CHAPITRE 2 : LES THEORIES ET LES MECANISMES DE LA
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Au cours de ces deux décennies, le monde entier a
assisté à plusieurs scandales financiers ayant conduits à
la faillite de nombreuses entreprises sur les marchés financiers.
L'exploitation au grand jour au début des années 2000 des
fraudes, des détournements de fonds, des falsifications de documents et
d'états financiers de grandes entreprises, telles EURON, WORLD COM,
PARMALAT ou NORTEL ont secoué l'ordre établi et
ébranlé sérieusement la confiance des investisseurs
à travers le monde. Malgré les reformes et le durcissement des
lois et des règles, une nouvelle vague de dérapage
déferlera tout de même sur les marchés américains
entre 2007 et 2009, menant une crise financière et une importante
récession mondiale. La faute sera attribuée aux pratiques
d'affaires douteuses et à la faible gouvernance d'institutions
privées. L'origine de ces différentes faillites reste
attribuée au manque d'éthique et au comportement irresponsable
des dirigeants et des employés, remettant en cause la question de
gouvernance auprès des entreprises. Le présent chapitre qui porte
sur une revue de la littérature traitera des théories de la
gouvernance (section 1) ainsi que ses mécanismes (section 2).
SECTION 1 : LES THEORIES DE LA GOUVERNANCE
D'ENTREPRISE
Pour CHARREAUX, l'ensemble des
théories dominant les études et réflexions sur la
gouvernance d'entreprise s'inscrit dans la perspective l'efficience. De ce
fait, les mécanismes qu'induit cette question doivent contribuer
à améliorer l'efficience de l'entreprise. On distingue ainsi, au
niveau des théories de la gouvernance, le courant
disciplinaire du courant cognitif.
I. LE COURANT DISCIPLINAIRE
Le courant disciplinaire de la gouvernance repose sur deux
approches théoriques : la théorie actionnariale et
la théorie partenariale de la gouvernance.
1. Le modèle actionnarial de la gouvernance
Issu du débat ouvert par BALE et MEANS
concernant la firme managériale, le modèle actionnarial qui
repose sur une vision financière de l'entreprise est une
modélisation mettant en premier rang l'analyse de la relation entre le
dirigeant et les actionnaires. Ce modèle trouve son origine dans
l'analyse de JENSEN et MECKLING (1976), qui poursuivait deux
objectifs :
v Le premier, très ambitieux, était de proposer
une théorie contractuelle de l'entreprise, vue comme une équipe
de facteurs de production, inspirée de la théorie des droits de
propriété, et articulée autour de la notion de relation
d'agence ;
v Le second plus étroit, était d'illustrer le
pouvoir explicatif de cette théorie, relativement au problème de
la structure de financement des entreprises.
Si, au départ, Jensen et Meckling considèrent
que l'entreprise est un noeud de contrats associant l'entreprise et l'ensemble
des apporteurs de ressources, leur objectif était limité
d'explication de la structure de financement les conduit à construire un
modèle simplifié ne considérant que deux relations
d'agence. La première lie le dirigeant aux actionnaires et la seconde,
l'entreprise représentée par les dirigeants et les actionnaires,
aux créanciers financiers.
Cette modélisation traditionnelle, place au premier
rang l'analyse de la relation entre un dirigeant - entrepreneur ouvrant son
capital à de nouveaux actionnaires, ces derniers jouant le rôle du
``principal'' et le dirigeant, celui de
``l'agent'', a donné naissance à la conception
actionnariale qui domine encore actuellement les recherches et les
réflexions sur le sujet de la gouvernance d'entreprise.
Elle fait initialement associée à la conception
légale de la propriété censée ne reconnaitre comme
propriétaire, comme seuls créanciers, que les actionnaires. Elle
conduit à attribuer au système de gouvernance le rôle
exclusif de ``sécuriser'' l'investissement financier (Shleifer
et Vishny, 1997). Les mécanismes de gouvernance constituent
selon cette perspective disciplinaire, des moyens d'obliger les dirigeants
à ``maximiser'' la valeur actionnariale.
En effet, le fondement de ce modèle est lié
principalement à la séparation entre la fonction de
propriété (assumée par les actionnaires) et la fonction de
décision (confiée aux dirigeants) qui est une illustration de la
relation entre un mandant (ou principal) et un mandataire (ou agent) et qui est
connue sous le terme de relation d'agence. Cette relation, en l'absence de
régulation entraine des coûts d'agences liés aux conflits
qui naissent de divergence d'objectifs et des asymétries d'informations
traditionnelles de risque moral et de sélection adverse.
Le risque moral nait de l'impossibilité pour le
principal d'évaluer les efforts effectués par le dirigeant. Les
actionnaires sont dans l'incapacité d'apprécier, compte tenu, de
la complexité, la qualité de la gestion assurée par les
dirigeants.
Le phénomène de la sélection adverse
trouve son origine dans l'impossibilité qu'à le principal d'avoir
une connaissance précise des caractéristiques du bien ou service
sur lequel porte le contrat de l'agent.
Carreaux ajoute : « Les stakeholders »
présentent l'ensemble des agents dont l'utilité est
affectée par les décisions de la firme. Plusieurs auteurs s'en
tient ainsi aux parties prenantes qui sont les actionnaires, les
salariés, les clients, les fournisseurs et les autres
créanciers.
Cet aménagement du schéma de création de
valeur, comparativement au modèle actionnarial, se situe au niveau de la
répartition, par la remise en cause du statut de créanciers
résiduels exclusifs des actionnaires. L'abandon de cette
hypothèse conduit à s'interroger sur le partage de la valeur
ajoutée créée par l'entreprise, lequel, a également
une influence sur la création de valeur. Les apporteurs de facteurs de
production, autre que les actionnaires, ne seront incités à
contribuer à la création de valeur que s'ils perçoivent
également une partie de cette rente, accédant ainsi au statut de
créancier résiduel. Autrement dit, comme le précise
Zingales (1998), la gouvernance n'influe sur la
création de la rente qu'à travers la régularisation :
le système de gouvernance n'est qu'un ensemble de contraintes
régissant la négociation expost sur le partage de la rente entre
les différents partenaires. Autrement dit, une bonne gouvernance est
liée à l'équité concernant la répartition
des gains de productivité ou du produit de la rente entre l'entreprise
et ses partenaires.
Zingales (2000) présente
l'argumentation suivante au profit de la vision partenariale :
- La diffusion du pouvoir et des rentes sur l'ensemble de
l'organisation et des parties prenantes implique que la préoccupation de
la gouvernance doit être désormais de prévenir les conflits
entre les parties prenantes de façon à éviter de paralyser
ou à détruire la firme.
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