II. Le mali de fusion : une perte spécifique
désormais strictement encadrée
Nous verrons tout d'abord la notion de mali de fusions
(A) puis les incidences comptables et fiscales du règlement CRC du 9
juin 2004 (B).
A. La notion de mali de fusion
Nous aborderons dans un premier temps la définition et un
exemple de mali de fusion (1) puis dans un deuxième temps l'ancien
traitement comptable
et fiscal du mali de fusion (2).
1. Définition et exemple
a. Définition
Le mali de fusion ne concerne que les
opérations de fusions, fusions simplifiées et dissolutions
- confusions. La raison en est simple : il est la conséquence
directe de la participation que détient l'absorbante dans
l'absorbée s'agissant des opérations de fusions
simplifiées et de la société
« confondante » dans la société confondue
s'agissant des dissolutions - confusions.
Par exemple, dans le cadre d'une fusion simplifiée,
l'absorbante annule les
titres qu'elle détient dans la
société absorbée. Le boni ou le mali apparait
lorsque les actifs et passifs de la société
absorbée transmis a la société absorbante se
substituent aux titres précités.
Aucune définition antérieure du mali de fusion
n'existait. Il convient donc
de se référer a sa définition
actuelle. Le règlement CRC du 9 juin 2004 N°
2004-01 nous fournit pour la première fois une
définition. Le mali de fusion est
« l'écart négatif entre l'actif net
reçu par la société absorbante à hauteur de sa
participation détenue dans la société absorbée et
la valeur comptable de cette
participation ».
Le mali de fusion se décompose en deux
éléments distincts :
Le vrai mali : il est représentatif d'une
dépréciation de la participation
non traduite dans les comptes. En d'autres termes, il
traduit une véritable perte économique correspondant a
l'actif net négatif de la société absorbée ou
confondue.
Le mali technique ou également appelé «
faux malil3 » est constaté lors des fusions et
dissolutions confusions effectuées a la valeur comptablel4.
Il apparait lorsque la valeur des titres de la société
absorbée figurant a l'actif de l'absorbante est supérieure
a l'actif net comptable apporté. Il convient de préciser que
le mali technique n'était pas reconnu par l'administration fiscale,
en ce sens qu'il n'est pas déductible mais ceci fera l'objet d'une
étude dans les parties ci-dessous.
(*) Cas particulier: mali a raison d'un actif net
négatif notamment lors de fusions et dissolutions-confusions.
Lorsqu'une société détient a l00 % une
filiale, elle peut réaliser une fusion simplifiée ou une
transmission universelle de patrimoine (TUP), autrement dit une
dissolution-confusion.
Dans ces deux hypothèses, la filiale est dissoute a la
suite de l'opération
de restructuration et les titres de la filiale sont
annulés. Or, une telle filiale peut faire face, par exemple, a
des difficultés financières, ce qui peut se
traduire par un passif supérieur a l'actif.
l3 Pour des raisons de simplicité, le mali
technique ou faux mali sera désigné sous le terme de mali
technique dans la
suite de l'étude
l4 Ceci explique combien le nouveau règlement
comptable portant sur les fusions et opérations assimilées est
source
de difficultés en matière de mali de fusion pour
les sociétés étant donné que ces dernières
n'ont plus le choix des valeurs a retenir (réelles ou comptables) lors
des opérations de restructuration
Master 2 professionnel Droit fiscal des affaires Promotion
2005
Université de Rennes l 29/49
On peut dès lors imaginer que l'opération de
restructuration a pour but de réorganiser la filiale. Dés lors,
si la société bénéficiaire n'a aucune plus-value
latente inscrite dans ses comptes, l'opération de restructuration
en question est source de moins-values sur les titres de la
société dissoute. Cela se traduit par une charge pour
l'absorbante égale a l'actif net négatif transmis
b. Exemple de calcul et d'affectation d'un mali
Calcul d'un mali de fusion : (en K€)
Soit une société « Bante »
détenant une participation au lier janvier 2005 dans une
société « Bée » pour un montant de l0 000 €
(valeur comptable des titres de Bée chez Bante). La participation de
Bante dans Bée est de 75%.
Bante décide d'absorber Bée par le biais d'une
fusion-absorption. Le montant total des actifs nets transférés a
Bante est de l2 000 €. Les actifs nets corrigés
de Bée a la valeur réelle sont de l8 000
€l5
Valeur comptable des titres de Bée chez Bante l0 000
€ Actif net de la société Bée l2 000 €
Calcul du mali :
Quote-part des apports de Bée a Bante 75 % * l2 000 = 9
000 €
- Valeur comptable de la participation ( l0 000 €)
Mali (-) l 000 €
l5 Il s'agit essentiellement des plus values sur
terrain, immeuble ou titres ainsi que le fonds commercial
réévalué en
tenant compte, par exemple, des provisions pour retraite non
comptabilisées
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Calcul du mali technique :
Quote-part des apports a la valeur réelle 75 % * l8 000 =
l3 500 € Quote-part des apports a la valeur comptable 75 % * l2 000
€
= 9 000 €
Mali technique (-) 4 500 €
Le mali est justifié a hauteur de l 000 €
étant donné que le mali technique lui est supérieur.
La société Bante pourra donc affecter l 000 € au prorata des
plus values latentes aux différents actifs apportés.
