurs sont tenus d'apporter une contribution qui est un ajout au financement du programme FOURMI 2. Cette contribution peut être financière ou en ressources matérielles ou humaines, en service, etc., le montant doit être égal ou supérieur à 20 % et ne doit pas dépassé de 50 % du coût total du micro-projet. La même organisation peut présenter plusieurs propositions de micro-projets.
Les procédures d'obtention de l'appui, s'agissant de l'ACDI passent par l'envoi d'un dossier complet au programme concerné. ce programme procède à l'évaluation du dossier puis répond. Si la demande n'est pas retenue, le programme concerné se réserve le droit d'en aviser le Responsable du projet sans expliquer les motifs du rejet. Si par contre la demande est jugée admissible, le programme concerné peut se rendre, sans avis préalable, sur le site du projet pour une évaluation plus approfondie. En cas d'évaluation positive, le dossier est soumis au Haut-commissaire du Canada pour décision en fonction des budgets disponibles et des priorités du programme pour l'exercice en cours.
Dans le cadre du FCIL, l'ACDI appuie des projets d'un montant moyen de 2,5 millions de francs CFA et d'un maximum de 5 millions de francs CFA, sauf exceptionnellement pour des projets à très fort impact dans le milieu. Quant au projet PRO-DÉMOCRATIE, il n'y a pas de taux fixe de financement. Les projets soumis sont étudiés au cas par cas.
Voici donc présenter, la coopération non gouvernementale dans sa pratique par les bailleurs de fonds au Cameroun.
La pratique de la coopération non gouvernementale par les bailleurs de fonds est menée suivant la politique de coopération dont les composantes viennent d'être parcourues. La compréhension de cette politique à travers un schème d'intelligibilité nécessite une systématisation des informations y relatives. Aussi allons-nous tenté dans la présente partie, une interprétation analytique de la politique de coopération non gouvernementale des bailleurs de fonds au Cameroun. Cette politique s'observe à travers ses composantes que sont le principe de coopération, les domaines d'intervention, le choix des ONG nationales partenaires, les procédures d'obtention de l'appui et la proportion de l'appui accordé.
A l'observation, la coopération non gouvernementale est une préoccupation des bailleurs de fonds installés au Cameroun. Cette attitude traduit leur fidélité à la volonté de la communauté internationale de promouvoir l'implication des acteurs non étatiques dans les activités de développement. Cette implication varie selon les bailleurs de fonds. Elle est à la fois directe et indirecte pour la Banque mondiale, uniquement indirecte pour L'Union européenne et directe aussi pour l'Agence canadienne de développement international. La Banque mondiale et L'Union européenne ont apparemment en commun la voie indirecte. Mais, elles se distinguent aussitôt par leurs canaux d'acheminement. La Banque mondiale empreinte le canal de l'État alors que, L'Union européenne transite par des structures étrangères (CERFE et SOFRECO).. L'adoption de cette approche dans la coopération non gouvernementale dénote l'absence de confiance de ces Bailleurs à l'endroit des ONG nationales camerounaises. C'est ce qui explique la présence dans leurs domaines d'intervention des volets consacrés au renforcement des capacités des organisations de la société civile camerounaise.
Les domaines d'intervention des bailleurs de fonds dans la coopération non gouvernementale sont variés. Ces domaines ne sont aisément observables qu'à travers une matrice
Bailleurs de Domaines fonds d'intervention |
BM |
UE |
ACDI |
Démocratie et droit de la personne |
X |
||
Éducation |
X |
||
Eau potable |
X |
||
Environnement |
X |
X |
X |
Communication publique |
X |
||
Promotion de la femme |
X |
||
Recherche sur le société civile |
X |
||
Santé |
X |
X |
Tableau 2 : Matrice des domaines d'intervention des bailleurs de fonds
A la lecture de cette matrice, on constate que l'environnement passe pour être le domaine qui connaît le plus l'intervention des bailleurs de fonds. Tous les Bailleurs qui servent de cadre à l'observation relative à notre étude interviennent dans l'environnement. La Banque mondiale dans la variante forestière, L'Union européenne dans la gestion de l'environnement urbain et l'Agence canadienne de développement international dans l'environnement tout court. Après l'environnement viennent les domaines de la santé et de l'éducation. Les domaines de la démocratie et le droit de la personne, de la communication publique, de la promotion de la femme, de l'eau potable et de la recherche sur la société civile viennent en dernière position.
Les critères de choix de ces domaines d'intervention varient également selon les Bailleurs. Ils se font suivant la politique générale de l'institution pour la Banque mondiale et l'Agence canadienne de développement international alors qu'ils sont choisis suivant le programme indicatif national (PIN) de développement, pour l'Union européenne.
Les conditions d'éligibilité des ONG nationales au partenariat avec les bailleurs de fonds sont, de façon générale, pas très différentes d'une Institution à l'autre. La Banque mondiale, L'Union européenne et l'Agence canadienne de développement international ont sensiblement les mêmes conditions d'accès. Mais, la Banque mondiale se fait l'écho de sa rigidité en matière de sélection des ONG partenaires. C'est fort de cette réputation qu'elle justifie son action de facilitation de contacts entre les ONG nationales et les autres bailleurs de fonds ou ONG du Nord. A ce propos, un de nos enquêtés auprès de cette Institution affirme que les autres bailleurs de fonds ou les ONG du Nord, connaissant la rigidité de la Banque en matière de coopération, ne peut facilement rejeter les ONG qu'elle leur recommande.
La similarité relative des critères de sélection des ONG nationales partenaires des bailleurs de fonds traduit la prise de conscience desdits Bailleurs par rapport à une situation cacophonique qu'a connu la coopération non gouvernementale dans ses premières heures d'éveil au Cameroun. En effet, la décentralisation de l'aide au développement ayant engendré une prolifération d'acteurs et d'organisations intermédiaires, des individus ou des groupuscules, animés par des velléités clientélistes se sont passés pour des promoteurs d'ONG nationales qui n'avaient d'existence que dans leur mallette. C'est ce qu'on a appelé « ONG-mallette » ou « ONG-écran », et dont la finalité était de capter les fonds pour leur propre bénéfice et non pour le bien-être des populations qu'ils sont supposés servir. C'est en réaction à ces pratiques déviantes que les bailleurs de fonds ont révisé leurs conditions de sélection des ONG nationales partenaires. D'où des exigences relatives à l'identification des ONG demanderesses, à la qualité/qualification de leur personnel, à leurs domaines de compétence, à leur expérience dans le domaine etc.
