Les délais dans le contentieux de l'excès de pouvoir au Bénin( Télécharger le fichier original )par Théodor Enone Eboh Université d'Abomey-Calavi/(ex-Université Nationale du Bénin - Maà®trise 2004 |
DEUXIEME PARTIE :LES DELAIS DANS LA PROCEDURE CONTENTIEUSETout justiciable qui conteste la régularité d'un acte administratif peut saisir le juge d'un recours pour excès de pouvoir. La procédure est ouverte une fois satisfaite l'exercice du recours administratif préalable. Comme pour les recours administratifs, le recours contentieux est soumis à des exigences de délai. Certains précèdent la saisine du juge (chapitre 1) d'autres se rapportent à l'instruction (chapitre 2). Chapitre ILES DELAIS D'INTRODUCTION DE L'INSTANCELa saisine du juge déclenche l'instance contentieuse, qui va aboutir au prononcé du jugement. Le juge ne peut se saisir d'office en matière du contentieux de l'excès de pouvoir. Le législateur a envisagé deux modes de saisine du juge : il y a d'une part la requête introductive d'instance et d'autre part la forme de pourvoi en cassation. Ce deuxième mode qui est particulier, se fait par déclaration au greffe de la Chambre Administrative de la Cour Suprême, contre les décisions rendues en premier ressort par les organismes administratifs à caractère juridictionnel. La saisine de la Chambre par voie de requête est le mode de droit commun de saisine du juge de l'excès de pouvoir. Cette action doit être exercée dans les délais bien déterminés (section 1), et dont l'inobservation entraîne en principe la forclusion (section 2). Section I : LE DELAI DE SAISINE DU JUGELe législateur a fixé à deux (02) mois les délais d'exercice de l'action, en ce qui concerne l'introduction du recours par voie de requête, Ce délai est porté à cinq (05) mois, lorsque le juge est saisi par déclaration au greffe. Le délai de pourvoi au Bénin, en matière civile et commerciale étant de cinq mois. La détermination du point de départ desdits délais (§1) varie selon plusieurs hypothèses. Les moyens de saisine du juge peuvent également avoir un impact sur ces délais (§2). §1- LA COMPUTATION DES DELAIS DE SAISINE DU JUGELe délai de saisine du juge de l'excès de pouvoir est respectivement de deux et de cinq mois soit par requête, ou dans les hypothèses de pourvoi en cassation. Le point de départ des délais de saisine du juge est la date à partir de laquelle le requérant doit introduire son recours contentieux. A côté des hypothèses fixées par le législateur lui-même (A), il y a aussi un cas d'origine jurisprudentielle (B). A) Les hypothèses législativesElles sont au nombre de deux. La première hypothèse est celle du silence gardé par l'autorité administrative à l'expiration des délais du recours hiérarchique ou gracieux. Dans ce cas, c'est au jour de l'expiration de ces délais que commence à courir le délai de deux mois pour saisir le juge. Dans cette hypothèse, le délai de saisine du juge est donc un délai non franc. Sont comptés dans les délais aussi bien le dies a quo que le dies ad quem. Quelques arrêts de la jurisprudence béninoise l'illustrent fort bien. Admis à la retraite par décret n° 91-56 du 29 mars 1991, et notifié par bordereau d'envoi du 20 juin 1991, le Lieutenant des Forces Armées béninoises Augustin HOUETO a saisi le juge pour solliciter l'annulation dudit décret. Statuant sur la recevabilité, le juge détermine le point de départ du délai contentieux en ces termes : «Considérant qu'en l'espèce le décret n° 91-56 du 29 mars 1991 portant admission à la retraite du Lieutenant des Forces Armées béninoises Augustin HOUETO a été notifié à ce dernier par bordereau d'envoi illisible /4-C-GA/GEND-NAT du 20 juin 1991, que le requérant a saisi le Président de la République, Chef de l'Etat, Chef Suprême des Armées d'un recours gracieux en date du 11 juillet 1991, qu'il disposait donc d'un délai de deux mois, jusqu'au 11 septembre 1991 pour saisir la cour de son recours contentieux... »87(*). Dans cette espèce, le recours du requérant date du 08 juillet 1991. Or c'est à partir du 11 septembre que le silence de