B.Les incidences du règlement CRC du 9 juin 2004 : la
consécration de la notion fondamentale du mali technique
Comme nous pouvons le constater, qu'il soit comptable ou
fiscal, le
traitement du mali était obscur et faisait souvent l'objet
de divergences selon
les sociétés et les institutions (CNC...). Ainsi,
cette hétérogénéité du traitement
du mali polluait les informations financières et
empêchait bien souvent la comparaison d'états financiers entre
deux sociétés ayant réalisé des
opérations
de restructurations. Cette approche est bien évidemment
bannie et vivement attaquée par les normes internationales (IAS)
et européennes (IFRS). C'est pourquoi une réforme fut
adoptée par la CNC en 2004 s'agissant des fusions et
opérations assimilées, ce que nous verrons dans la
partie qui suit.
Le nouveau règlement est source d'incidences comptables et
fiscales (l)
et laisse persister certaines difficultés en la
matière (2).
l. Les incidences comptables et fiscales
a. Un traitement désormais conforme aux normes IFRS
Tout d'abord, rappelons que la problématique du
mali de fusion a été source de nombreux débats et
contradictions au cours de ces 20 dernières années. D'un
côté, les fervents défenseurs de la logique
juridique du traité d'apport arguaient que le mali de fusion devait
être enregistré en charge dans
les résultats de la société absorbante. Le
mali n'étant pas inscrit dans le traité
d'apport, il n'est pas représentatif d'un actif. De
l'autre, les défenseurs de la logique économique qui avancent
que le mali est représentatif d'un actif incorporel et doit, de ce
fait, être inscrit a l'actif de la société. Soulignons que
cette dernière logique l'a emporté lors de l'élaboration
du règlement CRC du 9
juin 2004.
Ensuite, la solution retenue par le règlement du 9 juin
2004 n'est pas sans rappeler l'approche économique adoptée par
les nouvelles normes comptables (IFRS) qui sont progressivement
transposées en droit français2l. Les
définitions apportées par les IFRS ont été
intégralement reprises par le CNC lors du règlement comptable
n°99-02 s'agissant de la définition, l'évaluation,
la comptabilisation et la dépréciation des
actifs. Aujourd'hui, il s'agit du traitement comptable des fusions et
opérations assimilées qui est désormais compatible
avec les normes IFRS. Rappelons que ces normes préconisent une
homogénéisation des pratiques comptables au sein de
l'Europe; ceci afin de faciliter la comparabilité des
sociétés et de leurs informations financières. Les IFRS
ont ceci de positif qu'elles permettent d'instaurer des règles communes
la où, auparavant, le chaos comptable et l'incertitude fiscale
régnaient en maitre.
Pour comprendre la solution retenue par le CNC s'agissant du
traitement du mali de fusion, il convient donc de se référer aux
IFRS.
La définition d'un actif incorporel en norme
IFRS est la suivante : La norme IAS 38.7 (reprise par les IFRS)
définie un actif incorporel comme « un actif non
monétaire (sans substance physique) destiné à
être utilisé à la production ou à la fourniture
de biens et services, pour une location à des tiers
ou à des fins administratives (gestion interne)
».
Un élément est un actif incorporel si
cumulativement :
L'élément est identifiable22
L'élément est contrôlé (la notion
de contrôle s'apprécie sur la
2l Dans un premier temps en comptes consolidés
et dans un deuxième temps en comtes statutaires
22 Le bien est séparable de l'entreprise, sans
affecter le résultat futur des autres biens inscrits a l'actif, il est
séparable mais génère des flux de trésorerie
distincts où il fait l'objet de droits légaux
Les pertes reIatives aux opérations de restructuration
Thomas Gruet
« substance » et non sur Ia forme23)
L'entité en attend des avantages économiques
futurs24
En normes IFRS et désormais PCG, un actif incorporeI
est comptabiIisé si :
II est source d'avantages économiques futurs pour
I'entreprise
L'évaIuation du coOt de I'actif est fiabIe
S'agissant de Ia fiabiIité de I'évaIuation du coOt
de I'actif au sujet du maIi
de fusion, aucun probIème ne se pose. II
convient de se référer dans un premier temps aux vaIeurs
comptabIes dont Ie montant est certain afin de caIcuIer Ie vrai maIi. II
suffit pour ceIa de se référer au biIan. Concernant Ie caIcuI du
maIi technique, iI convient dans un deuxième temps de se
référer aux vaIeurs réeIIes qui, eIIes, peuvent
divergées seIon Ies soIutions retenues par Ies entreprises. Notons qu'a
ce propos, Ies IFRS préconisent Ia méthode des cash- fIows
futurs25 qui repose sur des outiIs mathématiques,
donc par essence fiabIe. Néanmoins, des variations peuvent
apparaitre seIon Ies conditions de caIcuI retenues26.
