B. Le libre choix du contenu de la décision
Après la question d'opportunité de l'action,
l'autorité administrative peut déterminer en toute liberté
le contenu de sa décision. Mais celle-là doit toujours poursuivre
l'intérêt général. Deux hypothèses sont
possibles: soit que l'on détermine à l'avance les solutions entre
lesquelles le choix sera opéré, dans ce cas la liberté
d'appréciation de l'Administration consiste à choisir l'une
d'entre elles; soit aucune solution n'est déterminée à
l'avance par la réglementation, l'Administration prendra alors la
solution qui lui paraît la plus convenable.
1. Choix entre plusieurs solutions
prédéterminées
Cette hypothèse trouve son illustration dans le domaine
disciplinaire où le texte se contente d'indiquer le barème de
sanctions applicables sans pour autant déterminer
précisément « la faute qui donne lieu à telle
sanction déterminée »9.
Le principe du droit pénal « nullum crimen, nulla
poena sine lege »10 ne s'y applique que partiellement.
L'autorité a donc la latitude d'apprécier le fait susceptible
d'être qualifié de faute disciplinaire comme l'abandon de poste,
un principe posé par l'arrêt RAJAONARIVELO Manehosoa11.
Dans cette affaire, il a été jugé que le fait de ne pas
reprendre son service après l'expiration d'un congé
cumulé, malgré la lettre de mise en demeure de l'Administration,
constitue une faute disciplinaire passible de révocation, sans qu'il ait
besoin de respecter les droits de la défense. Cependant, il n'y a pas
d'obligation d'appliquer telle sanction précise. Dès que
l'Administration est convaincue de l'établissement de la faute
disciplinaire et qu'elle décide de la
8 C.A, 11 septembre 2002, RANDRIAMAHOLISON Jules
Henri, RJCA de 1977 à 2003, n° 421, p. 512
9 Velontrasina JULIEN, Cours polycopié du
Droit administratif approfondi Niveau C, Université de Toamasina, 2010,
p. 31
10 Nullum crimen, nulla poena sine lege: il n'y a pas
de crime, il n'y a pas de peine sans loi
11 Cf. Annexe III, p. 61, C.A, 18 juillet 1984,
RAJAONARIVELO Manehosoa, RJCA de 1977 à 2003, n° 133, p. 174
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sanctionner, elle est libre d'appliquer, selon son
appréciation, l'une des sanctions prévues par la
réglementation qui lui paraît correspondre le mieux à la
gravité de la faute. Le pouvoir discrétionnaire est donc
limité par le cadre de son exercice préalablement fixé par
la réglementation. Lorsque les pouvoirs de l'Administration ont un
caractère très général, la réglementation
laisse souvent le soin à l'Administration d'apprécier
elle-même les modalités qui conviennent le mieux à leur
mise en oeuvre. C'est le cas lorsque la réglementation accorde le
pouvoir à l'Administration de garantir la sécurité, de
veiller à l'ordre public, d'assurer les meilleures conditions de sa
décision.
En ce qui concerne, la garantie de la sécurité
lors des manifestations publiques par exemple, l'autorité administrative
peut choisir la sensibilisation des manifestants à adopter un
comportement pacifique, elle peut choisir de déployer une force de
police impressionnante pour créer un effet dissuasif, elle peut enfin
réprimer les éventuels débordements des manifestants par
le recours à la force
2. Libre choix indispensable mais redoutable
A quoi sert-il de doter l'Administration d'un pouvoir
d'appréciation discrétionnaire ? Cette question se justifie par
l'inquiétude d'une éventualité de l'abus du pouvoir
discrétionnaire. Il suffit d'un petit glissement pour tomber dans les
travers de l'arbitraire.
a. Le pouvoir discrétionnaire, instrument
indispensable pour l'Administration
Le pouvoir discrétionnaire répond à
« la nécessité d'une certaine liberté d'action de
l'Administration »12. Son comportement ne peut être
« entièrement prédéterminé sous peine de
dysfonctionnement »13. La réglementation ne peut donc
prévoir à l'avance toutes les hypothèses de situations
auxquelles l'Administration devrait faire face. Par ailleurs, certaines
situations requièrent une décision immédiate
12 Yves GAUDEMET, L'expropriation du droit
administratif français, Mélanges Philipe Ardant, 1999, p. 110
13 René CHAPUS, Droit administratif
général, Montchrestien, 1994, p. 1011
10
de l'Administration sans lui laisser le temps d'attendre une
directive, sinon son action risquerait d'être inefficace. Ainsi, elle a
la possibilité d'adapter son action compte tenu de la situation devant
laquelle elle se trouve.
b. Le pouvoir discrétionnaire, une arme
redoutable
Le pouvoir discrétionnaire est un couteau à
double tranchant. Son utilité indéniable ne lui enlève pas
son potentiel élevé de risque. Son usage n'est rassurant qu'en
présence de mécanismes adéquats capables de
prévenir ou d'éliminer un danger. Le système administratif
doit donc contenir nécessairement les mécanismes d'encadrement de
l'exercice du pouvoir discrétionnaire. En leur absence, l'on en est
réduit à la situation initiale où il existait des actes
purement discrétionnaires soustraits de tout contrôle et qui ne
connaissent aucune limites.
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