B.Les pertes indirectement liées aux résultats
antérieurs
Nous etudierons la notion de pertes intercalaires (1) puis celle
d'operations reciproques (2).
1. Les pertes intercalaires : notion et evolution
a. Definition
En principe, la date d'effet de fusion est la date de
l'assemble generale extraordinaire (AGE) approuvant l'operation de fusion.
D'un point de vue pratique (notamment lorsque la periode de l'exercice est
calquee sur l'annee civile) l'operation peut prendre effet a une autre date,
anterieure ou posterieure mais necessairement comprise pendant l'exercice au
cours duquel intervient l'operation : l'article L.236-4 du code de commerce
dispose en effet que cette date doit être comprise entre la date de
clôture du dernier exercice clos et la date de clôture de
l'exercice au cours duquel intervient l'operation.
La retroactivite des fusions est prevue a l'article
372-2 de la loi du 24 juillet 1966 sur les societes. Normalement, la date
de realisation de l'operation est celle a laquelle s'effectue le
transfert de propriete du patrimoine de la societe absorbee a la societe
absorbante et de la creation de nouvelles actions
au profit des actionnaires de la societe absorbee. La date de
prise d'effet est
celle qu'il a ete convenu de retenir lors de l'AGE. De
ce fait, les operations realisees durant la periode de retroactivite
sont reputees avoir ete realisees par la societe absorbante. C'est le
principe de la retroactivite12. La date de retroactivite est
donc celle a partir de laquelle les operations effectuees par la societe
absorbee sont comptablement et juridiquement effectuees par la
societe absorbante.
Or, en cas d'effet retroactif de la fusion, il est possible que
la valeur des
12 Le principe de retroactivite a ete rappele avec
l'arrêt du CE N° 92372 du 16 mai 1975
apports a la date de l'operation soit superieure a la valeur
reelle globale de la societe a la date de realisation effective de l'operation.
Une telle situation est le fait d'une « perte intercalaire »
egalement appelee « perte de retroactivite ». Une provision pour
perte de retroactivite est constatee au passif figurant dans
le traite d'apport. Cette provision a pour objectif de
reduire le montant des
apports et de permettre ainsi le respect de l'obligation de
liberation du capital.
En effet, le risque est l'absence d'adequation entre la valeur
reelle des apports
et la valeur reelle « effective » des apports. Afin
qu'il n'y ait pas de difference entre les valeurs reelles figurant sur le
traite d'apport et les valeurs reelles correspondant effectivement aux apports
après prise en compte des effets de
la retroactivite, il convient d'enregistrer une provision egale a
cette difference entre « les deux » valeurs reelles.
Rappelons qu'en l'absence d'une telle adequation des valeurs, un
risque
de majoration frauduleuse des apports pèse et peut faire
l'objet de sanctions penales.
Cette provision ne vient pas s'inscrire dans le compte
« provisions et charges ». Elle s'inscrit dans un sous-compte
de la prime de fusion et vient imputer la prime de fusion.
b. La rarefaction des pertes intercalaires
La perte de retroactivite est generalement constatee lors
d'apports a la valeur reelle et est rare lors d'apports a la valeur
comptable. Etant donne que
les societes n'ont plus le choix de la valeur d'apport et que la
valeur comptable
est desormais retenue dans les operations intragroupes et
les operations a l'envers entre entites sous contrôle distinct, cette
perte risque de se rarefier.
Les raisons pour lesquelles cette perte est rarement
constatee sont
expliquées ci-après.
Apports effectués a la valeur réelle :
La valeur réelle des apports est appréciée
selon différents critères (valeur
de marché, valeur d'utilité pour la
société...). Pour évaluer la valeur réelle, il
convient d'estimer les flux futurs de trésorerie (cash-flows) que
généreront les actifs apportés. Or, ces
prévisions de trésorerie se doivent d'être fiables
et précises. Elles intègrent nécessairement les
résultats prévisionnels de la société
absorbée. Ces prévisions sont prises en compte dans le
traité d'apport. Cependant, les évaluations
opérées peuvent être remise en cause du fait
d'impondérables.
De tels impondérables peuvent être :
Une perte intercalaire supérieure aux estimations
(résultats inférieurs
aux prévisions dû a des facteurs exogènes ou
non...)
Perte exceptionnelle d'un actif
Remise en cause des calculs ayant servis a l'évaluation
des flux futurs
de trésorerie (taux d'actualisation modifié)
En définitive, il est évident que, sauf
événement majeur et imprévisible,
les estimations des valeurs réelles sont exactes,
ce qui élimine la possibilité d'une perte intercalaire.
Apports effectués a la valeur comptable :
Lorsque les apports sont réalisés a la valeur
comptable, la valeur totale
des apports figurants sur le traité d'apport est
généralement inférieure a la valeur globale de la
société absorbée. Il y a nécessairement des
plus-values latentes, si minimes soient-elles dont il convient de tenir compte
dans la valeur globale de la société. La perte de
rétroactivité est donc rare. Une provision
pour une telle perte ne se justifierait que dans les
cas où la perte est supérieure aux plus-values latentes.
2. Les opérations réciproques
Précisons que l'administration fait application d'une
rétroactivité forte
s'agissant des opérations réciproques. Les
flux entre l'entité absorbée et
comptablement et fiscalement.
absorbante
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sont
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totalement neutralisés
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Cependant,
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dans
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un souci de cohérence
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et de présentation suffisamment exhaustive de la
notion de rétroactivité, les opérations
réciproques seront présentées dans la partie
ci-après. Par ailleurs, que la cession d'éléments
d'actifs amortissables ou non intervienne sous l'emprise du régime de
faveur
ou non emporte les mêmes conséquences. Il n'y a donc
pas lieu de distinguer
selon que l'opération est placée sous le
régime de droit commun ou de faveur.
En période de rétroactivité, les
opérations réalisées entre sociétés
apporteuse et bénéficiaire (opérations
réciproques) sont éliminées sur le plan comptable. Ainsi,
elles ne sont pas prises en compte pour déterminer les
résultats imposables de la société
bénéficiaire des apports.
L'annulation d'un produit chez l'une des deux
sociétés et d'une charge chez
l'autre est neutre, tant sur le plan comptable que fiscal. Il n'y
a donc pas lieu
de constater de perte ni de profit s'agissant des
opérations courantes.
La cession d'une immobilisation au cours de la
période de rétroactivité sera réputée ne
pas être réalisée. Si le bien est vendu a la
société absorbante par l'absorbée, l'opération
sera traitée comme un apport. Ceci permettra a l'absorbante
d'échelonner l'imposition de la plus-value d'apport. En cas
de
cession du bien en sens inverse (de l'absorbante a
l'absorbée), le bien sera réputé n'avoir jamais
cessé d'appartenir a l'absorbante.
En ce qui concerne les opérations
réalisées par la société absorbée
pendant la période de rétroactivité, elles sont
réputées avoir été réalisées par
la société absorbante. Les
bénéfices sont donc intégrés aux
résultats de l'absorbante. Si le résultat laisse apparaitre une
perte, celle-ci est imputable dans les résultats de l'absorbante, ce qui
est cohérent avec la solution adoptée pour les
bénéfices. Notons que la règle d'imputation des pertes
chez l'absorbante est rappelée par l'arrêt (CE 16 juin 1993,
N° 70 446).
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