Les procédures d'obtention d'appui auprès des bailleurs de fonds sont relativement les mêmes. Mais une différence s'observe au niveau de la démarche de certaines Institutions en matière d'appui aux organisations non gouvernementales. L'Union européenne et l'Agence canadienne de développement international mettent à la disposition du public des informations relatives à leurs programmes d'appui, respectivement à travers des tribunes d'informations et des dépliants. La Banque mondiale par contre n'annonce pas ses critères et ses programmes d'aide aux acteurs non gouvernementaux de développement. De manière générale, les procédures mises sur pied par les bailleurs de fonds leur permettent d'apprécier l'efficience et l'effectivité des projets soumis, question de décider de leur recevabilité ou non.
S'agissant de la proportion de l'appui accordé par les bailleurs de fonds aux ONG nationales, elle varie de manière générale entre 655.957 francs CFA et 6.559.570 francs CFA. Et, une contribution en espèce, en nature ou en service est exigée aux organisations demanderesses. Cette contribution a, selon un de nos enquêtés, un rôle de sensibilisation à la responsabilisation :
« L'aide ne consiste pas seulement à subventionner mais, à leur montrer à monter un projet. Ne pas donner le poisson mais aider les gens à pêcher, apprendre à prendre en charge certaines responsabilités » (un enquêté/bailleurs de fonds).
Tel est le sens accordé à la contribution des postulants à l'appui des bailleurs de fonds.
La politique de coopération non gouvernementale des bailleurs de fonds ainsi interprétée, quelle analyse en faire ?
Comme l'affirme Jean ZIEGLER :
« Ce qui est montré est à expliquer par ce qui ne se montre pas, car le plus caché est le plus véridique » (1981 : 20).
La politique des bailleurs de fonds en matière de coopération non gouvernementale semble ne pas échapper à cette logique. La compréhension de cette politique nécessite une analyse en profondeur de sa pratique, question de découvrir ses non-dits ou ses aspects cachés. Quels peuvent alors être les non-dits de cette politique de coopération ? La réponse à cette question passe par un examen critique de cette politique dans sa pratique.
La coopération non gouvernementale figure à l'ordre du jour des programmes de coopération des bailleurs de fonds sur lesquels ont porté les observations relatives à cette étude. Mais, cette figuration semble tout simplement répondre à un besoin de conformité aux exigences de la communauté internationale relatives à l'implication des acteurs non gouvernementaux dans les initiatives de développement.
En effet, l'une des causes de l'échec de la plupart des projets de développement reconnue par la communauté internationale est la non implication des populations d'accueil dans les initiatives de développement. Cette prise de conscience a conduit à un changement d'approche dans les initiatives de développement et s'est fait jour la promotion du processus participatif dans le développement. L'institution de la coopération non gouvernementale participe de la volonté de la communauté internationale de traduire en réalité ce processus participatif dans les initiatives de développement. La coopération non gouvernementale est alors devenue une mode en matière de coopération pour le développement et une pratique à laquelle sont appelés à se prêter les donateurs et les institutions internationales de coopération pour le développement. C'est cette logique de conformité aux exigences de la communauté internationale en matière de coopération pour le développement qui semble justifier l'existence du volet coopération non gouvernementale dans les programmes des bailleurs de fonds qui ont fait l'objet de notre étude. Certaines pratiques relatives à leur politique en matière de coopération non gouvernementale confirment la thèse de la logique de conformité.
Dans les relations avec la Banque mondiale, les ONG nationales ne bénéficient véritablement d'un appui financier que dans le cadre des crédits que la Banque accorde à l'État. Car, l'une des conditions de l'accord de crédits exigée par la Banque mondiale est l'allocation d'une proportion de ces crédits aux ONG nationales, question de les impliquer dans les projets pour lesquels les crédits sont destinés. Dans ce contexte malheureusement, seul l'État maîtrise les critères de choix des ONG nationales et en plus, l'État n'est pas toujours d'accord sur cette condition. D'après un de nos enquêtés auprès de la Banque mondiale, l'État est réticent quant à l'implication des ONG dans ses projets. Et cette réticence, poursuit-il, s'explique par le manque de confiance de l'État aux ONG nationales. Qui plus est, dans cette logique d'implication des ONG nationales dans les projets de l'État financés par la Banque mondiale, le nombre d'ONG requis est suffisamment insignifiant pour établir une implication véritable des ONG nationales dans les projets. En fin de compte, cette implication, compte tenu de la réticence de l'État et de son insignifiance tient tout simplement lieu de formalité.
En dehors du cadre étatique, l'appui financier de la Banque mondiale aux ONG nationales est résiduel et, la Banque ne dispose presque pas de ligne budgétaire pour les ONG. Il s'agit tout simplement des micro-subventions momentanées comme l'affirme un de nos enquêtés auprès de cette institution. Pourtant, c'est dans ce cadre qu'abondent les ONG qui sollicitent l'appui de la Banque pour la réalisation des projets. C'est alors pour combler l'absence de ligne budgétaire pour les ONG que la Banque fait dans la facilitation des contacts entre les ONG nationales et les autres bailleurs de fonds. C'est pour les mêmes raisons qu'elle ne fait pas écho de son programme de coopération non gouvernementale. La coopération non gouvernementale est dans ces conditions, une activité accessoire dans les programmes de coopération de la Banque mondiale, l'essentiel étant les relations avec le gouvernement. La Banque mondiale n'ayant pas encore institutionnalisé le volet coopération non gouvernementale, il s'agit pour elle d'entretenir en son sein l'idée de la promotion de l'implication des acteurs non gouvernementaux dans les initiatives de développement, telle que recommandée par la communauté internationale. C'est dans cette mesure que les actions de la Banque mondiale à l'endroit des acteurs non gouvernementaux relèvent d'un besoin de conformité et de ce fait, est une formalité.
L'Union européenne également n'échappe pas à cette logique. En fait dans son programme de coopération non gouvernementale, l'implication des ONG nationales se fait dans les activités accessoires, les activités principales étant conduite par le Groupe CERFE. Les activités des ONG nationales consistent en la communication (ASSOAL), en l'animation et en la sensibilisation (APICA, RUHD et RUHY) et en la recherche (CANADEL). Cette démarche traduit la position accessoire des ONG nationales dans le programme de coopération non gouvernementale de l'Union européenne. De plus, les ONG nationales interviennent dans la posture des bureaux d'étude : prestataires de service de communication, de sensibilisation , d'animation et de recherche. Il s'agit là d'une posture qui ne crée pas des conditions favorables à l'appropriation des initiatives par ces ONG, lesquelles conditions sont reconnues comme le gage de la réussite des initiatives de développement. Dans ces conditions, l'implication des ONG nationales tient tout simplement lieu de justification du caractère non gouvernementale du programme. En cela, l'implication des ONG nationales dans le programme de développement de L'Union européenne est une question de formalité.