l'administration arrivait à expiration, et c'est à partir de cette date que le requérant pouvait introduire son recours contentieux. Il faut toutefois noter que le juge aurait dû dire (...), qu'il disposait donc d'un délai de deux mois,"à partir du" 11 septembre 1991 pour saisir la Cour de son recours contentieux. Cette jurisprudence est confirmée en 1997 dans l'arrêt N° 3/CA du 24 avril 1997, où la Cour affirme «... qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a saisi le Préfet de l'Atlantique d'un recours gracieux en date du 30 janvier 1982, aux fins de voir rapporter la décision de mutation du permis d'Habiter afférent au VON 189-226/SE au nom de SODOGANDJI Clémentine ; Que ledit requérant ne devait introduire son recours contentieux que le 30 mars 1982 au plus tôt »88(*). La deuxième hypothèse est celle où l'autorité administrative notifie sa décision explicite de rejet dans les deux mois qui suivent la requête. Dans ce cas, le délai de recours contentieux commence à courir à partir de la notification de décision de rejet explicite. S'agit-il des délais francs ou non francs ? Dans un arrêt rendu en 1999, le juge prend position pour les délais non francs. Les faits de l'espèce concernent l'abrogation d'une convention de vente par le Préfet de l'Atacora. Après avoir exercé son recours gracieux le 03 mars 1995, monsieur ADEBO BOUARINE Dine sollicite l'annulation de cette décision d'abrogation par le juge. Le juge estime que « dans le cas d'espèce, la décision querellée date du 13 février 1995 ; que le requérant a formulé son premier recours gracieux le 03 mars 1995, lequel a été adressé au Préfet du département de l'Atacora la même date, que la réponse du Préfet du département de l'Atacora du 17 avril 1995, adressée à monsieur RAFIKOU ALABI, conseil du requérant, Avocat à la Cour d'Appel de Cotonou est un rejet implicite du recours gracieux, que le requérant doit avoir saisi la Cour Suprême au plus tard le 17 juin 1995 »89(*). La réponse du Préfet est intervenue le 17 avril 1995, donc dans les deux mois après l'exercice du recours administratif. Le juge inclut aussi bien le dies a quo que le dies ad quem pour déterminer les deux mois de recours contentieux. Lorsqu'il s'agit de la décision émanant d'un organe administratif à caractère juridictionnel comme le Conseil d'Arbitrage, la HAAC, les conseils des Ordres nationaux, etc., c'est à partir du jour du prononcé de la sentence que commence à courir le délai contentieux. La dernière hypothèse prévue par le législateur concerne la possibilité de solliciter l'assistance judiciaire (article 47 de l'Ordonnance 21/PR). L'assistance judiciaire est un bénéfice accordé aux personnes qui sont pratiquement dans l'impossibilité d'exercer leurs droits en justice, en raison de l'insuffisance de leurs ressources.90(*) Notons d'abord que le requérant n'est pas obligé de constituer avocat en matière de recours pour excès de pouvoir, pourtant obligatoire devant la Cour Suprême. En effet, cette dispense du ministère d'avocat est prévue par l'article 42 de l'Ordonnance n°21/PR La conséquence de la demande de l'assistance judiciaire est la prorogation des délais de recours contentieux. Lorsqu'elle est accordée, « le recours peut être introduit à toute époque »91(*). Par contre, si elle est refusée, le requérant doit introduire le recours contentieux à partir de la notification de cette décision de refus. * 87 Arrêt N° 91-28/CA du 04 août 1994, HOUETO Augustin c/ Etat béninois, Cour Suprême, Recueil des arrêts de la Cour Suprême du Bénin, Cour Suprême, 1994, p. 108. * 88 Arrêt N° 3/CA du 24 avril 1997, ZONOU Daniel c/ Préfet de l'Atlantique, Cour Suprême, Recueil des arrêts de la Cour Suprême du Bénin, Cour Suprême, 1997, p. 95. * 89 Arrêt N° 57/CA du 19 août 1999, ADEBO BOUARINE Dine c/ Préfet de l'Atacora, Cour Suprême, Recueil des arrêts de la Cour Suprême du Bénin, Cour Suprême, 1999, p. 414. * 90 O. GAYE, M. S. DIOUF, op. cit. P. 67. * 91 C. DEBBASCH, Droit administratif, 6e éd. Economica, op. cit. P. 735. |
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