1.2. Les médias et la question
des albinos
Les Nations Unies organisent chaque 13 juin la journée
internationale de sensibilisation à l'albinisme dont l'objectif est de
sensibiliser le grand public aux difficultés rencontrées dans
leur vie quotidienne par les personnes atteintes de cette maladie. Dans
certains pays, ces personnes apparaissent fréquemment dans des
médias, souvent sous un jour négatif, même si les choses
commencent à évoluer lentement.Les albinos pourraient être
décrits comme une minorité invisible dans les médias :
bien qu'une partie notable de la population souffre d'une incapacité
physique ou mentale, ces personnes étaient jusqu'à tout
récemment presque totalement absentes des médias de masse en
l'occurrence la télévision. De plus, lorsqu'elles sont finalement
représentées, elles le sont généralement de
façon stéréotypée.Dans son article
« ChangingChannels: Improving Media Portrayals of
Disability », Scott Bremner, (2008) rapporte justement que
« bien que 4,4 millions de Canadiens souffrent d'un handicap ou d'une
incapacité, nous sommes bel et bien absents des médias
populaires. Et lorsqu'on nous représente, nous le sommes de façon
stéréotypée ou dégradante. »
En France, la question des handicaps semble ignorée
à la télévision selon le Rapport final (2012)
sur « La médiatisation des handicapés en France.
L'exemple des programmes des chaînes de
télévision », publiépar Matthieu GROSSETETE avec
Dominique MARCHETTI. Ainsi, cette enquête s'est proposée de cerner
dans la période (1995-2009) les conditions sociales de
possibilité ou d'impossibilité de la médiatisation des
situations de handicap à la télévision,
c'est-à-dire dans les journaux du début de soirée et dans
les autres programmes télévisés français. Le
principe directeur du travail a consisté à appréhender
comment l'accès difficile du problème du handicap à la
télévision est le produit de la rencontre entre, d'une part, les
propriétés sociales de cet enjeu, tel qu'il est constitué
par différents univers sociaux, professionnels, et, d'autre part, le
champ journalistique sur lequel des fractions de ces derniers cherchent
à peser pour imposer leur point de vue.
La première partie du rapport rend compte des
difficultés d'accès du handicap à la
télévision, qui se traduit non seulement dans les données
statistiques mais aussi dans la division du travail journalistique ou encore
dans le discours des journalistes. Par-delà la concurrence de plus en
plus intense entre les différents entrepreneurs de "causes", cette
thématique se caractérise par des propriétés
sociales (un groupe hétérogène, divisé, etc.)
jugées bien souvent trop négatives pour être dignes de
relever d'une actualité capable de rassembler un public suffisamment
large. C'est ce qui explique notamment que la thématique ne parvient pas
à s'imposer régulièrement et durablement à la
télévision, le handicap relevant d'une actualité à
la fois dominée, événementielle et institutionnelle.
La deuxième partie approfondit ce diagnostic en
montrant que les différentes situations de handicap sont en position
très inégales dans le processus de médiatisation
télévisuelle. L'analyse quantitative donne à voir la
surreprésentation des déficiences motrices (et dans une moindre
mesure des handicaps sensoriels et cognitifs), qui incarnent très
fortement à l'image et dans la parole les représentations
dominantes de cette question. Les enfants et les sportifs handicapés se
dégagent également comme des figures médiatiques
marquantes. En revanche, les handicapés mentaux, psychiques et les
polyhandicapés sont jugés beaucoup moins "
télégéniques". Les facteurs explicatifs de ces
inégalités renvoient à la fois aux logiques de
fonctionnement de l'univers médiatique - qui retraduit à sa
manière des transformations économiques, sociales et politiques -
et aux fortes différences de structuration de l'espace des associations
en charge des différentes situations de handicap. Cette recherche
conclut sur les transformations de l'espace télévisuel que la
médiatisation du handicap révèle : une individualisation,
une démédicalisation et une « peopolisation »
(2012) croissante des contenus.
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