Quant à la politique de l'Agence canadienne de développement international en matière de coopération non gouvernementale, elle échappe à cette logique dans sa pratique. Mais alors, est-ce à dire qu'elle est au-dessus de tout soupçon ?
En plus de la non implication des populations d'accueil dans les initiatives de développement, la non considération des valeurs de ces populations d'accueil dans les initiatives de développement a été reconnue par la communauté internationale comme une autre cause de l'échec de la plupart des projets de développement dans les pays en développement. En fait, l'approche théorique adoptée dans la plupart des initiatives de développement ne visait qu'à combler le retard accusé par rapport à l'occident. A grand renfort des capitaux, il fallait créer dans les pays en développement, des conditions d'un décollage économique comme ce fût le cas en Occident. L'identification de cette lacune a posé le problème de la dimension culturelle du développement et, il s'est imposé la nécessité d'une articulation entre développement et sociétés. Il en ressort que le développement d'une société est sa vie elle-même et qu'il ne saurait être un produit d'importation. C'est cette approche du développement qui justifie également l'institution de la coopération non gouvernementale. Autrement dit, l'objectif de la coopération non gouvernementale est de promouvoir un développement qui prend en compte les besoins des populations d'accueil, en même temps qu'elle les associe aux initiatives de développement qui leur sont destinées, question de créer en leur sein, le sentiment et les conditions pour une appropriation des initiatives de leur développement.
Mais, cette approche du développement ne va pas sans problème car, comme le remarque MBONJI EJENGUELE, parlant de la dimension culturelle du développement, le piège qu'il y a au bout du compte est que cette approche du développement peut être un moyen de faire passer dans le modèle de développement, les standards occidentaux (1988 : 42).Cette remarque semble se vérifier dans la politique de coopération non gouvernementale des bailleurs de fonds qui ont servi de cadre à l'observation relative à cette étude.
En fait, les domaines d'intervention des bailleurs de fonds observés dans le cadre de notre étude ne sont pas toujours choisis de concert avec les populations d'accueil des initiatives. Pour la Banque mondiale et l'Agence canadienne de développement international, les domaines d'intervention sont choisis suivant la politique de leurs institutions en matière de coopération pour le développement. Quant à l'Union européenne, ils sont choisis suivant le programme indicatif national (PIN) de développement du Cameroun.
La politique de la Banque mondiale et de l'Agence canadienne de développement international en matière de choix des domaines d'intervention, va à l'encontre de l'approche développement-sociétés qui préconise l'insertion des valeurs des communautés d'accueil dans les initiatives de développement. Une telle politique traduit la présence continue des standards occidentaux dans les projets de développement initiés dans le cadre de la coopération non gouvernementale. Dans ces conditions, les populations, dans le cadre de cette forme de coopération, en viennent à oeuvrer dans des domaines qu'elles n'ont pas elles-même choisies et qui ne répondent pas toujours à leurs attentes. La participation des populations devient alors un instrument de légitimation culturelle du choix des domaines d'intervention, lesquels domaines sont en réalité le choix des bailleurs de fonds. En cela alors, la politique des bailleurs de fonds en matière de coopération non gouvernementale est considérée comme un instrument de promotion des standards occidentaux de développement.
L'Union européenne n'échappe pas aussi à cette logique, puisque le programme indicatif national de développement du Cameroun est tributaire des exigences des Institutions internationales de développement tels que la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI).En fin de compte, c'est la permanence du développement à l'occidental.
L'analyse de la politique des bailleurs de fonds en matière de coopération non gouvernementale conduit à deux constats à savoir que cette forme de la coopération pour les bailleurs de fonds est une question de formalité et, un moyen de promotion des standards occidentaux de développement. Or, cette formalité est ce qui voile l'ambition réelle qui est la promotion des standards occidentaux de développement. Donc la coopération non gouvernementale se réduit à un instrument de transmission sans brutalité de la culture occidentale. ce qui concourt à desservir les intérêts des populations bénéficiaires des projets de développement. Et c'est de ce point de vue que la coopération non gouvernementale arrime les populations d'accueil à l'occident en en faisant, pour reprendre MBONJI EJENGUELE, « des assimilés qui reçoivent leurs manières de vivre de l'extérieur » (Ibid. :42).
Si telle est la politique des bailleurs de fonds en matière de coopération non gouvernementale, qu'elle en est l'action des ONG nationales dans cette coopération ?
En vertu de leur position médiane entre les bailleurs de fonds et les populations bénéficiaires, les ONG nationales sont considérées comme l'instrument par excellence de la coopération non gouvernementale. Cette position leur confère une fonction aussi déterminante dans la coopération non gouvernementale que toute tentative de compréhension de cette coopération n'est possible sans leur prise en compte. Ainsi est-il question dans cette partie de l'étude, de nous interroger sur cette position des ONG nationales dans la coopération non gouvernementale au Cameroun. Une position qui d'une part, les met en relation avec les bailleurs de fonds et, avec les populations bénéficiaires d'autre part. Il s'agit pour les ONG nationales d'obtenir l'appui des bailleurs de fonds, ce qui suppose leur accommodation aux exigences desdits Bailleurs ; et, d'apporter à leur tour leur appui aux populations bénéficiaires, ce qui requiert une approche et une utilisation appropriées de cet appui. Après une approche descriptive de cette double relation qu'entretiennent les ONG nationales dans la coopération non gouvernementale, il sera question de tenter une analyse des implications de ces relations dans la contribution de la coopération non gouvernementale à la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun.
La démarche des ONG nationales dans la coopération non gouvernementale s'observe à travers leur double intervention. L'intervention auprès des bailleurs de fonds d'une part, et auprès des populations bénéficiaires d'autre part.
De façon générale, l'intervention des ONG nationales auprès des bailleurs de fonds se fait suivant la politique desdits Bailleurs en matière de coopération non gouvernementale. Chaque Bailleur définit d'avance ses domaines de coopération et ses critères. Le financement des ONG est conditionné par le respect scrupuleux de ces conditions qui ne correspondent pas toujours aux prévisions des ONG.
Les ONG montent leur projet en fonction des domaines et critères des bailleurs de fonds. En dehors de la voie officielle qui consiste à négocier le financement des projets avec les Bailleurs, des ONG procèdent aussi par des réseaux de relations non officielles pour avoir accès au financement des bailleurs de fonds.
L'appui aux ONG se situe dans le cadre des subventions, mais aussi sous forme de services demandés et à rémunérer. Dans le financement, les bailleurs de fonds ne prennent pas en compte les charges de fonctionnement des ONG, seules les charges d'activités sont financées.
