La compétence universelle (exposé)( Télécharger le fichier original )par Mahmoud El Khadir Université Mohammed 1er - 2005 |
section 1) Les fondements conventionnels4(*)on va se limiter aux conventions de Genève de 1949 (A) et à la Convention contre la torture de 1948 (B). A)Les conventions de Genève Les quatre Conventions de Genève de 1949 et les Protocoles additionnels ont prévu une compétence universelle des juridictions nationales à l'égard des violations graves du droit international humanitaire. Tout Etat partie à ces conventions est compétent pour juger toute personne présumée coupable d'infractions graves se trouvant sur son territoire quelle que soit la nationalité de cette personne ou le lieu où elle a commis les infractions {Chaque Partie contractante aura l'obligation de rechercher les personnes prévenues d'avoir commis, ou d'avoir ordonné de commettre, l'une ou l'autre de ces infractions graves, et elle devra les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Elle pourra aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie contractante, pour autant que cette Partie contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes.}5(*) De plus, l'article 88 du Protocole additionnel aux Conventions du 12 août 1949 "relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux" (Protocole I du 8 juin 1977) stipule que "Les Hautes Parties contractantes s'accorderont l'entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure relative aux infractions graves aux Conventions et au présent Protocole" et prévoit une coopération en matière d'extradition. Les Conventions de Genève ont donc créé une compétence universelle obligatoire - elles obligent les États à invoquer leur compétence. Les États ne sont pas nécessairement obligés de juger les auteurs présumés de violations graves du droit international humanitaire, mais lorsqu'ils ne le font pas, ils doivent engager les procédures appropriées pour les extrader vers un autre État qui a avancé des commencements de preuve. En outre, et cela élargit considérablement le champ d'application de la compétence universelle, il n'est pas nécessaire, aux termes de la lettre des Conventions, que les auteurs présumés soient découverts sur le territoire de l'Etat pour que ce dernier puisse ouvrir des enquêtes ou engager des poursuites judiciaires. B)La convention contre la torture de 1984 La torture fait l'objet d'une convention spécifique, adoptée à New York en 1984 et entrée en vigueur le 26 juin 1987. Aucune circonstance ne peut justifier l'acte de torture. La torture fait l'objet d'une condamnation unanime de tous les Etats, même si dans les faits certains continuent de la pratiquer encore aujourd'hui. La torture est unanimement condamnée par les Etats et de nombreux textes internationaux en ont consacré l'interdiction.6(*) Les juridictions internationales ont également affirmé le caractère universel de l'interdiction de la torture. On peut citer l'arrêt Furundzija , rendu par la Chambre de première instance du Tribunal pénal pour l'Ex-Yougoslavie en 1998, et qui énonce « L'autre trait majeur du principe interdisant la torture touche à la hiérarchie des règles dans l'ordre normatif international. En raison de l'importance des valeurs qu'il protège, ce principe est devenu une norme impérative ou jus cogens, c'est-à-dire une norme qui se situe dans la hiérarchie internationale à un rang plus élevé que le droit conventionnel, même que les règles du droit coutumier ordinaire. La conséquence la plus manifeste en est que les Etats ne peuvent déroger à ce principe par le biais de traités internationaux, de coutumes locales ou spéciales ou même de règles coutumières générales qui n'ont pas la même valeur normative. Clairement, la valeur du jus cogens de l'interdiction de la torture rend compte de l'idée que celle-ci est désormais une des normes les plus fondamentales de la communauté internationale. En outre cette interdiction doit avoir un effet de dissuasion, en ce sens qu'elle rappelle à tous les membres de la communauté internationale et aux individus sur lesquels ils ont autorité qu'il s'agit là d'une valeur absolue que nul ne peut transgresser. » La prohibition de la torture constitue donc une norme impérative du droit international, et ne saurait souffrir de dérogation s'agissant de la poursuite des auteurs de ce crime. C'est d'ailleurs ce qu'a prévu la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants de 1984, puisqu'elle précise, en ses articles 5.27(*), 68(*) et 7.19(*)que la répression du crime de torture fait l'objet d'une compétence universelle, ainsi que les modalités de mise en oeuvre de celle-ci. * 4 il y a d'autres conventions qui prévoient le principe de la compétence universelle,à savoir : Convention sur la répression de la capture illicite d'aéronefs du 16 décembre 1970 (article 4§2), la Convention pour la répression des actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile du 23 septembre 1971 telle que modifiée par le Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l'aviation civile internationale du 24 février 1988 (l'article 3 du Protocole ajoutant à l'article 5 de la convention, le paragraphe 2 bis), la Convention de New York sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques du 14 décembre 1973 (article 3§2), la Convention européenne pour la répression du terrorisme du 22 janvier 1977 (article 6), la Convention internationale de New York contre la prise d'otage du 17 décembre 1979 (article 5§2), la Convention sur la protection physique des matières nucléaires du 3 mars 1980 (article XXX), * 5 Chapitre X. art.49 de la Convention (I) de Genève, article 50 , chapitre VIII de la Convention (II) de Genève, art.129 de la Convention III et art. 146 de la Convention IV * 6 On peut citer notamment, outre la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains, ou dégradants de 1984 : - L'article 5 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme de 1948. -
L'article
7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16
décembre 1966. - L'article 5 de la Convention américaine des droits de l'Homme du 22 novembre 1969. * 7 « tout Etat partie prend également les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître desdites infractions dans le cas ou l'auteur présumé de celles-ci se trouve sur tout territoire sous sa juridiction et ou ledit Etat ne l'extrade pas conformément à l'article 8 vers l'un des Etats visée au parag 1 du présent article » * 8 « (..) tout Etat partie sur le territoire duquel se trouve une personne soupçonnée d'avoir connu une infraction visée à l'article 4 assure la détention de cette personne ou prend toutes autres mesures juridiques nécessaires pour assurer sa présence... » * 9 « l'Etat partie sur le territoire sous la juridiction duquel l'auteur présumé d'une infraction visée à l'article 4 est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, dans les cas visés à l'article 5, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale » |
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