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Le système de preuve devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda

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par Liliane Egounlety
UNIVERSITE D'ABOMEY-CALAVI (Bénin) - DEA Droits de l'Homme et Démocratie 2005
  

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SECTION 2 : L'INTENTION DE DETRUIRE EN TOUT OU EN PARTIE UN GROUPE

Dans la démonstration du crime de génocide, il incombe à la poursuite, en plus de la preuve de l'acte matériel, d'apporter celle de l'intention de l'auteur du crime. Il faut en effet, selon la définition du crime de génocide, établir que le crime a été commis dans l'intention de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Cet élément est décrit comme une intention spéciale. Spéciale en ce sens qu'il ne suffit pas que l'accusé ait la simple intention, mais qu'il l'ait eu dans le but d'atteindre le résultat incriminé. C'est le dol spécial (Paragraphe 1). Mais il ressort de l'expérience judiciaire relative à la démonstration du crime de génocide que la preuve de cette intention spéciale n'est pas souvent chose aisée (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1 : LE DOL SPECIAL

Le dol spécial constitue l'élément très spécifique du génocide207(*). Les juges du TPIR le définissent comme l'intention précise, chez le criminel, de provoquer le résultat incriminé, à savoir la destruction en tout ou en partie d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel208(*). En règle générale, la culpabilité d'un individu doit être prouvée à partir d'un élément psychologique parce que pour qu'il y ait sanction, il faut qu'il y ait faute. Et la preuve de l'élément psychologique est nécessaire pour éviter que celui qui est moralement innocent, qui ne comprend pas ou ne désire pas les conséquences de ses actes ne soit pas déclaré coupable209(*).

Or, la preuve de l'intention se fait normalement par déduction logique à la lumière des actes de l'accusé en vertu du principe selon lequel l'accusé est censé avoir voulu les conséquences de son acte210(*). Mais dans le contexte qui nous intéresse, suffit-il de commettre de façon isolée l'un des actes constitutifs du génocide pour conclure à sa commission ? En effet, pour que des actes de violence isolés ne subissent pas la qualification de génocide, il doit être tenu compte du caractère quantitatif du crime (A). De même, les personnes ayant été victimes du génocide ne doivent pas représenter une simple communauté, mais des groupes préalablement identifiés et protégés par la convention de 1948 (B).

A- Le critère quantitatif

L'élément moral qui doit être prouvé pour démontrer la commission du génocide, évoque l'existence d'un certain nombre de victimes à atteindre en posant l'acte criminel. En effet, selon la définition de la convention de 1948, reprise par le Statut du TPI, Il faut pouvoir démontrer qu'un des groupes protégés a été détruit en tout ou en partie, pour conclure à la commission du crime de génocide. Cette énonciation de l'intention spéciale requiert qu'un certain nombre de membres du groupe visé soit atteint.

Toutefois, une certitude demeure. Celle que la convention de 1948 n'a fixé aucun seuil quantitatif. Ainsi, une atteinte à l'intégrité physique de quelques membres ou même d'un seul membre de l'un des groupes protégés est suffisant pour qu'on parle de génocide, tant est que la preuve est faite que cet acte a été commis dans l'intention spécifique de l'auteur de détruire totalement ou partiellement le groupe. Mais dans ces cas de victime unique ou de nombre peu élevé de victimes, la preuve de l'intention spécifique peut s'avérer difficile. A moins de bénéficier d'une manifestation d'intention expresse, le nombre de victimes joue un rôle important dans la détermination de l'existence de l'intention génocidaire211(*). En effet, en matière de génocide, la preuve de l'intention spéciale est déterminante pour conclure à la commission d'un génocide. On peut qualifier un seul meurtre de génocide si la preuve est ramenée que ce meurtre a été commis dans l'intention de détruire en tout ou en partie le groupe auquel appartient la victime. Mais, comme l'affirme M. SCHABAS, en l'absence d'autres indicateurs, il est difficile de faire une telle déduction212(*).

En revanche, lorsque les victimes sont des centaines de milliers appartenant à un des groupes protégés, comme ce fut le cas au Rwanda, la déduction de l'intention génocidaire se fait sans hésitation. Les violations massives de droits de l'homme qui ont marqué le 20ème siècle et qui ont reçu la qualification de génocide montrent bien que le nombre de victimes est déterminant, ou du moins facilite la qualification de génocide.

Toutefois, la démonstration de la commission des différents actes et de l'intention spécifique ne peuvent se faire de façon autonome, pour qu'on déduise qu'il y a eu génocide. Cette démonstration des faits et de l'élément psychologique, doit obligatoirement se faire en rapport et en identifiant la nature du groupe concerné par ces différents actes. Dans la logique du texte de 1948 et du Statut du TPIR, seul le crime commis contre les groupes protégés peut être qualifié de génocide.

* 207 Roland ADJOVI, Florent MAZERON, "Tribunal Pénal International pour le Rwanda, l'essentiel de la jurisprudence du TPIR depuis sa création jusqu'à septembre 2002", http://www.ridi.org/adi/dip/tpir/2002.htm.

* 208 Aff. n° ICTR-96-4-T, Le Procureur c/. Jean-Paul AKAYESU, § 498.

* 209 Anne Marie LA ROSA op. cit., p. 397.

* 210 William A SHABAS, "L'affaire Akayesu et ses enseignements sur le droit du génocide", in Katia BOUSTANY et Daniel DORMOY, op. cit., p. 321.

* 211 Anne-Marie LA ROSA, et Santiago VILLAPANDO, article précité, p. 88.

* 212 A. William SHABAS, "Le Génocide", in Hervé ASCENSIO, et alii, (sous la dir.), Droit International Pénal, Editions PEDONE, Paris, 2000, p. 321.

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