Si telle est la démarche des ONG nationales dans leur relation avec les bailleurs de fonds, qu'en est-il avec les populations bénéficiaires ?
S'agissant de l'intervention des ONG nationales auprès des populations bénéficiaires, l'approche diffère relativement d'une ONG à une autre. Pour les unes, « les voeux des populations ne sont pas toujours ceux du projet. On ne peut pas écouter les populations totalement. Dans certains projets par contre, on cherche plutôt leur collaboration ». Les autres orientent les populations en fonction de leurs aptitudes. D'autres encore tiennent compte des besoins des populations.
L'utilisation des fonds mis à la disposition des ONG nationales est, de façon générale, suivie par les bailleurs de fonds. Il y a un suivi-évaluation des activités des ONG nationales par les Bailleurs qui les financent : « La mauvaise utilisation conduit à une suspension de financement. La bonne utilisation fait la crédibilité de l'ONG ». Les bailleurs de fonds exigent des ONG nationales des décaissements par tranches ou par pourcentage. Ils exigent et vérifient parfois même des factures pro-formats. En dehors des exigences des bailleurs de fonds, certaines ONG nationales ont des réglementations statutaires relatives à l'utilisation des fonds reçus : une proportion pour les activités destinées aux populations bénéficiaires et une autre pour l'administration de l'ONG.
La démarche des ONG nationales dans la coopération non gouvernementale ainsi décrite, quelle analyse en faire ?
La position médiane des ONG nationales dans la coopération non gouvernementale leur confère une fonction déterminante dans les initiatives de réduction de la pauvreté. L'impact de cette position sur la réduction de la pauvreté dépend du soutien ou « input » que les ONG nationales reçoivent des bailleurs de fonds et de la capacité de ces ONG à traduire ces soutiens en réponses ou « output » appropriées aux attentes des populations. La réaction des populations (feedback) aux réponses des ONG (système) par de nouvelles demandes permet de se rendre compte de l'efficacité ou non des « input » et/ou des « output ». Pour revenir au cas de la coopération non gouvernementale, les bailleurs de fonds apportent de l'appui aux ONG nationales, celles-ci l'utilisent pour répondre à la situation de pauvreté des populations. Malgré ces appuis, la paupérisation des populations est continue. Cela suppose des défaillances au niveau du système. L'analyse des « input » et « output » des ONG nationales peuvent nous permettre une explication de ces défaillances.
En tant que système, les ONG nationales dans la lutte pour la réduction de la pauvreté ont besoin des soutiens ou « input » pour leur fonctionnement et pour leurs activités. Dans ce cadre, les soutiens leur viennent des bailleurs de fonds externes ou encore des organisations internationales installées au Cameroun. Ces Bailleurs sont aussi bien des Institutions de coopération bilatérale que multilatérale.
Les soutiens que les ONG nationales reçoivent des bailleurs de fonds sont déterminants pour la réussite des activités qu'elles conduisent. Plus ils sont importants, plus les activités prennent de l'ampleur et sont efficaces. Et moins ils le sont , moins sont la portée et l'efficacité des activités des ONG nationales. Dans le cadre de la présente étude, les « input » des ONG nationales sont à la fois constitués des exigences relatives aux domaines et aux critères de coopération et, de l'appui financier.
Cette imposition des domaines et critères de coopération conduit les ONG nationales à un changement de perspective sur les activités à mener et ce, aux dépens des populations bénéficiaires. A ce propos, des ONG nationales avouent monter leur projet en fonction des domaines et des critères des bailleurs de fonds. Cette accommodation des ONG nationales aux conditions des bailleurs de fonds influence leur réponse à la demande des populations bénéficiaires. Certaines ONG nationales affirment à propos : « Les voeux des populations ne sont pas toujours ceux du projet ». Les conditions de coopération des bailleurs de fonds ne favorisent, dans ce contexte, la mise en place des réponses appropriées aux attentes des populations.
Qui plus est, l'appui financier des bailleurs de fonds ne prend pas en compte les charges de fonctionnement des ONG nationales .Seules les charges d'activités sont prises en compte. Mais, ce financement des charges d'activités, selon les ONG nationales, « n'est pas toujours approprié ». Comment alors, une ONG peut-elle conduire à bien les activités de développement lorsque les moyens de son fonctionnement interne et de l'exécution des activités ne sont pas, respectivement réunis et appropriés? Tous ces facteurs relatifs aux « input » des ONG nationales traduisent à suffisance leur caractère(« input ») inapproprié et constituent, de ce fait, un obstacle à la contribution de la coopération non gouvernementale à la lutte pour la réduction de la pauvreté. Qu'en est-il alors des « output » ?
L'impact de la coopération non gouvernementale sur la réduction de la pauvreté est aussi fonction de la capacité des ONG nationales à convertir leurs « input » en « output » capables de répondre efficacement aux attentes des populations bénéficiaires de leurs actions. Les ONG nationales mènent un certain nombre d'actions qui correspondent à leur réponse à la demande de leur environnement (populations). Ces réponses ou « output » sont constituées, pour le cas de la présente étude de leur méthode d'approche et de leur investissement dans les activités des populations.
En général, les ONG se caractérisent par leur approche qui prend en compte les besoins des populations. Mais pour le cas de notre étude, on constate un fléchissement de ces atouts reconnus aux ONG. Ce fléchissement semble être orchestré par les bailleurs de fonds. Car, les « input » qu'ils apportent aux ONG nationales, sont entourés des conditions qui ne favorisent pas la mise en place des « output » qui prennent en compte les voeux des populations, comme le rappelle bien certains responsables d'ONG nationales :« les voeux des populations ne sont pas toujours ceux du projet ». En plus, chaque Bailleur définit d'avance ses domaines de coopération et ses critères. Puis, « le financement est conditionné par le respect de ses conditions [bailleurs de fonds] qui ne correspondent pas toujours aux prévisions des ONG ». Cette affirmation d'un responsable d'ONG qui résume celles des autres traduit l'incohérence des réponses des ONG nationales aux demandes des populations bénéficiaires.
Par ailleurs, les ONG nationales, s'agissant de l'utilisation des fonds issus des « input », ont souvent fait l'objet des malversations financières. Mais avec le suivi-évaluation qui accompagne l'appui financier des bailleurs de fonds aux ONG nationales, « il n'est pas, de nos jours, facile de prendre et de disparaître » (Un Responsable d'ONG). Le suivi-évaluation ne permet pas non plus un changement de domaine d'activités. Concernant alors l'aspect financier de l' « output », il se pose plus le problème de l'insuffisance de l'appui, comme l'affirme un responsable d'ONG : « Le financement n'est pas toujours approprié ». Il y a de façon générale, unanimité sur cette question d'insuffisance de l'appui financier. Cette insuffisance constitue un facteur limitatif pour les actions des ONG nationales dans les initiatives destinées à l'amélioration des conditions de vie des populations. Le suivi-évaluation des activités constitue aussi dans une certaine mesure un facteur limitatif en ce sens qu'il ne donne pas aux ONG nationales la possibilité d'une extrapolation des activités aux voeux des populations.