S'agissant de Ia source d'avantages économiques
futurs, eIIe se justifie par Ie fait que Ie maIi est considéré
comme un éIément du fonds commerciaI, étant donné
qu'iI s'inscrit dans un sous compte de ceIui-ci. Or, Ie fonds
commerciaI est une source indéniabIe d'avantages
économiques futurs pour I'entreprise I'ayant inscrit a son actif. On
considère en effet qu'iI ne se déprécie pas avec Ie
temps. Précisons toutefois que Ie maIi n'est pas amortissabIe
puisque Ia durée de consommation de ses avantages économiques
futurs ne
peut être connue de manière
fiabIe27. L'impossibiIité d'amortir Ie maIi est
23 Notion de « substance over form », autre
piIier fondamentaI des IFRS
24 Les avantages économiques futurs sont
matériaIisés par Ies fIux positifs futurs de trésorerie
générés par I'actif en question. En d'autres termes, iI
s'agit des « cash-fIow »
25 FIux futurs de trésorerie ou avantages
économiques futurs retirés de I'utiIisation d »un bien
26 TeI est Ie cas du taux d'actuaIisation qui peut
varier en fonction de I'appréciation de chacun
27 La durée de consommation des
avantages économiques futurs ne peut être
évaIuée de manière fiabIe. Les
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2005
justifiée en droit français étant
donné que le fonds commercial auquel il se rattache n'est pas non
plus amortissable.
Il est bien évident que ces définitions
reposent sur une analyse économique de la propriété,
élément fondamental de l'état d'esprit des IFRS. Or, le
traitement comptable du mali selon l'approche économique retenait un
traitement identique (a savoir inscription du mali en immobilisation
incorporelle) pour les opérations de restructuration
réalisées avant le règlement CRC 2004-0l (voir II B 2 a i,
lier §).
L'approche « IFRS » ne peut a elle seule
expliquée la solution retenue même si nous pouvons
raisonnablement penser qu'elle est sous-jacente a certains choix retenus
pour l'élaboration du règlement. Une autre explication, (plus
pratique, couramment avancée et tout aussi valable) de l'inscription du
mali technique a l'actif (cette explication vaut pour le traitement
passé et actuel) est que cela permet de respecter une neutralité
au niveau des résultats
de la société absorbante.
Enfin d'une manière générale, il convient
de noter que la distinction entre vrai mali et mali technique
présentait jusqu'a alors peu d'intérêt, étant
donné que les malis étaient tous deux généralement
comptabilisés en charges. Avec l'application du nouveau
règlement, la différence est significative car le traitement du
vrai mali et du mali technique est totalement différent que se soit en
comptabilité ou en fiscalité, ce que nous verrons dans les
parties ci- après.
Le nouveau traitement comptable du vrai mali :
Le vrai mali reste comptabilisé en charge dans les
résultats de la société. Son traitement comptable (et de
facto fiscal) se distingue très nettement de
celui retenu pour le mali technique, ce qui fera l'objet d'une
étude dans le point
avantages économiques futurs quant a eux peuvent
l'être
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suivant.
L'avènement du traitement comptable du mali technique
:
Le mali technique correspond a hauteur de la
participation détenue aux plus-values latentes sur les
éléments d'actifs transférés, déduction
faite des passifs non comptabilisés en l'absence d'obligations
comptables dans les comptes de l'absorbée. Il doit être
comptabilisé dans un sous-compte du compte 207 « fonds
commercial » intitulé « mali de fusion » ; figure a
l'actif le montant global du mali. Les sociétés doivent
procéder a l'affectation extra- comptable du mali aux
différents actifs et a hauteur des plus-values latentes significatives.