(pour l'affectation extra-comptable du mali, voir annexe 2
P.49
2. Les anciens traitements comptable et fiscal
a. L'ancien traitement comptable
S'agissant du vrai mali, celui-ci devait faire l'objet d'une
comptabilisation
en charge dans le résultat de la
société. Il en était généralement de
même avec le mali technique sur le plan comptable mais les
différents acteurs économiques (CNC, Compagnie national des
commissaires aux comptes (CNCC), Commission des opérations de la
bourse (COB) aujourd'hui Autorité des marchés financiers (AMF),
entreprises...) adoptaient une approche différente du traitement du
mali technique. La COB préconisait en effet que dans certains
cas, le mali technique devait être inscrit a l'actif de la
société absorbante, ce qui n'était pas sans soulever
certaines difficultés pour les sociétés. Il apparait
clairement que le traitement de ce mali technique était
hétérogène sur le plan juridique et comptable et donc
source de contradictions
en terme d'information financière.
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Université de Rennes l 3l/49
b. L'ancien traitement fiscal
Le vrai mali
S'agissant du vrai mali, celui-ci était
entièrement déductible sur le plan fiscal. Ce traitement
fiscal parait justifié puisque le vrai mali a le
caractère d'une véritable perte économique.
Il peut également prendre la nature d'une
moins-value a long terme lorsque les titres concernés ont la
nature de titres de participation et sont détenus depuis au
moins deux ansl6. Il est comptabilisé dans le
résultat financier de la société absorbante dans
l'exercice au cours duquel a lieu l'opération de restructuration.
Son montant est en tout état de cause égal a l'insuffisance de
provision constatée avant l'opération.
Le mali technique
Jusqu'au règlement du CNC, le faux mali ne
faisait pas l'objet de disposition fiscale particulière.
Dés lors, la jurisprudence et l'administration fiscale s'opposaient
a sa déductibilitél7. L'argument avancé
était qu'une perte
sur titre ne peut être déductible que s'il elle
se traduit par une diminution de l'actif net de la société. Or,
ceci n'est pas le cas lorsque la valeur réelle de la
société absorbée est supérieure a la valeur
comptable des titres de la société absorbée, titres dans
les comptes de l'absorbante.
Afin de comprendre la position de l'administration, il convient
de se référer
a l'arrêt « Laboratoire Merck Clévenot
»l8. « [L'administration] a
réintégré cette perte dans le résultat
imposable, au motif que l'écart entre le prix de
revient des titres acquis six mois auparavant et la valeur
intrinsèque des actifs
l6 CAA Paris du 28/l/l997 N° 95-3465 et CE
25/4/2003 N° 236 923
l7 Cette analyse est confirmée par la
jurisprudence par deux arrêts : CE 3l/l2/l959 N° 42 946 et CE
l6/5/l975 N°
92 372
l8 CE N° 236923 25 avril 2003
de la société achetée
correspondait en réalité à l'accroissement du fonds
de commerce de la société absorbante résultant de
la prise de contrôle d'une entreprise concurrente opérant sur
le même secteur et avec la même clientèle, accroissement qui
ne pouvait être réputé disparu du seul fait de la fusion et
devait, dès lors, être inscrit parmi les actifs incorporels de la
contribuable ; ».
La perte comptable que la société absorbante a
constaté n'est en réalité que la constatation d'une
augmentation de son fonds de commerce et ne peut être imputable aux
actifs nets de la société absorbée. Elle n'est
donc pas justifiée. Le mali technique vient donc s'inscrire dans
un sous compte du compte « fonds commercial ».
(*) En ce qui concerne le mali de fusion ou
dissolution-confusion a raison d'un actif net négatif transmis (cas
particulier), aucun traitement n'existait par le passé. L'administration
avait seulement fait connaitre sa position a travers une réponse
ministérielle, « Lemasle AN 0l/02/l998P. 885 N°7l22 ».
Dans cette réponse, l'administration évoque la
possibilité pour elle d'invoquer la notion d'acte anormal de
gestionl9.
Il est précisé dans la réponse
ministérielle que si l'opération se traduit pour
l'associé de la société confondue par la prise en
charge d'un passif excédant l'actif transféré a la
société « confondante », la moins-value apparaissant
lors de l'annulation des titres est une moins-value a long terme dés
lors que les titres annulés sont qualifiés de titres de
participation et sont détenus depuis au moins deux ans20.
L'acte anormal de gestion est invocable s'agissant du mali de
dissolution.
La société reprenant un passif excédant
l'actif transmis contrevient au principe d'autonomie juridique et fiscale. En
tant qu'associé a responsabilité limitée aux
apports, la société reprend un passif correspondant
aux dettes contractées par
l9 Acte contraire a l'intérêt de la
société : prise en charge excessive d'une charge ou renonciation
a un bénéfice
20 Cette solution a été retenue par la
jurisprudence dans l'arrêt Palmir CAA Paris N° 95PA03465 du
lier janvier l997
une société juridiquement distincte.
Néanmoins, cette position est aisément critiquable,
étant donné que tout actionnaire dispose de prérogatives
juridiques lorsque la société dont il possède les titres
est en difficulté.
La reprise du passif peut se justifier d'une part si la
société en difficulté a générer des pertes
importantes entre la date de prise de participation et la date
d'absorption, d'autre part si la société absorbante doit assumer
la prise en charge de cette dette. Cette dernière raison est
justifiée sur le plan commercial (préservation du renom) mais
aussi financier (gestion d'une filiale en difficulté compromettant une
activité ou un secteur de la société possédant la
participation, remise a flot de telle ou telle activité...). Si de
telles conditions devaient être remplies, la déduction du mali de
fusion simple (a raison d'un actif net négatif) serait possible et
ne serait pas contestable au nom de la notion d'acte anormal de gestion.
Il convient par ailleurs de bien espacer les opérations de prise de
contrôle et d'absorption (TA Rennes l0/04/2003 N°99-
2l20) : si les opérations étaient en effet trop
rapprochées, alors la déductibilité
du mali pourrait être remise en question.
L'administration pourrait invoquer l'exclusivisme fiscale de
l'opération, qui consisterait a bénéficier de la prise en
charge d'une perte.
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