En somme, l'analyse « input »-« output » nous permet d'observer les interactions qui existent entre les bailleurs de fonds et les populations bénéficiaires. A l'observation, les « input » des ONG nationales leur impose une approche qui ne leur permet pas de répondre efficacement aux attentes des populations. Cette analyse nous aura permis de découvrir ces facteurs de blocage de la contribution de la coopération non gouvernementale à la lutte pour la réduction de la pauvreté. Analyse faite, la faible capacité des ONG nationales à répondre efficacement à la demande des populations en matière de lutte pour la réduction de la pauvreté est en partie relative au caractère non approprié des « input » qu'elles reçoivent des bailleurs de fonds, car les conditions de coopération des bailleurs de fonds et leur appui limité ne favorise pas une action efficace et efficiente des ONG nationales. Une autre explication à cette inefficacité et inefficience des actions non gouvernementales peut se situer au niveau des ONG nationales elles-mêmes. Car, en tant que régulatrices des activités non gouvernementales, ses stratégies d'accommodation ou d'adaptation peuvent d'une manière ou d'une autre constituées un blocage à leurs actions, d'autant plus que chaque système renferme en lui les germes de sa propre destruction. Mais, l'analyse systémique ne nous permet pas d'observer ces stratégies qui dans le cadre de l'analyse « input »-« output » se déploient dans la « boite noire » ou dans le système proprement dit. Et cette « boite noire » dans la configuration relative à notre étude correspond aux ONG nationales elles-mêmes. Il se déploie donc au niveau des ONG nationales, des stratégies d'accommodation ou d'adaptation à leur « environnement de soutien ». L'analyse de ces stratégies peut permettre une explication de l'impact de la coopération non gouvernementale sur la réduction de la pauvreté.
La décentralisation de l'aide au développement a constitué le berceau des organisations intermédiaires de canalisation de l'aide au développement. Dans la mouvance de cette décentralisation, les ONG nationales, en vertu de certains atouts qui leur ont été reconnus, ont pris une place grandissante dans l'actualité consacrée à l'aide au développement. Devenant de ce fait des actrices du développement et plus précisément des gestionnaires des appuis au développement, compte tenu de leur position intercalaire dans la coopération non gouvernementale, leurs actions ont une influence considérable sur l'impact de cette coopération sur la réduction de la pauvreté. Il apparaît dès lors indispensable, pour toute tentative de compréhension de l'impact de la coopération non gouvernementale sur la réduction de la pauvreté, de s'interroger sur le statut d'acteur des ONG nationales dans cette coopération. Un acteur impliqué dans la lutte pour la réduction de la pauvreté entre les bailleurs de fonds et les populations bénéficiaires, un acteur qui dispose des stratégies, et qui est au prise avec les politiques de coopération des bailleurs de fonds et les demandes des populations bénéficiaires. La conduite des ONG nationales dans un tel environnement est susceptible de fournir des éléments de compréhension de l'impact de la coopération non gouvernementale sur la réduction de la pauvreté. Cette conduite s'observe dans leurs relations avec les bailleurs de fonds d'une part, et les populations bénéficiaires d'autre part.
Les ONG nationales font partie des « configurations développementistes » (DE SARDAN, 1995 : 7), que BIERSCHENK et al désignent par « courtiers locaux en développement », ces acteurs sociaux implantés dans une arène locale et qui servent d'intermédiaires pour drainer des ressources extérieures relevant de l'aide au développement (2000 : 7). Les ONG nationales représentent de ce fait, des porteurs sociaux locaux de projets de développement. Elles assurent l'interface entre les bailleurs de fonds et les destinataires des projets. Elles sont donc censées représenter les populations locales bénéficiaires ou en exprimer les besoins vis-à-vis des structures d'appui et/ou de financement. Mais, d'après les observations relatives à la présente étude, les ONG nationales semblent ne pas toujours être des représentantes fidèles des populations, leur conduite suscite des interrogations sur l'opportunité de leurs actions.
Dans leur démarche auprès des bailleurs de fonds, les ONG nationales mettent sur pied des stratégies d'adaptation qui n'épousent pas toujours les voeux des populations concernées par les projets. Elles montent leur projet en fonction des domaines et critères des bailleurs de fonds. Une telle démarche traduit leur caractère opportuniste. En fonction des opportunités et des contextes, elles multiplient des stratégies d'adaptation aux différents bailleurs de fonds potentiels. C'est dans ce sens qu'un de nos enquêtés du côté des bailleurs de fonds relève, en guise de problèmes relatifs à l'éligibilité des ONG nationales, la présence des ONG dont les domaines d'intervention varient selon les domaines de financement disponibles. C'est ainsi qu'avec l'avènement du projet pipeline Tchad-Cameroun, poursuit-il, de nombreuses ONG nationales intervenant initialement dans des domaines autres, se sont présentées comme des ONG spécialisées dans les questions de l'environnement. Et ce, tout simplement parce que l'institution disposait des financements dans ce domaine du projet. Cet opportunisme des ONG nationales se caractérise par leur habileté à adapter leurs discours à chaque type de Bailleur en vue de décrocher le financement et ce, aux dépens des populations qu'elles sont supposées représentée. C'est ce que reconnaissent BIERSCHENK et al lorsqu'ils affirment :
« Le talent du Courtier s'exprime moins dans son habileté à « vendre » des initiatives venues « du bas » qu'à répondre à la dynamique de « l'offre de projet » qui provient du monde du développement » (2000 : 28).
Vu sous cet angle, les ONG nationales dans leur démarche auprès des bailleurs de fonds ne prennent pas en compte les besoins réels des populations pour lesquelles elles prétendent travailler. Il y a donc tout simplement une instrumentalisation des populations à la base aux fins d'accéder au financement des Bailleurs.
Toujours dans leur démarche auprès des bailleurs de fonds, certaines ONG nationales empruntent des voies non officielles qui consistent en de réseaux de relations. C'est l'un des problèmes que relève l'un de nos enquêtés du côté des bailleurs de fonds dans l'implication des ONG nationales aux programmes du gouvernement que son Institution finance. En effet, dit-il, l'éligibilité de certaines ONG nationales par le gouvernement dans les projets que son Institution finance est très souvent tributaire de l'appartenance politique des promoteurs desdites ONG. L'appartenance politique devient ainsi une stratégie d'accès au financement. Comment dans ces conditions, parler de la prise en compte des besoins des populations ? Autant le recours aux populations est nécessaire pour l'accès au financement pour autant qu'il permet de justifier l'opportunité du projet, autant il n'est pas nécessaire lorsqu'il ne conditionne pas l'accès au financement. On peut alors comprendre que les besoins des populations ne soient pas une priorité pour ces ONG.
