II. LE COURANT COGNITIF DE LA GOUVERNANCE
Ce paragraphe sera consacré à la
présentation de son modèle ainsi que les sources des conflits
cognitifs.
1. Le modèle cognitif
Ce courant enrichit la compréhension de la gouvernance
dans le sens où il ne se limite pas à la lecture contractuelle de
la firme ; mais bien d'avantage il permet d'avoir le meilleur potentiel de
création de valeur en privilégiant les compétences,
l'apprentissage organisationnelle et l'innovation.
Cette version dépasse la dimension disciplinaire et se
trouve dans l'exploration des nouveaux gisements de valeur. Elle favorise
l'change et la création des ressources cognitives, ensembles
d'informations, de connaissances, de capacités théoriques et
pratiques susceptibles de procurer au décideur et a l'entreprise un
avantage concurrentiel durable et par conséquent, de créer de la
valeur.
A la différence du modèle partenarial, ce n'est
plus l'information qui est l'enjeu. C'est plutôt la connaissance, la
firme acquiert la faculté d'apprentissage et de créer des
connaissances et les notions d'apprentissage deviennent centrales.
2. Les sources des conflits cognitifs
Le statut de l'argument cognitif dans le processus de
création de valeur n'est cependant pas simple. Il comporte le risque
d'un conflit fondé non pas sur des intérêts objectivement
divergents, mais sur un véritable désaccord concernant la
meilleure conduite à adopter. Il nait quand plusieurs idées
incompatibles sont proposées au sein d'un groupe, en particulier en
situation de décisions dédiées à la formulation de
choix. Selon Charreaux, les conflits cognitifs interviennent
lors de la construction et de l'évaluation de la pertinence
stratégique des opportunités d'investissements. Par exemple, les
dirigeants, les administrateurs, les actionneurs pensent faire des propositions
incompatibles ou s'opposer quant à l'appréciation de la
viabilité industrielle d'un projet, sur la base de la même
information. Un tel conflit peut alors être source de cout, notamment
sous la forme d'opportunité d'investissement non exploitées et/ou
non créées.
Dans ce cadre, le système de gouvernance a pour
principale mission de réduire les conflits cognitifs. Toutefois, il est
à noter que ces derniers ne sont pas nécessairement
néfastes, dans la mesure où l'existence de différents
schémas cognitifs est sources d'innovation et que la construction
d'idées nouvelles peut précisément émerger de ces
différentes vues.
Les théories de la gouvernance ont connu une
évolution substantielle les conduisant d'une modélisation de la
formation de la valeur, fondée principalement sur le modèle
financier vers des modélisations peu réalistes, faisant
intervenir l'ensemble des parties prenantes. La constitution d'un
système propre aux PME induit une évolution du système de
gouvernance. Si on fait une synthèse entre les théories
contractuelles (partenariales) et les théories cognitives, on peut
dégager une théorie unifiée de la gouvernance qui s'adapte
à la réalité de la PME.
En effet, le modèle disciplinaire partenarial semble
plus pertinent pour les PME dans la mesure où le principal actionnaire
et le dirigeant sont confondus. Et comme l'approche cognitive recherche de la
valeur pour l'entreprise en encourageant la collaboration, l'apprentissage et
l'innovation, l'ensemble de ces conditions sont bien transférables
à la réalité des PME.
Charreaux (2002) a proposé une
synthèse entre les théories de la gouvernance à travers le
tableau suivant :
Tableau 2: synthèse des différentes
suites théoriques de la gouvernance
|
Théorie de la gouvernance
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Contractuelles
|
Cognitives
|
Synthétiques
|
Actionnariale
|
Partenariale
|
Théories de la firme support
|
Théorie contractuelle principalement théories
positives et normatives de l'agence Vision étroite de l'efficience de la
propriété
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Théories contractuelles (positives ou normatives)
Vision généralisée de l'efficience et de la
propriété
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Théories comportementales
Théorie évolutionniste
Théorie de l'apprentissage organisationnel
Théorie des ressources et des compétences
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Tentatives synthèse entre théories
contractuelles et théories cognitives
|
Aspect privilégié dans la création de la
valeur
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Discipline et répartition
Réduire les pertes d'efficience liées aux
conflits d'intérêts entre les dirigeants et investisseurs
financiers
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Discipline et répartition
Réduire les pertes d'efficience liées aux
conflits d'intérêts entre les différentes parties
permanentes, notamment avec les salariés
|
Aspect productif
Créer et percevoir de nouvelles opportunités
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Synthèse des dimensions disciplinaires et
productives
|
Définition du SG
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Ensemble des mécanismes permettant de sécuriser
l'investissement financier
|
Ensemble des mécanismes permettant de pérenniser
le noeud de contrat ou d'optimiser la latitude managériale
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Ensemble de mécanismes permettant d'avoir le meilleur
potentiel de création de valeur par l'apprentissage et l'innovation
|
Ensemble de mécanismes permettant de pérenniser
le noeud de contrats ou d'optimiser la latitude managériale (dimensions
et répartition, production)
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Mécanismes de gouvernance
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Vision étroite axée sur la discipline permettant
de sécuriser l'investissement financier
|
Vision large sur la discipline permettant de pérenniser
le noeud de contrat
Définition de la latitude managériale
optimale
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Vision axée sur l'influence des mécanismes en
matière d'innovation d'apprentissage.
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Vision synthétique des mécanismes prenant en
compte les deux dimensions, production et répartition
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Objectif de
Gestion
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Maximisation de la valeur actionnariale (critère
exogène ou endogène)
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Maximisation de la valeur partenariale (critère
exogène ou endogène)
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Recherche de la valeur pour l'entreprise
|
Recherche de valeur partenariale
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Source : Gérard Charreaux : Quelles
théories pour la gouvernance ? De la gouvernance actionnariale
à la gouvernance cognitive (2002, p14.)
|
Cette vision synthétique implique que le système
de gouvernance soit dirigé vers la construction de connaissances et vers
la participation des différentes parties prenantes dans le processus de
création d'un maximum de valeur et sa répartition.
Ainsi, les mécanismes de gouvernance n'auront plus pour
objectif principal que d'assurer la discipline du dirigeant pour qu'il agisse
dans l'intérêt des actionnaires mais plutôt l'incitation du
dirigeant à coordonner les efforts pour être efficient.
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