Le mali technique ne peut faire l'objet d'une cession et disparait lors de la
cession des actifs auxquels il se rattache en proportion.
D'un point de vue strictement pratique, la gestion de ce mali
correspond a une lourdeur administrative supplémentaire. Les entreprises
devront procéder
a l'évaluation aux valeurs réelles des actifs
apportés même lorsque la fusion se réalisera aux valeurs
comptables. Par ailleurs, l'affectation de ce mali sera source de
contentieux avec l'administration fiscale étant donné qu'elle
sera a même de contrôler la ventilation opérée
entre vrai mali et mali technique28. Des sources de
difficultés apparaitront également lors de l'affectation de
ce mali étant donné que l'entreprise devra
apprécier le caractère significatif de telle ou telle
plus-value.
Etant donné que le mali technique est tout bonnement
« perdu » lors de la vente de l'actif sous-jacent, il convient
d'affecter une part importante du mali aux éléments les plus
pérennes, autrement dit dont la durée de vie est encore
très grande et qui ne risquent pas de faire l'objet d'une cession a
court terme.
Reste a connaitre la position de l'administration a ce sujet.
28 En d'autres termes, l'administration est a
même de contrôler le calcul des valeurs réelles
appliquées aux actifs
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b. Un traitement fiscal prévu par la loi
Comme l'illustre l'annexe l P.47, le mali de fusion peut
représenter des montants élevés (environ 3,28 milliards
d'euros dans le cadre la fusion Sagem
- Snecma, qui dans cet exemple est environ trois fois
supérieur a la valeur
comptable des actifs apportés). Ainsi, le traitement
fiscal du mali de fusion est
de toute évidence un enjeu d'une extrême importance
pour les sociétés.
Traitement fiscal du vrai mali :
Le vrai mali est déductible des résultats de la
société sur le plan fiscal. Il peut prendre le caractère
de moins-value a long terme lorsque les titres ont du point de vue fiscal la
nature de titre de participation et sont détenus depuis au moins deux
ans. Il est comptabilisé dans les résultats de la
société absorbante dans l'exercice au cours duquel est intervenue
l'opération de restructuration.
En tout état de cause, son montant devrait
correspondre a l'insuffisance de provision constatée avant
l'opération.
Traitement fiscal du mali technique : un jeu de
contreparties
Comme nous l'avons rappelé dans la partie II).
B). l). S'agissant de l'ancien traitement comptable du mali technique,
une perte sur titres n'est déductible que si celle-ci se
traduit par une diminution de l'actif net de la société
absorbante. Ceci ne peut être le cas si la valeur réelle de la
société qui fait l'objet d'une absorption est supérieure a
la valeur comptable des titres de
la dite société, titres détenus par la
société absorbante.
Il convient de distinguer selon que l'opération de
restructuration est placée sous le régime de faveur
prévue a l'article 2l0 A du CGI ou non.
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En cas d'opération placée sous le régime
de faveur :
L'article 2l0 A l dispose désormais que «
l'inscription à l'actif de la société
absorbante du mali technique de fusion consécutif
à l'annulation des titres de
la société absorbée ne peut donner
lieu à aucune déduction ultérieure ». Une
provision pour dépréciation constatée sur le mali
technique ne sera pas déductible. Une telle provision est
constatée lorsque la valeur réelle de l'actif sous-jacent
devient inférieure a sa valeur comptable, majorée de la
part du mali qui lui a été affectée
extra-comptablement.
En cas de cession d'un actif (auquel une part du mali a
été affectée), le calcul du résultat fiscal
dégagé par la cession ne devra pas tenir compte de la- dite part
de mali. Le résultat comptable de cession est donc
rehaussé a hauteur de la part de mali.
Par ailleurs, les entreprises seront tenues d'établir
un état de suivi de la valeur du mali technique de fusion. Cet
état de suivi est nécessaire pour le calcul du
résultat imposable de la cession éventuelle d'actifs et
complète l'état
de suivi que les entreprises sont déja tenues de remplir
en cas d'opération de restructuration comme le dispose l'article 54
septies du CGI.