Alors, les ONG nationales dans leur démarche auprès des bailleurs de fonds, n'ont pas toujours au centre de leurs préoccupations les intérêts des populations bénéficiaires. Il y a donc comme une logique d'exclusion des populations bénéficiaires dans la démarche des ONG nationales dans leurs relations avec les bailleurs de fonds. Qu'en est-il des relations avec ces populations elles-mêmes ?
Dans les principes de la coopération non gouvernementale, les populations à la base sont la cible principale des projets dont sont porteuses les ONG nationales. Ces ONG sont, pour les bailleurs de fonds, les représentantes des populations à la base. Cette posture est d'ailleurs une condition indispensable pour l'accès des ONG nationales au financement des bailleurs de fonds. Ainsi, le recours aux populations à la base est un passage obligé pour les ONG nationales en quête de financement des Bailleurs. Et dans ces conditions, l'appui aux populations à la base tend à devenir tout simplement une stratégie d'accès au financement. C'est ce que semblent traduire certaines pratiques des ONG nationales dans leurs relations avec les populations à la base.
Dans leurs relations avec les populations à la base, certaines de nos enquêtés du côté des ONG relèvent le problème d'incompréhension des populations à la base quant aux projets que les ONG leur proposent .Car, certaines estiment que les ONG nationales s'enrichissent sur leur dos. Cette attitude ne facilite pas la tâche aux ONG nationales. Raison pour laquelle elles sont parfois amenées à « amadouer » les populations pour obtenir leur acceptation et leur adhésion aux projets. Une telle démarche montre à suffisance que les projets ne sont pas ,dans la plupart des cas, l'émanation des populations à la base, qu'ils leur viennent de l'extérieur. Parce que l'adhésion des populations à la base est indispensable pour la crédibilité de leurs projets, les ONG les « amadouent » aux fins de justification de l'opportunité des projets au niveau des bailleurs de fonds. Le recours aux populations à la base devient alors un moyen de légitimation des actions des ONG nationales auprès de bailleurs de fonds. Cette stratégie d'accès à l'aide participe de ce que BIERSCHENK et al appellent la « compétence scénographique » des courtiers en développement, une stratégie qui consiste pour les ONG nationales à construire une « vitrine » qui puisse séduire le Bailleur potentiel, et combler l'expert de passage ou l'évaluateur en tournée (2000 : 27). Cette « compétence scénographique » se traduit par « l'art de faire croire » car, il est question pour les ONG nationales de « fabriquer une réalité » conforme à ce qu'on estime être les attentes des bailleurs de fonds. C'est de la sorte que des ONG nationales en viennent à décrocher des financements pour des projets qui ne profitent pas véritablement aux populations à la base. Ainsi, les populations deviennent un moyen d'accès au financement par les ONG nationales.
Le recours aux populations à la base comme stratégie d'accès au financement s'observe également dans les investissements des ONG nationales dans les activités destinées aux populations à la base. Comme le relèvent certains enquêtés du côté des ONG nationales, parlant de l'utilisation des fonds mis à leur disposition, « la mauvaise utilisation conduit à une suspension de financement. La bonne utilisation fait la crédibilité de l'ONG ».. Dans ces conditions, l'investissement dans les activités des populations à la base devient une condition indispensable pour les ONG nationales qui ont l'ambition de postuler à de nouveaux financements dans l'avenir. C'est pour cela que les ONG soucieuses de la pérennité de leur crédibilité attache de l'importance à « l'aspect institutionnel des projets ». Il consiste dans certains projets en de petites activités à but lucratif que les ONG ont le droit d'initier pour couvrir certaines charges administratives liées à l'exécution du projet et/ou pour leur propre subsistance. L'aspect institutionnel est selon certains responsables d'ONG, le coeur même du projet.
En somme, l'intervention des ONG nationales, en tant qu'actrices et compte tenu de leur position, dans la coopération non gouvernementale, n'est pas de toute neutralité. Loin s'en faut, les ONG nationales déploient des stratégies d'adaptation aux exigences des bailleurs et d'intervention auprès des populations qui leur permettent très souvent de récupérer à leur compte les initiatives non gouvernementales de développement. De telles stratégies ne sont pas sans conséquences sur la contribution de la coopération non gouvernementale à la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun, elles contribuent à la paupérisation des populations à la base.
« La coopération non gouvernementale à l'épreuve de la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun : une analyse sociologique des relations ONG nationales-bailleurs de fonds ». Tel est le sujet qui était au centre de notre étude. Partant du constat de la paupérisation croissante des populations camerounaises face au recours accru à la coopération non gouvernementale, la question était de savoir ce qui explique le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises. La coopération non gouvernementale mettant au prise les ONG nationales et leur « environnement de soutien » que sont, de part et d'autre, les bailleurs de fonds et les populations bénéficiaires, nous sommes partis du principe de D.J. MULLER selon lequel, « l'efficacité des opérations non gouvernementales se fonde sur les « bonnes relations » que les ONG entretiennent avec leur environnement de soutien » (1989 : 205). Pour répondre à la question, deux perspectives ont été provisoirement envisagées. Pour la première, la politique de coopération des bailleurs de fonds explique le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises. Pour la seconde, les méthodes d'intervention des ONG nationales dans la coopération non gouvernementale explique ce déphasage.
Pour traiter du sujet, nous avons été amenés à faire un état des lieux de la pauvreté au Cameroun, ainsi que les réponses des différents acteurs de lutte pour la réduction de la pauvreté. La problématique de la coopération non gouvernementale au Cameroun a constitué une autre étape vers le traitement de notre sujet. La politique des bailleurs de fonds en matière de coopération non gouvernementale et les méthodes d'intervention des ONG nationales dans la coopération non gouvernementale ont constitué les points focaux de l'analyse de la question, toutes ces étapes, non sans avoir fait au préalable une présentation du cadre institutionnel de l'étude.
Pour l'analyse de la question, nous avons eu recours à trois cadres théoriques d'analyse. L'analyse sociocritique pour une lecture en profondeur permettant de déceler les non-dits du phénomène de coopération non gouvernementale ; l'analyse systémique pour une analyse des « input » et des « output » des ONG nationales en tant que système dans cette coopération ; et l'analyse stratégique pour la démarche des ONG nationales en tant qu'actrices de cette coopération. Ces analyses purement qualitatives, ont été menées suivant les techniques de l'analyse de contenu.
A l'analyse, la politique des bailleurs de fonds en matière de coopération non gouvernementale et les méthodes d'intervention des ONG nationales dans la coopération non gouvernementale recèlent des pratiques qui constituent des facteurs de blocage de la contribution de la coopération non gouvernementale à la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun.
L'analyse de la politique des bailleurs de fonds en matière de coopération non gouvernementale conduit à deux constats à savoir que cette forme de coopération, pour les bailleurs de fonds, est une formalité, et un moyen de promotion des standards occidentaux de développement. Or, cette formalité est ce qui voile l'ambition réelle à savoir la promotion des standards occidentaux de développement. La coopération non gouvernementale se réduit donc à un instrument de transmission de la culture occidentale. ce qui concourt à desservir les intérêts des populations bénéficiaires des projets de développement initiés dans le cadre de cette coopération.
Du côté des ONG nationales, les freins à leur contribution à la réduction de la pauvreté dans le cadre de la coopération non gouvernementale s'observe à deux niveaux. Premièrement, les « input » qui leur viennent des bailleurs de fonds sont constitués des conditions de coopération et d'appuis qui ne favorisent pas l'efficacité et l'efficience de leurs actions dans la lutte pour la réduction de la pauvreté. Car, cette situation les conduit à fournir des réponses inadaptées et limitées, aux demandes des populations à la base. Secondairement, les ONG nationales, mettent sur pied des stratégies qui ne facilitent pas également l'épanouissement des populations par cette coopération. En fait, les stratégies d'adaptation des ONG nationales aux exigences des bailleurs de fonds contribuent à éloigner l'apport desdits bailleurs des attentes des populations à la base. Car, l'opportunisme dont les ONG nationales font l'objet, les confine à la posture de demandeur et non à celle de partenaire au développement, laquelle posture de partenaire ferait d'elles des interlocuteurs valables des bailleurs de fonds, autrement dit des interlocuteurs capables de discuter, de négocier, de donner leurs points de vue sans complexe sur la politique de coopération des Bailleurs ; bref, de bons défenseurs de la cause des populations à la base qu'elles prétendent représenter. En plus, l'instrumentalisation des populations à la base aux fins d'accès au financement des bailleurs de fonds, participe des stratégies des ONG nationales qui font obstacles à la contribution de la coopération non gouvernementale à la réduction de la pauvreté au Cameroun. Au total, politique inadaptée d'un côté, opportunisme et clientélisme de l'autre. Comment dans ces conditions, la coopération non gouvernementale peut-elle contribuer à la réduction de la pauvreté au Cameroun ?
En fin de compte et pour répondre explicitement à la question de départ, le déphasage entre le recours accru à la coopération non gouvernementale et la paupérisation croissante des populations camerounaises s'explique par les politiques des principaux acteurs de la coopération non gouvernementale que sont les bailleurs de fonds et les ONG nationales. Les bailleurs de fonds par leur politique inadaptée qui conduit à un développement qui ne tient pas compte de la dimension culturelle du développement ; les ONG nationales par leur opportunisme et leur clientélisme. La combinaison de ces tares constitue de véritables écueils à la contribution de la coopération non gouvernementale à la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun./.
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GUIDE D'ENTRETIEN
A L'ATTENTION DES PERSONNES-RESSOURCES
I - Présentation de l'enquêteur et de l'objet de l'entretien
Je m'appelle Sosthène Hervé MOUAFO NGATOM . Je suis étudiant en Sociologie à l'université de Yaoundé I. Dans le cadre de la préparation du mémoire de Maîtrise sur le thème : « La coopération non gouvernementale à l'épreuve de la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun : une analyse des relations- bailleurs de fonds - ONG nationales », je suis appelé à recueillir auprès de vous des informations relatives à ce sujet. Les informations collectées au cours de cet entretien sont strictement confidentielles et ne sauraient être utilisées à d'autres fins qu'à des fins académiques.
II - Identification de l'enquêté
Nom : Profession :
Domaine d'activités :
III - Déroulement de l'entretien
A - Pauvreté
1. Définition ?
2. Manifestations au Cameroun ?
3. Evolution au Cameroun ?
4. La lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun ?
B - Relations bailleurs de fonds - ONG Nationales
1. Politique de coopération des bailleurs de fonds ?
2. Financement des ONG dans la lutte pour la réduction de la pauvreté ?
3. Stratégies d'obtention de financement par les ONG nationales ?
4. Problèmes de ces relations dans la lutte pour la réduction de la pauvreté ?
5. Amélioration de ces relations ?
C - Relations ONG Nationales - populations bénéficiaires
1. La logique des populations bénéficiaires dans l'action des ONG nationales ?
2. Investissement des ONG nationales dans les projets des populations bénéficiaires ?
3. Problèmes de ces relations dans la lutte pour la réduction de la pauvreté ?
4. Amélioration de ces relations ?
D - Divers
1. Les motivations de l'action des ONG et des bailleurs de fonds ?
GUIDE D'ENTRETIEN :FOCUS GROUP
A L'ATTENTION DES POPULATIONS BÉNÉFICIAIRES
I - Présentation de l'enquêteur et de l'objet de l'entretien
Je m'appelle Sosthène Hervé MOUAFO NGATOM . Je suis étudiant en Sociologie à l'université de Yaoundé I. Dans le cadre de la préparation du mémoire de Maîtrise sur le thème : « La coopération non gouvernementale à l'épreuve de la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun : une analyse des relations - bailleurs de fonds - ONG nationales », je suis appelé à recueillir auprès de vous des informations relatives à ce sujet. Les informations collectées au cours de cet entretien sont strictement confidentielles et ne sauraient être utilisées à d'autres fins qu'à des fins académiques.