Bien que désavantageuse pour les entreprises, il convient
d'admettre que
la non-déductibilité du mali technique en cas
d'opération placée sous le régime
de faveur est justifiée. Cette déduction
fiscale est la contrepartie de l'imposition des plus-values lors de la
cession de l'actif : si le mali (représentatif des plus-values latentes
sur les éléments d'actifs apportés) ne fait l'objet
d'aucune imposition lors de l'apport, alors il ne doit pas non plus faire
l'objet d'une déduction lors de la cession de ces actifs.
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Exemple : (en K€)
Soit une entreprise cédant un fonds de commerce pour l 000
€. Le mali qui lui
a été affecté lors d'une fusion était
de 450 €. Admettons que la valeur nette du fonds de commerce soit de 200
€.
Le résultat comptable de la cession est de : l 000 - (200
+ 450) = 350 €.
Le résultat fiscal imposable est de : 350 + 450 = 800
€29
En cas d'opération placée sous le régime
de droit commun :
Le mali technique est en revanche déductible s'agissant
des opérations de
fusions ou dissolutions-confusions placées sous le
régime de droit commun. Ainsi, il est déductible fiscalement
en cas de provision ou de sortie de l'actif.
Cette solution est également justifiée
étant donné que l'opération n'est pas placée
sous le régime de faveur. Elle est la contrepartie de
l'imposition chez l'absorbée des résultats et plus-values
latentes. Par ailleurs, aucun état
de suivi ne doit être joint en droit commun.
2. Quelles difficultés sont a attendre et quelles
solutions sont a
envisager ?
a. Les optimisations lors de l'opération de
restructuration
Le mali technique apparait essentiellement lors
d'opérations réalisées a la valeur comptable. Or, le choix
de la valeur retenue s'agissant des apports lors d'opérations de
restructuration est supprimé : la valeur retenue est désormais
imposée : valeur comptable pour les opérations intragroupes et
opérations a l'envers de sociétés sous contrôle
distinct et valeur réelle pour les opérations a l'endroit de
sociétés sous contrôle distinct. La marge de manoeuvre en
matière
d'optimisation au regard du mali technique est donc aujourd'hui
limitée pour
29 ou encore l 000 - 200 = 800 €
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les entreprises.
Lors d'apport a la valeur comptable (obligatoirement pour les
opérations entre sociétés sous contrôle commun)
et d'application du régime de droit commun, une double
imposition est possible : impossibilité de déduire chez
l'absorbante la dépréciation des actifs sur la base des valeurs
réelle tandis que
la plus-value est taxée chez l'absorbée. De
même, le calcul du prix de cession d'un actif auquel une quote-part de
mali a été affectée est effectué selon la valeur
comptable et non la valeur réelle30. Afin
d'éviter ces difficultés, il convient de ne plus placer les
opérations de restructuration sous le régime de droit commun.
*S'agissant du mali a raison d'un actif net transmis
négatif, nous avons vu que
la charge correspondante a ce mali n'est pas
déductible. L'administration avance que cette
non-déductibilité est la contrepartie du transfert
illimité du montant des déficits. Néanmoins, un vrai
risque de perte « définitive » existe lorsque les pertes
comptables excèdent le déficit fiscal transféré. La
perte du droit a déduction est en l'espèce définitive et
aucune solution n'est prévu par le règlement.
b. Les difficultés persistantes liées au traitement
fiscal postérieur
a l'opération
Le problème se pose essentiellement sur un plan
pratique. Les entreprises doivent tenir un état de suivi de la
valeur et de la dépréciation du mali. Cependant, cet
état de suivi se traduit par une lourdeur administrative
supplémentaire qui peut persister dans le temps. De plus, il sera
d'autant plus compliqué a tenir que la société absorbante
procédera a des fusions- absorptions a l'avenir. Les grands Groupes
internationaux risques forts d'être
les plus pénalisés.
30 la valeur comptable, réduisant le prix
d'acquisition vient « gonfler » le prix de cession et donc le montant
de l'impôt
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