II - Identification de l'enquêté
Nom : Nombre de participants :
Domaine d'activités : Localité :
III - Déroulement de l'entretien
A - Pauvreté
1. Définition ?
2. Manifestations dans votre localité ?
3. Evolution de la pauvreté dans votre localité ?
4. Lutte pour la réduction de la pauvreté dans votre localité ?
B - Relations avec les ONG Nationales
1. Vos rapports avec les ONG partenaires ?
2. L'apport des ONG partenaires dans la lutte pour la réduction de la pauvreté dans votre localité ?
3. Vos besoins prioritaires dans l'action des ONG partenaires ?
4. Vos attentes des ONG partenaires ?
5. La satisfaction de vos besoins par les ONG partenaires ?
6. Problèmes de ces relations ?
C - Activités de lutte pour réduction de la pauvreté en partenariat avec les ONG nationales
1. Types d'activités ?
2. Initiateurs des activités ?
3. Nécessité des activités ?
4. Vos connaissances, souhaits et désirs dans la conception et l'exécution des activités
5. Votre participation au activités : conception, réalisation ?
6. Problèmes avec les ONG partenaires dans les activités ?
7. Amélioration de l'action des ONG partenaires ?
GUIDE D'ENTRETIEN
A L'ATTENTION RESPONSABLES DES ORGANISMES
DE FINANCEMENT
I - Présentation de l'enquêteur et de l'objet de l'entretien
Je m'appelle Sosthène Hervé MOUAFO NGATOM . Je suis étudiant en Sociologie à l'université de Yaoundé I. Dans le cadre de la préparation du mémoire de Maîtrise sur le thème : « La coopération non gouvernementale à l'épreuve de la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun : une analyse des relations - bailleurs de fonds - ONG nationales », je suis appelé à recueillir auprès de vous des informations relatives à ce sujet. Les informations collectées au cours de cet entretien sont strictement confidentielles et ne sauraient être utilisées à d'autres fins qu'à des fins académiques.
II - Identification de l'enquêté
Nom : Institution d'appartenance :
Domaine d'activités : Profession :
III - Déroulement de l'entretien
A - Pauvreté
1. Définition ?
2. Manifestations au Cameroun ?
3. Evolution au Cameroun ?
4. La lutte pour la réduction de la pauvreté par votre institution ?
B - Relations avec les ONG Nationales
1. Axes de ces relations ?
2. Problèmes de ces relations ?
3. Evolution de ces relations ?
4. Motivations de l'action de l'institution ?
5. Procédures de collaboration avec l'institution ?
6. Profil des ONG collaboratrices de votre institution ?
7. Amélioration de ces relations ?
C - Financement des ONG nationales
1. Procédures d'obtention de financement ?
2. Procédures de financement ?
3. Pourcentage de financement des ONG nationales par rapport au financement demandé ?
4. Nature des financements ?
D - Politique de coopération avec les ONG nationales
1. Domaines de financement ?
2. Critères de choix des domaines de financement ?
3. Nécessité des domaines de financement choisis ?
4. Logique des bénéficiaires dans le choix des domaines de financement
E - Divers
1. Evaluation de la décentralisation de l'aide au développement dans la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun ?
GUIDE D'ENTRETIEN
A L'ATTENTION DES REPONSABLES D'ONG NATIONALES ECHANTILLONNÉES
I - Présentation de l'enquêteur et de l'objet de l'entretien
Je m'appelle Sosthène Hervé MOUAFO NGATOM . Je suis étudiant en Sociologie à l'université de Yaoundé I. Dans le cadre de la préparation du mémoire de Maîtrise sur le thème : « La coopération non gouvernementale à l'épreuve de la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun : une analyse des relations - bailleurs de fonds - ONG nationales », je suis appelé à recueillir auprès de vous des informations relatives à ce sujet. Les informations collectées au cours de cet entretien sont strictement confidentielles et ne sauraient être utilisées à d'autres fins qu'à des fins académiques.
II - Identification de l'enquêté
Dénomination de l'ONG : Profession du responsable :
Date de création : Objectifs :
Domaines d'activités :
III - Déroulement de l'entretien
A - Pauvreté
1. Définition ?
2. Manifestations dans votre zone d'action et au Cameroun ?
3. Evolution au Cameroun ?
4. La lutte pour la réduction de la pauvreté par votre ONG ?
B - Relations avec les bailleurs de fonds
1. Axes de ces relations ?
2. Etat de ces relations ?
3. Problèmes de ces relations ?
4. Influence de ces relations sur la lutte pour la réduction de la pauvreté dans votre zone d'action ?
C - Financement de l'ONG par les bailleurs de fonds
1. Appréciations du financement de l'organisme ?
2. Appréciations de la politique de financement de l'Organisme de développement : domaines de financement, critères de choix de ces domaines ?
3. Pourcentage de financement par rapport au financement demandé
4. Vos stratégies d'accès au financement.
D - Relations avec les populations bénéficiaires
1. Axes de ces relations ?
2. Etat de ces relations ?
3. Influence sur la lutte pour la réduction de la pauvreté au Cameroun ?
4. Problèmes de ces relations ?
E - Investissement dans les activités des populations bénéficiaires
1. Nature de l'investissement ?
2. Capacité d'investissement dans les activités des populations bénéficiaires ?
3. Niveau d'investissement dans les activités des populations bénéficiaires ?
4. Pourcentage d'investissement dans les activités des populations par rapport au financement reçu ?
F - L'approche des ONG nationales dans les activités des populations bénéficiaires
1. Nécessité de ces activités pour les populations ?
2. La conception des activités ?
3. La réalisation des activités ?
4. Connaissances, désirs et souhaits des populations bénéficiaires dans les activités ?
G - Divers
1. Impact de l'action des ONG sur la lutte pour la réduction de la pauvreté dans votre zone d'action en particulier et au Cameroun en général ?
2. Les motivations de l'action des ONG nationales ?
3. Bilan des activités de l'ONG ?
I - Personnes-ressources
· Président du Forum des ONG de développement du Cameroun (FONGDEC)
· Un responsable du Comité technique de suivi des programmes économiques (CTS)
· Président de l'Organisation de la société civile africaine (OSCA)
· Le responsable du projet GTZ - CTPS
· Le chef du service des associations et des cultes (responsable des ONG) au MINAT
· Le chef du service des ONG au MINREXT
· Le Chef de la division des enquêtes et études statistiques auprès des ménages à la DSCN
· Le responsable du CERFE au Cameroun
· Le chef de projet adjoint du programme FOURMI II
· Le responsable administratif et financier du programme FOURMI II
II - ONG nationales
Nom de l'ONG |
Ville |
Personnes interviewées |
APICA |
Yaoundé |
Le promoteur principal |
ASSOAL |
Yaoundé |
Le responsable de la communication |
CAFER |
Yaoundé |
Le chef des programmes |
CANADEL |
Yaoundé |
Le chef des programmes |
CEFEPROD |
Yaoundé |
Le chef des programmes |
CIPCRE |
Bafoussam |
Le directeur national |
III - Bailleurs de fonds
Nom de l'institution |
Ville |
Personnes interviewées |
ACDI |
Yaoundé |
Le responsable de PRO-DÉMOCRATIE |
BM |
Yaoundé |
Le responsable des relations avec les ONG |
UE |
Yaoundé |
Le responsable de la section politique, économique et commerciale |
IV - Organisations des populations à la base
Nom de l'organisation |
Ville |
Personnes interviewées |
AJEM |
Nkolbikok -Yaoundé |
Membres de l'association |
RAJEM |
Mballa I - Yaoundé |
Membres de l'association |